La banlieue n’est pas la seule priorité, Mons
Me Wade déclare « J’ai trouvé une solution pour mettre fin au problème de la banlieue au niveau de Pikine, Guédiawaye, Parcelles. J’ai demandé aux services de la statistique de donner des chiffres sur le nombre de gens qui effectuent les petits métiers et comment vivent les ménages dans la banlieue ».
Je regrette Monsieur le Président, la banlieue n’est pas la seule priorité pour la lutte contre la pauvreté. Les laissés-pour-compte ne sont pas seulement dans la banlieue mais partout au Sénégal. On ne peut mesurer ni la pauvreté ni la souffrance qu’elle engendre. La pauvreté est un état objectif et surtout subjectif.
Quelqu’un qui vit à Dakar avec 300.000 F CFA peut se sentir plus pauvre que quelqu’un qui vit en campagne avec 100.000 F CFA. La lutte contre la pauvreté doit se fonder sur des principes d’équité et de justice sociale mais aussi de performances économiques et sociales. Les politiques de ciblage des couches vulnérables privilégiées par les institutions internationales pêchent par les critères de sélection qui ont le plus souvent une base subjective ou politicienne comme dans le cas de la distribution du matériel agricole dans le cadre du plan REVA, de la distribution de la nourriture, des billets pour le pèlerinage à la Mecque, des moutons de tabaski ou de l’argent dans le cadre de la solidarité nationale. Récemment la sélection de 50.000 mamans à Sédhiou qui doivent recevoir 14.000 F CFA par deux mois pour les besoins de l’alimentation de leurs enfants de moins de 5 ans pendant un an a-t-elle obéit à des critères objectifs d’équité et de justice sociale ?
Toutefois, cette initiative préfigure le projet de revenu de base généralisé associé à une assurance maladie obligatoire (RBG-AMO) en témoignant de sa pertinence. Au Sénégal la pauvreté se manifeste à travers les inégalités dans la distribution de la santé, de l’éducation, des infrastructures, de l’emploi et enfin du pouvoir d’achat. Nous proposons au Président de la République, Me Wade, à la place de ses solutions ciblées et inefficaces, d’octroyer à chaque citoyen sénégalais un revenu minimum d’un montant de 20.000 F CFA (30 EUR) par mois, défini comme un seuil de pauvreté.
Une couverture médicale universelle sera financée dans ce cadre par une cotisation mensuelle de 3000 F CFA versée par chaque citoyen dans une caisse. Ces contributions solidaires effectuées par les 12 millions de sénégalais serviront à leur couverture sanitaire allant des frais de consultation à l’hospitalisation en passant par le traitement et par l’accès aux soins et aux médicaments presque gratuitement. Cette solution est plus simple, plus efficace, plus juste et plus équitable.
Le concept de revenu de base généralisé est une nouvelle approche stratégique de la demande sociale, de la réduction de la pauvreté et du développement fondée sur une protection sociale dynamique qui s’appuie sur trois objectifs économiques qui sont la distribution du pouvoir d’achat sur tout le territoire national qui transforme chaque point du pays en marché potentiel, la réduction des prix à l’intérieur et à l’extérieur du pays en concevant le rbg comme une subvention indirecte aux produits agricoles et industriels et enfin une disparition de la dette publique intérieure basée sur la participation des populations aux programmes d’investissements liés à la santé, à l’éducation, aux infrastructures, etc...
Le rbg-amo est un investissement social jouant un rôle structurel important dans le développement national. Il est un instrument de protection contre les risques sociaux, de relance et de gestion de l’économie, de développement décentralisé et participatif. Le rbg-amo est également un revenu et un dividende citoyen car l’Etat est une entreprise dont les actionnaires sont les citoyens.
Que de milliards sont enfouis dans des forages, dans des fonds de promotion des jeunes, des femmes, des opérateurs économiques, des agriculteurs etc. de l’indépendance à nos jours. Tous ces programmes publics constituent aujourd’hui des déperditions financières qui ont plombé le décollage de notre économie. Votre solution risque de connaître le même sort, Monsieur le Président. Il faut impulser des impacts structurels par des méthodes et des politiques économiques innovatrices.
Dr. Abdoulaye Taye
Président national de TGL
Enseignant à l’Université de Bambey