contre la République
Crimes en série contre la République
La brebis égarée met fin à sa divagation pour retrouver sa famille et rester auprès du père, qu’il avait couvert d’injures et d’infamie, et des frères qui lui avaient jeté l’opprobre. A voir les hommes politiques retourner sans cesse à leurs vomissures, sans scrupules ni états d’âme, on comprend pourquoi certains leur préfèrent les animaux comme compagnons. Ils virevoltent entre extrêmes au gré du contexte politique et de l’état des rapports de force sur le terrain : de la foi au reniement, de l’engagement à la trahison, du courage à la lâcheté, de la dénonciation à l’acceptation, de la rébellion à la soumission. On aurait pu leur concéder ce droit et opposer à leur conduite l’indifférence et le mépris si les conséquences de leurs actes se limitaient sur eux. Malheureusement, on est dans un système de gouvernement des partis où leurs pirouettes et voltiges les conduisent souvent au sommet de l’Etat pour diriger sans être des références. Ils sont porteurs de contre-valeurs et forment ceux que notre culture nomme les mouches. Les enquêtes de moralité auraient du tenir compte de leurs pratiques.
Admettons, le sans se voiler la face, on n’est pas en République, mais dans un Etat autocratique où le chef détient tous les pouvoirs et décide de tout.
Les institutions sont mises au pas : serment d’allégeance de l’Exécutif, mainmise sur l’Assemblée nationale et la Justice. Le 1er mars passé, il affirmait que dans le cadre du protocole de Rebeuss, il s’était engagé, si Idrissa Seck remettait l’argent, à «l’aider» à sortir de prison en demandant au Procureur «d’être indulgent». Et la même emprise est inévitable sur un Sénat dont il nomme directement la presque totalité des membres et choisit indirectement le reste par le biais de ses élus.
Seule constante emmêlée dans une inconstance qui échappe à la raison. L’incohérence des propos qu’il tient depuis trois ans sur le différend qui l’oppose à Idrissa Seck est déroutante. Le film des évènements est une aporie fastidieuse et turpide en quatre séquences de déclarations contradictoires :
- le différend qui les oppose est lié à un problème d’argent détourné ;
- aucune preuve de culpabilité n’étant établie, Idrissa Seck est invité à le rejoindre pour travailler à ses côtés ; - une preuve sort d’un coup de baguette magique : un document dans lequel Idrissa Seck s’engage, contre sa libération, à lui remettre par tranches l’argent des fonds politiques volé ;
- le différend reste un secret entre eux que, par pacte, aucun des protagonistes ne va dévoiler ;
Fin du film sur un goût d’inachevé : la séquence du partage reste, mais se jouera dans les coulisses. Une nébuleuse de plus qui sera classée sans suite comme les affaires Maître Sèye et Talla Sylla. Comprend qui veut. C’est comme ça. Un point, un trait.
Mais au moins que les perroquets de service qui chantent notre démocratie qu’ils comparent aux meilleurs du monde se taisent. En 1974, l’ancien Président des Etats-Unis, Richard Nixon, a été inculpé et contraint à la démission pour moins que ça dans l’affaire dite du Watergate. Il a été juste établi grâce à l’enquête menée par deux journalistes d’investigation du Washington Post, Carl Bernstein et Bob Woodward (là-bas on ne les traîne pas en justice), que le cambriolage, perpétré pendant la campagne électorale par des barbouzes dans l’immeuble du Watergate au siège du parti démocrate adverse, était commandité d’en haut. Sous nos cieux, on agresse des opposants, complote au plus haut sommet de l’Etat et procède au blanchiment de mafieux dans l’impunité totale.
C’est qu’à force d’entretenir des relations de vassalité avec son gourou, le Pds a fatalement fabriqué une sorte de demi-dieu suprême, omnipotent et omniscient qui ne fait pas de différence entre l’Etat et son parti qui use des biens publics et tient ses réunions au Palais, encore moins entre citoyens et sujets. Le 25 juillet dernier, la Télévision sénégalaise a répandu les humeurs humiliantes et dédaigneuses d’un octogénaire grincheux qui, prétextant un proverbe arabe, a qualifié un ancien député et ex-président du Conseil régional d’être bête et inintelligent. Que M. Oumar Sarr accepte d’être publiquement écrasé le concerne. Mais l’acte est choquant, désobligeant et inattendu de la première personnalité de l’Etat. Un an plutôt, Mamadou Diop «Castro», responsable syndical du mouvement enseignant et député, subissait presque le même sort au même endroit. L’ancien Président Abdou Diouf a, une fois, commis la maladresse de dire en wolof «je suis votre père», peut-être pour traduire l’expression : Père de la Nation. Cela avait soulevé le tollé au sein d’une opinion médusée. Aujourd’hui, son successeur use souvent de la formule en parlant à sa famille politique en attendant de l’étendre un jour à tous les fils de ce pays.
L’Alternance a vidé le mal de sa hideur.
Abdoulaye BADIANE - Professeur d’Economie au L.S.L.L. Pikine /Abadja 2 @ yahoo.fr -