La faillite des valeurs d’éthique
An 10 de l’Alternance : La faillite des valeurs d’éthique
Au terme de cette décade, riche en retournements de situation, marquée tantôt par des avancées tantôt par des reculs, il est absolument nécessaire de faire le bilan d’étape de l’Alternance tant du point de vue des avantages que des contraintes.
L’objet de la présente contribution consistera, aujourd’hui, à revisiter le bilan de dix ans d’Alternance dans le domaine sensible des valeurs d’éthique dont l’assainissement procède d’une exigence forte, exprimée par la société sénégalaise en proie à une crise morale et culturelle qui est le pendant d’une crise économique drastique. C’est un simple truisme de reconnaître que l’Alternance, intervenue le 19 mars 2000, n’a pas été porteuse d’une véritable alternative de nature à infléchir, dans un sens positif, nos valeurs culturelles, nos traditions historiques nationales, nos us, coutumes et morales traditionnels.
Plus grave même, nos valeurs et croyances n’ont jamais été aussi malmenées que durant ces dix années d’Alternance.
Plutôt que de consolider les fondamentaux de notre système de représentation morale et culturelle, dans ce qu’ils ont de plus progressiste, l’Alternance a surtout renforcé la situation de décrépitude de nos valeurs durant ces dix dernières années. C’est, justement, sous le magistère de Abdoulaye Wade que le parjure (wör) a été récompensé à un niveau jamais égalé et la fidélité (koleré), sévèrement punie à un point tel que l’on est même tenté de croire que, sous le régime libéral, la trahison est devenue une vertu plus payante que la droiture. Abdoulaye Wade a, aujourd’hui, abhorré tout ce qu’il a, hier, adoré en faisant de la promotion aux traîtres, aux roublards et autres malfrats alors qu’on attendait de lui qu’il réhabilitât les hommes pétris de valeurs sûres dont le «ngor» et le «jom» sont des stimulants moraux et des mythes positifs pouvant servir de leviers de nature à galvaniser l’effort exaltant de construction nationale. Ne dit-on pas souvent que les idées deviennent une force matérielle quand elles pénètrent les masses. Les exemples contre-nature du traître Djibo Kâ, du renégat Ousmane Ngom, du cow-boy Mbaye Jacques Diop et du précurseur repenti de la révolution orange au Sénégal, Abdou Rahim Agne etc. sont déjà révélateurs de pratiques d’agression contre nos valeurs fondamentales, perpétrées par le régime libéral qui magnifie ainsi des comportements de héros négatifs et de contre modèles dont l’itinéraire tortueux est de notoriété publique. Au cours d’une émission diffusée, vendredi dernier, sur les antennes de la radiotélévision Walfadjri, le pique-assiette de la politique, transfuge du Ps et de l’Afp Me Abdoulaye Babou, a fait le procès sans appel de l’ancien régime en faisant ainsi état de scandales intervenus, sous l’ordre socialiste, dans les cas de la vaste opération d’escroquerie baptisée Une femme : un gramme d’or, et des audits commandés par le nouveau régime libéral. Mais, le hic est que notre avocat des sales causes feint d’oublier que ce matériau humain de récupération, recyclé, depuis belle lurette, dans le Pds, plastronne «fièrement» aujourd’hui, parmi le gratin du régime libéral ainsi pris en flagrant délit, de recel de bandits de grands chemins. L’Alternance, c’est aussi l’incursion en force de l’argent dans le jeu politique partisan avec toutes les conséquences sur le dévoiement des pratiques et procédures démocratiques et sur l’expression libre des citoyens jusque dans le fonctionnement interne du Pds.
Les violences actuelles qui accompagnent les renouvellements du Pdsl (Pa bi, Dom ji, Soxna ci, Loubal kat yi) procèdent de querelles d’ambitions personnelles pour s’aménager des positions politiques dominantes qui procurent des situations de rentes et des prébendes confortables. La décrépitude des mœurs politiques culmine, au Sénégal, à un niveau tel que la posture paye plus que la droiture. La pratique du régime libéral, qui affectionne particulièrement le goût du luxe, la passion du lucre, le confort ostentatoire développe, au sein de la société, un état d’esprit malfaisant selon lequel la réussite matérielle est considérée par la grande majorité comme le seul critère du bonheur social. Sous ce rapport, le culte de l’effort, la mystique du travail honnête cèdent le pas à la philosophie du moindre effort et à la tricherie d’autant plus que les modèles dominants dans une société sont toujours les modèles de la couche dominante.
Un adage, bien de chez nous, qui devrait être rangé dans le registre des anti-valeurs ne dit-il pas que ? «L’argent ne s’obtient pas par le travail mais plutôt par la débrouillardise (Xaalis kéne douko liguey daniou koy lakharthi).» En effet, la réalité étant le seul critère de la vérité, l’expérience atteste et la pratique confirme que, au Sénégal, d’hier à aujourd’hui, ceux qui travaillent ne gagnent pas et ceux qui gagnent ne travaillent pas. Au cours de ces dix dernières années, le phénomène abject de la transhumance politique, encouragé par le pouvoir corrompu, n’a jamais autant rapporté aux transfuges de parti reçus, avec tous les «honneurs», dans la salle des banquets de la présidence de la République et soudoyés avec des millions prélevés sur le contribuable sénégalais par les prébendiers au pouvoir. Selon la lumineuse formule du très pertinent Secrétaire général du Rnd, le Docteur Diallo Diop : «On assiste au Sénégal à la démocratisation de la corruption et à la corruption de la démocratie.» Il fallait seulement y ajouter que le principal responsable de la banqueroute de nos valeurs traditionnelles d’éthique n’est personne d’autre que le chef du régime libéral dont l’approche politique, pour le moins réductrice, ramène tout à des rapports troubles d’argent. Pourtant, élu démocratiquement, par la seule force du suffrage universel, Abdoulaye Wade avait bien les coudées franches pour opérer les ruptures arrivées à maturité et redonner ainsi ses titres de noblesse à l’art politique qui n’est, ni plus ni moins, que la soumission volontaire et désintéressée aux intérêts supérieurs de la population. Mais, Diantre ! Où Maître Abdoulaye Wade a-t-il bien pu se procurer toutes ces 4 x 4 de dernière génération et toute cette masse impressionnante d’argent qu’il trimbale, dans des mallettes, à travers le pays, pour corrompre et suborner les grands électeurs en perspective de l’élection présidentielle de 2012 ? Selon ses propres propos tenus, au cours de la séance solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux, Abdoulaye Wade disait : «Au moment de la survenue de l’Alternance, je ne disposais que d’un seul terrain acquis en bail que j’ai déclaré comme mon seul patrimoine.» C’est également le chef du parti libéral qui avait déclaré précédemment qu’il était l’un des Présidents les moins payés du monde. Maître Abdoulaye Wade a trompé tout son monde à la manière de François Duvalier qui n’a révélé aux Haïtiens sa vraie nature qu’une fois porté au pouvoir. Mais, on peut tromper une partie du peuple une partie du temps mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. Demain, il fera jour et, en 2012, le réveil risque d’être brutal.
Bouba SALAM - Roots078@yahoo.fr