Le drapeau du Sénégal banalisé ! Je proteste
Ma contribution de ce jour est de partager avec mes compatriotes mes vives préoccupations à propos du traitement qui est fait au drapeau tricolore étoilé de notre pays, lequel traitement laisse souvent à désirer et ne manque pas de révolter les vrais patriotes. En effet, hormis les corps militaires et paramilitaires ainsi que quelques rares établissements scolaires, l’étendard de notre pays ne reçoit presque plus les honneurs et le respect que les Sénégalais et les étrangers qui vivent parmi nous lui doivent.
Si nous interrogeons l’histoire, celle-ci nous apprendra qu’en janvier 1959, le Soudan français (actuelle République du Mali) et le Sénégal, avaient formé la Fédération du Mali dont le drapeau tricolore vert, jaune, rouge portait un kanaga (sorte de marionnette), en son centre. Quand la Fédération du Mali a éclaté, le Sénégal se retira et proclama son indépendance le 20 août 1960. Ainsi, notre pays conservera le drapeau de la Fédération du Mali, mais le kanaga fut remplacé par l'étoile verte, pour ne pas choquer, semble-t-il, la communauté musulmane majoritaire dans le pays.
Voilà donc que vit le jour, en 1960, le beau drapeau de la République du Sénégal composé de trois bandes verticales et égales, de couleur verte, or et rouge. Il porte au centre de la bande or, une étoile verte à cinq branches.
Les couleurs de notre drapeau inspirées des couleurs panafricaines sont disposées sous forme tricolore à l’image du drapeau français. La bande verte représente la couleur de l’Islam pour les musulmans, de l'espérance pour les chrétiens et de la fécondité pour les animistes. La bande jaune est signe de richesse, fruit du travail et en même temps, elle symbolise les Arts et les Lettres. Elle est la couleur de l'Esprit. La couleur rouge représente le sang de nos combattants qui se sont sacrifiés pour l’indépendance, la liberté, la souveraineté et l’honneur de notre peuple. L’étoile au centre de la bande jaune symbolise la liberté, le progrès, l’espoir et l’ouverture aux cinq continents. Elle représente aussi les cinq piliers de l'Islam pour les musulmans.
Mais voilà qu’en dépit de tous ces signes et symboles qui constituent l’essence et la quintessence de notre peuple, notre drapeau national est souvent traité en parent pauvre. Il est souvent mal considéré, mal respecté et mal soigné ! Il m’a été donné de voir des citoyens sénégalais vaquer allègrement à leurs occupations quand, devant eux, le drapeau est en train d’être hissé ou descendu. J’ai vu des lutteurs se draper du drapeau du Sénégal et déverser sur ce respectable symbole des mixtures sales de toutes sortes.
J’ai vu à Dakar des arbres drapés des couleurs nationales et un chien se soulager au pied d’un de ces arbres et sur le drapeau après avoir levé sa patte arrière gauche. J’ai vu des ‘urineurs’ de la rue, pisser sans vergogne sur des murs ou des arbres peints en vert jaune et rouge. J’ai vu à Thiès des poubelles peintes aux couleurs de notre drapeau. J’ai vu des édifices officiels arborer un drapeau effiloché, décoloré et usé ! J’ai vu des personnes exerçant des métiers particulièrement salissants, porter des t-shirts et des casquettes aux couleurs de notre drapeau. J’ai vu des manifestants de la classe politique reléguer au dernier rang, le drapeau national au profit des couleurs de leur parti.
La liste est loin d’être exhaustive. J’ai vu des politiciens mécontents parce que limogés de leur poste, déchirer et brûler l’étendard vert jaune et rouge, symbole de notre pays. J’ai vu des élus de la République mal arborer leur écharpe. Et pourtant, si l’on convoque la Loi française source d’inspiration de la loi sénégalaise, le port et l'usage de l'écharpe tricolore sont régis par le décret n°2000-1250 du 18 décembre 2000 (Journal officiel du 23 décembre 2000). Ainsi, le port de l’écharpe par tous les élus s’effectue sur l’épaule droite au côté gauche. Pour les parlementaires, le bord rouge doit être près du col (formant ainsi, lues de gauche à droite, les couleurs bleu-blanc-rouge). A l’inverse, les élus communaux (les maires, leurs adjoints et les conseillers municipaux) portent l’écharpe avec le bord bleu près du col. Peut-être qu’à l’instar de son homologue français, le législateur sénégalais a également codifié tout cela. Dans tous les cas, le désordre est toujours perceptible chez nous, à propos du port de et de l’usage de l’écharpe par les élus.
Tout récemment, lors de l’inauguration du Monument de la Renaissance africaine, j’ai eu un sentiment de fierté devant une si fabuleuse œuvre d’art trônant majestueusement au sommet des Mamelles. La cérémonie était véritablement grandiose. Mais quand, à l’heure de l’inauguration, j’ai vu le président Obasanjo, armé d’une énorme paire de ciseaux, lacérer le drapeau du Sénégal, j’ai crié du tréfonds de mon âme : ‘Non ! Monsieur Le Président ! Ne faites pas ça !’. Hélas, il était trop tard. Mon cri du cœur n’a servi à rien ! En effet, en un clin d’œil, notre honorable frère yoruba avait accompli sa haute mission, sûrement avec fierté, mais manifestement en toute tristesse pour moi !
Pour toutes les raisons que voilà, je voudrais suggérer à mes compatriotes que l’on arrête de couper un ruban aux couleurs de notre pays, à l’occasion des inaugurations. Symbole pour symbole, on pourrait simplement se limiter à couper un ruban en papier ou en tissu de n’importe quelle couleur. Le résultat serait le même et notre emblème national n’en souffrirait plus.
Ces multiples agressions et manques de respect notoires fréquemment infligés à notre drapeau national et autres emblèmes de la République, m’amènent à me poser la question de savoir s’il n’était pas temps de légiférer spécialement et avec de sévères mesures coercitives, en faveur du respect des emblèmes et sceaux de la République ? A mon sens, il y a véritablement de quoi s’inquiéter quand, après 50 ans d’indépendance, les symboles de la République continuent à être banalisés, violés et désacralisés. Je suis en droit d’espérer que le président de la République, gardien de la Constitution qui a toujours manifesté son amour pour le drapeau national, qu’il traite toujours avec déférence, respect et considération, fera prendre des mesures énergiques d’urgence dans le sens d’éduquer, d’informer et de sanctionner les fautifs pour que notre drapeau national soit respecté et traité comme il se doit au nom du peuple Sénégalais !
N’oublions jamais que des milliers de Sénégalais sont morts aux champs d’honneur pour notre drapeau et le peuple qu’il représente. Vive le Sénégal !!
Moumar GUEYE Ecrivain moumar@orange.sn
Notre drapeau national
Au cours du XXème siècle, les emblèmes nationaux abondaient à cause des nombreuses nations qui se constituaient en Etats indépendants suite à la disparition des Empires qui les dominaient. La fin de la Première guerre mondiale voit se disloquer les Empires russe, allemand et austro-hongrois. La Deuxième guerre mondiale est suivie du démantèlement des empires coloniaux français, anglais et portugais. L'éclatement du bloc communiste durant cette dernière décennie, libèrent les peuples d'Europe centrale et orientale.
Les peuples ainsi libérés établissent des Etats indépendants qui affirment leur identité par des attributs nationaux reconnus sur la scène internationale. Leurs drapeaux flottent au milieu de ceux des puissances naguère dominantes devant le siège de l'Organisation des Nations Unies.
En accédant à l'indépendance en 1960, notre pays, le Sénégal, fait le choix d'un emblème chargé d'allégories anciennes et témoin de valeurs actuelles de son peuple.
Symbole de notre indépendance nationale, le drapeau traduit l'unité et la cohésion de tous les Sénégalais, la solidarité étroite de toutes les ethnies et confessions religieuses ou philosophiques, représentées dans le pays, notre aspiration commune à un idéal d'indépendance, de paix, de progrès, de justice sociale, de démocratie et de travail.
Comme la plupart des symboles négro-africains, notre emblème est complexe : il a plusieurs significations. Il peut et doit s'interpréter de plusieurs manières.
Historiquement, les trois couleurs du drapeau symbolisent l'union des forces politiques du pays qui ont fusionné pour former l'Union progressiste sénégalaise. Le vert était la couleur du Bloc démocratique sénégalais, l'or ou le jaune représentait le Mouvement Populaire Sénégalais, le rouge évoquait la couleur du Parti Sénégalais d'Action Sociale.
Si l'influence française se marque par la disposition et le nombre de couleurs retenues, la personnalité du pays s'affirme par le choix des couleurs. Toute la richesse de la symbolique est mise au service de l'unite de la Nation. Chaque couleur renvoie à une ou plusieurs significations dans lesquelles le citoyen peut se reconnaître.
L'Islam, première religion du pays, est symbolisé par la couleur préférée du Prophète. Le vert est pour cette raison placé au flanc dextre - côté noble - du drapeau. Les chrétiens voient dans cette couleur le signe de l'espérance et les animistes celui de la fécondité. Les couleurs au nombre de trois sont l'expression de la trinité chrétienne, signe d'unité.
Le jaune - mis pour l'or - symbolise la richesse. Il représente le fruit du travail pour un peuple qui a donné la priorité aux problèmes économiques, dont la seule solution permettra l'élevation du niveau de culture. C'est le second objectif de la nation sénégalaise, car si la couleur or se veut matérielle, elle revendique aussi sa vocation spirituelle et intellectuelle, c'est la couleur de l'esprit, des Arts et des Lettres. La robe des professeurs de lettres est jaune.
Le rouge est la couleur du courage et du sacrifice, de la vaillance militaire et de l'élite. Cette couleur exprime également la détermination ardente et la force résolue qui doit animer chacun des Sénégalais dans la lutte contre le sous développement.
L'étoile est un symbole commun à toutes les civilisations et à toutes les religions. Elle représente à la fois la perfection, la lumière et la connaissance. C'est un signe assez fréquent dans la symbolique négro-africaine. Elle représente le ciel et partant les valeurs spirituelles d'un peuple qui ne vit pas seulement de riz et de pain. Elle est verte pour signifier plus particulièrement l'espoir qu'exprime l'indépendance de la République du Sénégal. Enfin les cinq branches représentent aussi l'idéogramme de l'homme, qui figurait sur l'or du drapeau de la Fédération du Mali.
Les drapeaux militaires sénégalais superposent trois significations distinctes : la nation identifiée par ses couleurs, le régime politique indiqué par l'inscription République du Sénégal, le corps de troupe désignée par son nom. Ce système d'inspiration française, s'oppose à celui de la Grande Bretagne ou des Etats-Unis où les corps de troupes détiennent deux emblèmes, l'un national, l'autre militaire.
Enfin la devise : "Un Peuple - Un But - Une Foi" traduit exactement le commun vouloir de vie commune du peuple sénégalais, c'est-à-dire sa bonne volonté (une Foi), son unité (un Peuple) pour la construction nationale (un But).
Le drapeau affirme hautement l'existence de la nation et son identité. Il symbolise l'unité d'un peuple qui se reconnaît dans ses institutions et exprime sa force dans la devise nationale portée sur les drapeaux militaires.