Voter pour nos enfants et pour l’avenir
Avec Wade, il ne faut pas débattre, il faut le laisser se débattre…
Il y a mille raisons, pour n’importe quel candidat qui serait au deuxième tour face à lui, de ne pas accepter de débattre avec Abdoulaye Wade, le vrai-faux candidat de cette élection qui est en train de tourner à la bérézina pour son camp. En voici deux, jumelles, elles vont ensemble et me semblent d’égale valeur pour justifier le refus de se mettre face à Wade pour discuter de quoi que ce soit : la non validité de sa candidature et sa douteuse conception de l’éthique du comportement, même envers les lois qu’il a personnellement inspirées ; de même que devant le respect de la parole donnée au peuple tout entier. Qu’en sera-t-il face à un unique interlocuteur direct et deux ou trois arbitres, journalistes sénégalais pour lesquels Wade n’a jamais montré de respect, préférant distribuer égards et entretiens privilégiés à la presse étrangère, européenne ou américaine ?
Un débat, c’est un duel et le propre d’un duel c’est d’être loyal ; or, voici que l’un des duellistes, Abdoulaye Wade, en l’occurrence, n’a été admis à cette étape du concours, qui donne droit à ce face à face avec Macky Sall, que parce qu’il a été déloyal vis-à-vis de la Charte fondamentale, et de sa propre parole.
Il nous avait dit, alors qu’il n’y avait aucune pression sur lui : « J’ai verrouillé la Constitution à deux mandats, je ne peux donc pas me présenter une troisième fois à une élection présidentielle ». Et puis, après, pour on ne sait quelle raison, certainement plus impérieuse à ses yeux que la loyauté envers la loi fondamentale et envers ses compatriotes sénégalais, il a eu envie ou plutôt besoin de se représenter. Il n’a alors pas hésité à nous dire : « Maa waxoon, waxeet » (c’est bien moi qui avais dit cela, mais je me dédis). Suite à cela, l’opposition, de concert avec le mouvement du 23 juin, accompagnés par diverses organisations et groupes, ont fait de son exclusion du jeu électoral leur cheval de bataille. La surprenante validation de la candidature du président sortant par cinq sages hypnotisés par l’outrecuidante audace de sa pirouette, n’a pu calmer les esprits, même si la campagne électorale de tous les treize autres candidats, au premier tour, avait eu pour thème principal le rejet de cette candidature illégale. Le second tour n’y échappera pas. La candidature de Wade était illégale, hier, elle l’est aujourd’hui, elle le restera pour l’histoire. Macky Sall, lui-même, puisqu’il est le premier concerné par cet argumentaire, au sortir de sa réunion avec le
directoire des Assises nationales, samedi dernier, l’a réaffirmé : Abdoulaye Wade ne devait pas participer à cette élection. Or, il y a participé, certes, avec comme concurrents tous ceux qui récusent sa candidature, et va aussi participer au second tour. Alors pourquoi donc lui refuser un débat avec son challenger du deuxième tour parce que ce dernier récuse la validité de sa candidature ? La raison est fort simple. Après qu’il a refusé d’entendre le conseil de Y’en a marre, « Faut pas forcer ! », et que le Conseil constitutionnel l’a admis à concourir, la loi électorale comme la loi constitutionnelle obligeaient quiconque était candidat à concourir avec lui. Mais aucune loi n’oblige personne à débattre s’il n’en a pas envie, ou, plus impératif, s’il trouve politiquement improductif de le faire. L’empressement du camp présidentiel à avoir ce débat est bien
compréhensible, son candidat à tout à gagner à n’importe quel événement nouveau après son échec à nouer alliance avec l’un quelconque des candidats malheureux du premier tour. Les plus considérables, pas n’importe quels débutants, Niasse Tanor et Idy, totalisant 39% des suffrages, ont décidé de soutenir Macky Sall au deuxième tour. 39 %, ajoutés arithmétiquement aux 26% de ce dernier, le portent à un potentiel de 65% des suffrages. Aucune fraude électorale ordinaire ne peut renverser une telle tendance à deux semaines du scrutin. Seul un coup de force électoral le pourrait. Et il ne faudrait donner au sortant aucune fausse victoire, aucune illusion de retournement de situation qui lui fournirait prétexte à tenter ce saut périlleux pour le pays. Ce débat n’est assurément pas urgent pour tous ceux qui ont pour slogan : « Wade dégage ! ». Ils n’ont rien à y gagner que de lui donner la caution d’un vrai candidat, aussi légitime que son interlocuteur. Et ce n’est même pas tout. Ce type de débat, dans les pays où il est une tradition, se déroule autour du bilan du sortant et du programme du candidat. Or, le candidat Wade, lors de son premier meeting du premier tour à Mbacké, avait dit : « Je ne ferai pas de bilan ». Il n’en a pas fait tout au long de sa campagne. Deux fois, il a eu à parler de son adversaire du deuxième tour. C’était pour tenter de minimiser son poids politique, voire sa personnalité, en raillant : « J’ai été content de le rencontrer, il avait un petit camion et dix personnes l’accompagnaient », c’était à Dakar ; puis à Fatick, dans le fief de Macky : « C’est un apprenti… je l’ai formé dans mon université du Pds et il n’est même pas diplômé ». C’était futile, bien entendu, improductif aussi, puisque ça n’as pas empêché Macky de le « mettre sur trois appuis » (j’aime bien cette trouvaille de la presse) comme on dit à la lutte. Et le débat que l’on aurait risqué de voir Wade le mener sur ce type de sentiers fort sinueux pour Macky : le président va le tutoyer, pendant que Macky le vouvoiera. Wade n’hésitera pas s’il fallait être inconvenant, Macky restera poli, c’est d’abord sa nature ; et puis, comment faire quand on a 49 ans et son interlocuteur 90 ? Je ne sens pas ce débat… Pourtant, presque vieux satiriste, qui aime à faire rire, je devrais rêver de le voir se tenir pour pouvoir le commenter avec gourmandise. C’est seulement que l’heure est trop grave pour s’amuser avec le feu ! Wade qui n’hésite pas à entreprendre des actions qui opposent aujourd’hui, de façon violente, deux éminents disciples de Serigne Saliou Mbacké, n’hésitera devant rien, lors du débat, notamment d’allumer encore Macky sur la question ethnique sans souci pour la boîte de Pandore qu’il ouvrirait ainsi. Reste que certains risquent, dans le camp de Wade, de soutenir que Macky a peur de débattre avec son ex-mentor, si jamais il refusait de le faire. Peur de quoi ? D’un candidat dont le grand âge perturbe la mémoire tant qu’il confond Première et Deuxième guerre mondiale ? Qui ne se souvient plus que la Tchécoslovaquie a disparu en tant que nation ? Non ! C’est juste que ce débat n’a, électoralement, aucun intérêt pour Macky Sall alors qu’il sera le va-tout de Wade. Si j’étais à la place du patron de l’Apr, aujourd’hui patron de l’opposition sénégalaise, par la force des choses, non seulement je ne débattrais pas avec Wade, mais je le battrais froidement. J’ignorerais son nom durant ma campagne, même s’il m’invectivait et me traitait de suppôt de Satan.
Par Pape Samba KANE
Voter pour nos enfants et pour l’avenir
‘Tout est possible’, a reconnu Me Abdoulaye Wade, au lendemain du scrutin du 26 février 2012, après l’analyse des fortes tendances révélées par les premiers résultats sortis des urnes. Ces derniers n’attestent nullement, comme l’ont avancé certains passionnés, au cours de la campagne électorale et bien avant, que le Pape du Sopi est ‘vomi’ par le peuple sénégalais. Tout compte fait, il se classe en tête du tiercé gagnant du premier tour, avec 34,82 % des suffrages exprimés contre 26,57 % pour Macky Sall et 13,20 % pour Moustapha Niasse.
Si nous additionnons les pourcentages obtenus par les trois candidats qui viennent juste après le duo Wade-Sall, nous obtenons un total de 32,36 %, c’est-à-dire un taux supérieur à celui du candidat de l’opposition le mieux placé, mais légèrement inférieur à celui du président sortant.
Au regard de la situation telle que les résultats la présentent, il est certain que les électeurs se sont déplacés le 26 février pour, d’une part, avertir Abdoulaye Wade dont l’électorat s’est rétréci comme peau de chagrin, d’autre part, pour sanctionner trois candidats dont la chute pour certains est vertigineuse, et enfin, pour plébisciter Macky Sall qui entre en lice pour la première fois, même s’il s’est signalé, en 2009, à l’occasion des consultations municipales, sous la bannière de Bennoo Siggil Senegaal. Le vote tel qu’il est perçu met en exergue les différents états d’esprit qui l’ont sous-tendu : la déception, la défiance et l’espoir.
Avec Idrissa Seck de son côté, Abdoulaye Wade n’aurait pas gagné dès le premier tour car il serait seulement à 42,58 % des suffrages exprimés, tandis que, sans Idrissa Seck, mais allié à Niasse et à Tanor Dieng, Macky Sall aurait raflé la mise avec 51, 07 %.
Mais le premier tour est derrière nous, laissant une question dont la réponse exacte reste à découvrir. Pourquoi 41 à 42% des Sénégalais inscrits sur les listes électorales se sont-ils abstenus ?
Cap sur le second tour Les choses seraient simples si nous analysions un sujet d’un ordre autre que politique. Mais, la politique est un jeu complexe qui se distingue des autres par le fait que là plus qu’ici l’aspect ludique vire souvent au dramatique voire au tragique. Avant le jour du scrutin du 26 février, combien de blessés graves, combien de morts, en dehors des biens matériels saccagés ? La politique est un jeu d’intérêts qui oppose des protagonistes comparables à des gladiateurs descendus dans une arène, sous l’exaltation de la multitude. Et le combat qu’ils se livrent est pour la vie ou pour la mort. Transposition symbolique de la réalité de la confrontation partisane. Pourtant vérité dans la tête et les actes des adversaires qui ne reculent devant rien pour assouvir leurs ambitions, ni devant le parjure, ni devant la trahison ni devant le sacrifice le moins imaginable. C’est dire que rien n’est perdu pour Abdoulaye Wade, en dépit de la désillusion que lui infligent les consultations qu’il escomptait remporter avec un taux d’environ 53 %. Dans le même ordre d’idées, rien n’est gagné pour Macky Sall, malgré les déclarations d’intention des candidats malheureux qui avaient participé à la croisade contre la candidature de Me Wade, aiguillonnés par le M23 et le mouvement ‘Y en a marre’. Ces deux mouvements se mobilisent déjà pour porter le coup de grâce à leur cible commune.
En perspective du face-à-face entre le père et le fils, s’immisce le sort ironique qui fait que l’âge qui participait des éléments handicapant le premier et favorisant le second, devient un atout là et un obstacle, quoique mineur, ici. En effet, les ‘vieux’ qui risquent de prendre leur retraite politique sans goûter au pouvoir suprême, ne seront-ils pas tentés de s’allier avec le président sortant si ce dernier met sur la table un appât assez délectable ? N’oublions pas que Wade détient une carte intéressante à jouer : le poste de vice-président non encore pourvu et qu’autorise la Constitution en vigueur.
Macky Sall s’est dépêché d’aller se concerter avec la personne morale des Assises, Amadou Makhtar Mbow. Il a obtenu le soutien de Moustapha Niasse, candidat de la Coalition Bennoo, celui de Youssou Ndour, patron du mouvement ‘Fekkee Ma Ci Boole’ et celui d’Ousmane Tanor Dieng du Parti socialiste. Peut-il compter sur une consigne de report de voix venant de celui qui fut son mentor au Pds et que les circonstances actuelles transforment en rival objectif, en vertu de l’adage : ‘Ñaari kuy du nu bokk benn mbalka’ ?
Le leader de la coalition ‘Macky 2012’ commence à essuyer les tirs croisés de la coalition ‘Fal 2012’ et, contre toute attente, de représentants de leaders dont le soutien devait être, pour lui, un acquis à ne plus négocier.
Est-il nécessaire qu’il s’expose, en voulant rassurer ? Inutile pour lui de se défendre contre les pires politiciens qui n’hésitent pas à instrumentaliser l’appartenance ethnique, le régionalisme, les confréries et la religion, à des fins électoralistes. Le silence et la retenue servent celui qui s’en arme, lui évitant des propos équivoques que l’adversité ne manque jamais d’exploiter pour embrumer l’esprit et le cœur de bon nombre de nos concitoyens qui n’ont que faire de l’éthique et de la rigueur. Parler peu, aller à la rencontre des personnes-ressources et des porteurs de voix, marquer son territoire, voilà ce qu’il faut ! Arborer la carotte et ne pas laisser entrevoir le bâton, voilà ce que recommande la sagesse : ‘Kuy yoot du saqxët.’
A l’étape précise du second tour, apparaît l’enjeu qui permet à l’observateur avisé et au citoyen que préoccupe le destin du Sénégal d’avoir une appréciation nette des motivations qui agissent nos hommes politiques. Cet enjeu, c’est, de toute évidence, le pouvoir. Est-il une fin ou un moyen, pour eux ? S’activent-ils pour la promotion nationale ou bien, au contraire, pour leur promotion personnelle ? Suivant le camp où chacun d’eux se placera au deuxième tour de la présente élection présidentielle, on les situera sans risque de se tromper.
Dès le lendemain du 23 juin 2011, en ce qui me concerne, j’ai choisi la République, désavouant la rue, la meute et les émeutes. Et le 26 février 2012, j’ai inscrit mon vote dans le respect de l’esprit de la Constitution qui stipule qu’un président de la République, au Sénégal, n’a droit qu’à un mandat renouvelable une fois. Mes compatriotes, me semble-t-il, ont eu la même démarche, dans le calme, donnant ainsi une belle leçon de responsabilité citoyenne au monde entier.
Dans le cadre d’une démocratie formelle, même si les dirigeants et leurs inconditionnels interprètent à leur avantage les lois, le geste qui restitue leur esprit et donne corps aux textes vient du peuple dont chaque membre, au jour du scrutin, est seul avec sa conscience dans l’isoloir puis devant l’urne.
Le vote est un acte par lequel le citoyen revendique ou réaffirme sa citoyenneté. L’accomplir, c’est exprimer un choix dont personne d’autre que soi ne peut assumer la responsabilité. Si je m’abstiens, ce sera parce que j’aurai choisi moi-même de m’abstenir. Si je vote, ce ne sera pas parce que j’aurai reçu d’un autre, qui qu’il soit, une consigne de vote. Et, le 25 mars 2012, je voterai sûrement contre la taille inappropriée du gouvernement, contre le cumul des fonctions, contre l’enrichissement illicite et la corruption, contre la médiocrité et l’arrogance, contre la hausse du prix des denrées de première nécessité et de l’électricité, contre le système éducatif inadapté et contre l'absence de politique culturelle. Je ne voterai pas contre un homme vieillissant qui a donné le meilleur de lui-même et mérite un repos sans inquiétude ni inquisition mais contre un rêve devenu le cauchemar dont la jeunesse a marre et dans lequel pataugent leurs parents comme s’ils traversaient une mare à boue.
En 2000, au deuxième tour de l’élection présidentielle, les consignes de vote inattendues n’ont fait que mettre à nu la duplicité d’authentiques hommes d’Etat qui, en voulant gagner contre un électorat qu’ils croyaient posséder comme un bien privé, ont doublement perdu. La face et le crédit. L’histoire, qui les pourchasse, les réduit à l’expectative pitoyable de ceux qui grignotent le pain de la honte. A leurs dépens, ils ont appris que l’électorat n’est pas du bétail qu’on immole à l’autel de ses ambitions ou cède au plus offrant.
‘Nit ñi kenn moomuléen, kenn jëndduléen !’ ! Le peuple n’est ni la propriété ni la marchandise de personne !
Pouvoir et opposition, tous deux et chacun de son côté, prétendent penser, parler et agir au nom du peuple alors que chacune de ces parties n’est en réalité activement soutenue que par une minorité du grand ensemble d’âmes qu’elle revendique. Sur le nombre d’habitants constituant la population sénégalaise, combien de citoyens dans les conditions de voter sont-ils inscrits sur les listes électorales ? Parmi les inscrits, seulement 58% ont accompli leur devoir citoyen, le 26 Février 2012. Et le gros des électeurs n’a pas voté sous le signe d’une idéologie politique qui n’existe d’ailleurs pas mais sous le signe de la stricte citoyenneté. Cela signifie que ‘le peuple sénégalais’ qui n’a aucune des couleurs dont on veut le peindre est libre et responsable. Consigne de vote, report de voix ou pas, il ira, le 25 mars 2012, voter, non pas pour un chef de parti déjà exclu du jeu, non pas pour un marabout prêchant hors de la mosquée, mais en fonction de la confiance que lui inspire celui entre les mains de qui il décidera de remettre son sort.
Et voici venir, lentement mais sûrement, le temps où l’homme politique doit détacher ses yeux du bout de ses souliers et regarder plus loin que le bout de son nez pour scruter et prêter l’oreille à l’avenir qui vient à sa rencontre. Cet avenir n’est pas à éconduire pour le prestige d’un jour dont le crépuscule est annoncé ni pour le présent d’un pouvoir que réclame le peuple pour donner le sens qu’il souhaite à son destin.
Le 25 mars 2012, seul dans l’isoloir, chaque adulte devra se demander : ‘Dois-je voter pour moi-même ou pour mes enfants ?’, tandis que chaque jeune se posera la question : ‘Voter pour Wade ou Sall ou plutôt pour l’avenir ?’
Marouba FALL, Ecrivain Marouba_fall@yahoo.fr
Plaidoyer pour un débat télévisé
Pour la première fois, les deux candidats d’un second tour de la présidentielle sénégalaise pourrait se mesurer en direct sur un plateau de télévision. Ce débat télévisé du second tour de la présidentielle de 2012 peut être un événement politique et médiatique de la démocratie sénégalaise. Bien que ne constituant pas une obligation, ce duel inédit entre Abdoulaye Wade et Macky Sall va faire grandir notre démocratie. À quelques jours du scrutin présidentiel du 25 mars, ce face-à-face inédit peut bien être décisif pour les deux finalistes du second tour.
De nombreux électeurs sénégalais ont été sensibles aux différents messages diffusés à la télé pendant le premier tour de la présidentielle. Cela a pesé sur leur vote. Ce qui ressort de ce scrutin est le fait qu’Ils se déterminent de moins en moins en fonction de leur appartenance sociale, de leur proximité avec une formation politique ou de leur religion. Et l'information diffusée par les médias, en particulier télévisuels, est le canal qui a le potentiel persuasif le plus élevé. La force de frappe du petit écran n'a pas d'équivalent, même si sa prédominance ne fait pas d’ombre au rôle des radios. Mais la radio est restée dans ce premier tour de la présidentielle un média de mobilisation ; la télévision est le média de la persuasion massive.
La télévision arbitre du deuxième tour
Pour le second tour, la télévision, média de masse, touchant des citoyens le plus souvent passifs, peut servir à clarifier les programmes des candidats Macky et Wade et à " façonner " l’opinion. Lors du premier tour, il n’y a pas eu de place au vrai débat démocratique. Sensibles à ce manquement, Wade et Macky pourraient façonner leur discours selon leurs convictions, et non plus selon l’état de l’opinion ou selon la vision des médias. Le débat d’idées et la démocratie de terrain prendrait alors le pas sur la forme.
Il revient au Cnra (initiateur et organisateur du débat) de faire respecter les règles pour organiser ce débat et les faire valider par les deux candidats. Au-delà des sujets de fond qui seront abordés, il faudrait se demander quelle influence ce débat télévisé d'entre-deux-tours pourrait avoir sur l'électorat ? Constitue t-il un bienfait ou un méfait pour la démocratie ?
Si le président Abdoulaye Wade veut redorer l’image écorné de son régime qui a été taxé d’autoritaire par l’'opposition, il doit accepter de faire ce débat. Ce sera une grande date pour le journalisme politique et la démocratie. La Rts ne serait pas seule à tirer son épingle de cet événement.Il permettra de toucher plus facilement et immédiatement les citoyens en dehors des meetings où les propos de campagne sont plus destinés à la propagande politique. En le plaçant au devant de la scène, il faudra le soumettre à une éthique : exactitude des informations données, respect de la vie privée, vérification des sources.
Si en démocratie, il est nécessaire de proscrire tout secret, faut-il pour autant tout porter à la connaissance du public à l’occasion de ce débat télévisé ? Il convient toutefois d’être attentif à la violation de la vie privée. Tout candidat sortant a besoin d’une certaine part de secret au moins dans la défense de son bilan ou s’agissant des affaires sales. En revanche, la démocratie exige la transparence absolue après-coup.
Le risque de voir les candidats Wade et Macky vouloir imposer aux journalistes les questions que ces derniers souhaitent leur poser en fonction de leurs intérêts ou peser sur le débat démocratique n’est pas à écarter. Pour ce faire, la neutralité et l’indépendance des journalistes devront être garanties. Débat télévisé ne rime donc pas toujours avec pluralité d’opinions et diversité de l’information.
Sur la forme - Le débat télévisé Wade Macky peut être programmé à une heure de grande écoute, de préférence le soir. Il pourrait durer deux heures. Les candidats seraient assis face à face pour répondre tour à tour aux questions de deux journalistes. Dans les règles de ce duel télévisé, les candidats auraient le droit de relever dans les propos de l'adversaire ce qui leur paraît incohérent ou injuste mais dans leur temps de parole. Par contre, ils n'ont pas le droit d'interrompre leur adversaire qui a la parole. La durée de ce débat pourrait être de deux heures. Un temps précieux où les deux candidats vont défendre leurs programmes aux fils des thématiques. Il va permettre aux sénégalais de se faire une idée plus précise de celui qu’ils devront élire au deuxième tour. Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) devra veiller sur les règles techniques suivantes : absence ou existence de plans de coupe, choix du réalisateur et des journalistes, place des micros, hauteur des caméras, distance entre les deux candidats, etc.
Sur le fond - Cinq thèmes pourraient être abordés : la conception du pouvoir et les institutions, les problèmes économiques (l’agriculture), les problèmes de société du type (éducation, chômage des jeunes, cherté de la vie, santé, énergie), la bonne gouvernance, la paix dans la région du Casamance. Il ne faudra pas éviter les sujets qui fâchent. La mauvaise gouvernance, la corruption, les détournements de deniers publics devront être abordés.
Si Macky Sall critique le bilan de Wade, il ne devra pas omettre son passage à la primature et au poste de président de l’Assemblée nationale. Sinon Wade lui reprocherait d'être comptable de ce bilan. Macky ne devra pas prendre Wade comme l'homme du passé et se considérer comme l’homme de l’avenir. Si Wade prend Macky comme son élève, il risque de voir Macky lui faire une réplique à la Chirac. : «Ce soir, je ne suis pas votre ex-Premier ministre, et vous n'êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats à égalité» . Les deux candidats devront être mis sur le même pied d’égalité.
Le Cnra qui supervisera ce débat devra le faire démocratiquement sans pressions politiques afin de garantir l’égalité d’accès, le pluralisme de l’information, la neutralité des journalistes dans le respect de la liberté d’opinion. Ce débat télévisé devra respecter les choix et les attentes des citoyens. Il y a ainsi un jeu triangulaire entre hommes politiques /opinion publique et médias : le débat télévisé reflète autant qu’il forme les phénomènes de société. L’audimat servira d’instrument de mesure et permettra de constituer le squelette des deux projets de société proposés.
Il ne faut pas surestimer le rôle du débat télévisé. Le vote, notamment, ne dépend pas que du rôle qu’il peut jouer, mais relève d’autres déterminants, sociaux, économiques,... Il ne faut pas confondre le débat télévisé et la réalité qu’il reflète. Pour lutter contre l’effet déformant de ce débat, le rôle de l’éducation audiovisuelle des téléspectateurs est primordial. Les éditions spéciales autour de ce débat que les différentes radios et télé feront permettant de mieux décrypter les messages des deux candidats.
Les interventions peuvent être brèves ou longues. Chaque intervention est chronométrée et ne peut durer plus longtemps que le temps déterminé, par exemple plus de deux minutes. Le chronométreur avertit le candidat qu'il doit terminer son intervention dans les trente secondes qui suivent.
Droit de parole : Quand l’un des deux journalistes accorde la parole à un candidat, l’autre candidat doit rester silencieux. L’ordre d’intervention sur un sujet sera déterminé par tirage au sort. Peu importe la stratégie adoptée, les candidats doivent intervenir au moins une fois sur chaque sujet du débat.
Règles du silence : Il est interdit d'interrompre un candidat durant la présentation de son point de vue. Les téléspectateurs présents au studio n'ont pas le droit de manifester leur approbation ou réprobation durant le débat.
Documents d'appoint : Les candidats peuvent apporter avec eux, des documents imprimés qu'ils jugent utile, mais ils n'ont pas le droit de lire un texte durant le débat sauf s'il s'agit d'une citation ou de données statistiques. Les candidats doivent être en mesure de dévoiler leurs sources d'information, si on leur demande de le faire durant le débat. Ces documents d'appoint utilisés dans les interventions doivent être disponibles après leur divulgation pour les journalistes, si ceux-ci en font la demande.
Règles d’éthique : Les candidats doivent être en mesure de justifier leurs propositions et de dévoiler leurs sources d'information, si un des deux journalistes animateurs leur demande de le faire. Les candidats doivent observer le décorum du débat, c'est-à-dire qu'ils doivent observer le silence quand le droit de parole ne leur est pas accordé ; qu'ils doivent être courtois envers l'adversaire; qu'il leur est interdit de manifester leur accord ou leur désaccord par des moyens autres que la parole, tels les cris, exclamations, jurons, bruits de tous genres, grimaces, etc.
Règles de conduite Le candidat qui prend la parole doit se comporter correctement. Il doit obéir au journaliste quant au temps imparti. Rester assis (attitude en éveil). Ecouter les questions des journalistes. Demeurer calme quand un candidat adverse réfute son argument. tre courtois envers l'adversaire. Éviter rires, ricanements, clins d'œil, mimes exagérés d'incrédulité ou de stupéfaction, sourires condescendants, expressions colériques, Donner la main à ses adversaires à la fin du débat.
Si un candidat cite mal ou attaque personnellement l’autre candidat, ce dernier peut se défendre. Le journaliste peut lui demander de préciser brièvement l'infraction et peut décider s'il y a infraction est non fondée de donner la réplique à l’autre candidat. Le candidat qui est en infraction doit s'excuser s'il a tort. Comme ce débat est destiné aux téléspectateurs, il est primordial d’œuvrer pour sa tenue et d’apaiser le climat politique avant ce second tour.
Par Par Albert MENDY
Journaliste - producteur d'émissions de radio et de Télé