Le Sénégal, terreau fertile des blanchisseurs
ARGENT DOUTEUX Le Sénégal, terreau fertile des blanchisseurs
Article Par JEAN-PIERRE MANE ,
Paru le Vendredi 25 Sep 2009
Le Sénégal est un centre financier régional ayant une économie largement basée sur les capitaux, vulnérable au blanchiment d’argent sale. C’est du moins ce que relève, pour le déplorer, le rapport annuel 2008 du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba).
La plupart des activités de blanchiment de capitaux au Sénégal comportent jusqu’ici des produits générés localement par la corruption et des détournements de fonds, mentionne le rapport annuel 2008 du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba). «En 2008, l’arrestation de politiciens membres de l’opposition, de journalistes et un scandale lié à la corruption qui a mené à la retraite anticipée, plutôt qu’à la poursuite judiciaire des magistrats impliqués, illustrent bien cette vulnérabilité», lit-on dans le rapport dont L’Obs a obtenu copie.
La même source relève une grande inquiétude liée au fait que les blanchisseurs investissent leurs revenus illicites propres et ceux de leurs organisations tirés du trafic florissant de stupéfiants en Afrique de l’Ouest. «Il y a aussi la preuve d’activités criminelles menées de plus en plus par des étrangers, y compris le trafic de stupéfiants de la part de nombreux cartels d’Amérique latine et d’immigrants clandestins», soulignent, pour le déplorer, les auteurs du rapport. Selon eux, le marché de l’immobilier au Sénégal, de plus en plus actif à Dakar et financé sur la base de capitaux, de titres de propriété et de transferts, n’est pas transparent, insiste-t-on dans le document. «Le boom immobilier et la flambée des prix du loyer indiquent que de plus en plus de capitaux d’origine douteuse circulent au Sénégal. Touba, une zone de libre-échange considérablement autonome et non réglementée, reçoit entre 550 et 800 millions de dollars US par an (plus de 300 milliards FCfa) en termes de fonds rapatriés par des réseaux de commerçants sénégalais et de vendeurs établis à l’étranger», révèlent les rédacteurs du document.
D’autres inquiétudes, mentionnent-ils, proviennent du transit de capitaux à travers l’aéroport et les frontières poreuses, ainsi que des investissements immobiliers sur la Petite Côte, au sud de Dakar. De nombreux petits investisseurs opèrent en dehors des institutions financières officielles et réglementées et, leurs flux financiers échappent largement à la vigilance des organes de régulation, s’alarme le Giaba. «La diaspora sénégalaise rapatrie constamment d’importantes sommes en devises étrangères et, le plus souvent, en dehors des canaux formels et à travers des opérations de transferts de fonds, des fonds qui font souvent l’objet de spéculation», insistent les auteurs du rapport.