une catastrophe
II- Les enjeux du développement de la médecine sénégalaise
Situer les problèmes de santé dans une perspective globale est une démarche fondamentale en santé. En effet, la plupart des affections qui handicapent les Sénégalais sont dues à une constellation de facteurs et il convient donc, pour chacune d’entre elles, aussi bien pour l’analyse que pour l’action, d’agir le plus en amont possible dans la chaîne des facteurs de risque. Si ces formes de prestation ne permettent pas une meilleure définition des modalités d’articulation et de légitimation de tous les savoirs de santé dans un champ médical en perpétuelle construction, elles peuvent permettre de répondre à l’ambivalence d’une quête thérapeutique souvent exprimée par les populations sénégalaises, car utilisant les attributs de la médecine occidentale et émargeant sur des vecteurs de la tradition d’origine rurale (arbre à palabre). Lorsqu'il y a négociation, puis accord entre le cadre de référence du patient et celui du médecin, c'est à dire que les grilles d'analyse du médecin et du patient se rejoignent, les soins qui en découlent sont acceptés. Il est clair que ce type de soins, bien au-delà de ses fonctions thérapeutiques, est un des creusets essentiels de l’inconscient collectif. Il constitue une force majeure de liaison des membres d’un même groupe dont les fondements sont en grande partie religieux et traditionnels.
Les ‘consultations gratuites’ intégratrices de méthodologies d’approche participative des problèmes de santé d’une population définissent ainsi, un espace d’une vision largement partagée, une plateforme représentative, un outil pour la construction d’une politique adaptée aux besoins actuels de santé. Ces initiatives permettent d’expérimenter l’efficacité des synergies et de la pluridisciplinarité dans des dynamiques communautaires. L’approche communautaire/participative correspond à la réalité d’un processus du développement, dans lequel est concernée une pluralité d’acteurs, elle est le gage de l’appropriation de l’exercice, elle garantit une mise en œuvre effective des politiques qui en sont issues. A partir de ces expériences, peuvent s’imposer des logiques originales et des dynamiques nouvelles à travers des stratégies à la fois unifiantes et plurielles, c'est-à-dire à travers une approche horizontale.
Ces ‘consultations gratuites’ sont un catalyseur de l'action civique, une modalité d'exercice de la citoyenneté et en l'effectuant, chacun des acteurs sera, à n'en pas douter, beaucoup plus sensible à une bonne gestion publique. D’un point de vue institutionnel, ces initiatives peuvent être considérées comme une modalité de refondation sanitaire et sa généralisation peut être un facteur de revitalisation du lien entre le citoyen et les structures officielles. Certains y voient la responsabilisation d’un citoyen souhaitant échapper à l’emprise des appareils bureaucratiques et technocratiques, d’autres y voient la manifestation d’une crise des démocraties représentatives confrontées à une logique de l’incertitude.
La rhétorique des ‘consultations gratuites’ devrait néanmoins être soumise à un exercice d’identification des logiques qui les sous-tendent et de décryptage des pratiques qui s’en réclament. Dans cette perspective, il s’agit moins de contribuer à la légitimation d’un mouvement de fond que d’explorer les attendus de situations où les émotions sont mobilisées sans forcément en présupposer la cohérence. On constate que l’accord unanime suscité par ces initiatives dans le cadre de la lutte contre la maladie, masque parfois des intérêts et des lectures divergents, que l’unicité du langage usuel recouvre une réalité hétérogène et parfois contradictoire. Plongée aujourd’hui au cœur du tissu social, l'action menée dans le cadre de ces initiatives, ne peut plus se retrancher derrière les valeurs traditionnelles de neutralité et d'impartialité. Quoi qu'il en soit, elle est maintenant contrainte d'expliciter son rapport au politique. Si, de toute évidence, c'est une interprétation dynamique qu'il convient de donner à ces initiatives, ne faut-il pas cependant pointer les limites au-delà desquelles le sens de l'action s'inverse ? Face aux dérives et aux ambiguïtés, ne faut-il pas redécouvrir le sens éthique de l'intervention, tout en essayant de distinguer, au sein de l'action liée aux consultations gratuites elles-mêmes, ce qui relève du tactique et ce qui appartient à l'éthique, ce qui est du domaine de l'émotion et ce qui appartient à l'analyse et l'engagement durable, ce qui s'inscrit dans l'urgence immédiate du ‘prêt à soigner’ et ce qui appelle l'action à long terme ? Ne faut-il pas dénoncer l'écheveau complexe qui, ces dernières années, a emmêlé les fils d'une action de solidarité authentique, appelée, à son corps défendant, à remplir tous les vides laissés par les autres politiques ?
En donnant quelques éléments de réponse aux interrogations soulevées ici, nous voudrions ainsi montrer en quoi les ‘consultations gratuites’ peuvent nous apporter un éclairage sur la notion de ‘gouvernance locale’ au quotidien au Sénégal, c'est-à-dire sur la manière dont les acteurs sociaux s'organisent pour assurer l'offre de services publics. Quelle que soit la lecture retenue, les consultations gratuites semblent bien être imposées comme un lieu de débats sur les valeurs fondamentales remises en question dans le cadre de la modernité. En définitive, la scène nationale se présente aujourd’hui comme un jeu serré où chaque partie marque son territoire et ses limites, et où de nouveaux points d’équilibre doivent être sans cesse recherchés, aboutissant à un ordre négocié.
Les ‘consultations gratuites’ délimitent souvent un champ transparent qui permet de lire, au décours d’une activité, les conflits d’intérêts et de pouvoirs des groupes en présence. Elles délimitent aussi un espace scénique dans lequel les hommes politiques peuvent venir jouer leur texte, alors même que le décor impose des jeux de rôle limités. Il reste que l'enseigne de ces initiatives abrite aujourd'hui tant de politiques différentes qu'il convient de revenir aux sources et de dégager, au-delà des motivations psychologiques et des arrières-pensées stratégiques, le sens éthique du geste d'assistance. Sans doute celui-ci est-il amené à adopter des modalités différentes au gré des variations du contexte politico-social, au moins convient-il d'en dégager le substrat éthique invariant pour le préserver des inversions de sens et des effets pervers qui toujours menacent. Au-delà de l'action urgente, il faut être en mesure de définir les termes d'un projet, non seulement sous la forme de la planification pratique, mais également sous la forme d'un choix de valeurs qui fait sens d'une génération à l'autre (certaines associations mobilisent une centaine de prestataires en deux jours au niveau d’une ville sans tenir compte des aspects chronopathologiques et géopathologiques).
La responsabilité des ‘consultations gratuites’ doit s'inscrire dans la durée sous peine de se ramener à des sursauts sporadiques d'émotion et à céder ainsi à la logique médiatique de l'instantané. Une politique d'assistance conséquente doit être capable de projet. A ce titre, il est possible de partager les responsabilités dans une logique de partenariat équilibré entre les pouvoirs publics et les bénéficiaires des soins de base. La participation volontaire de certains élus au financement de ces consultations gratuites est également possible. Il y a aujourd’hui une nécessité à communiquer des éléments d'analyse pour nourrir un débat critique au-delà de l'image qui fait choc, une nécessité également de développer une éducation humanitaire sous la double forme d'une communication des valeurs qui la sous-tendent, ainsi que d'une recherche scientifique sur les difficultés qu'elle rencontre. Il est nécessaire de sortir des nombreuses expérimentations sur le terrain menées par une multitude d’acteurs en vue de construire un référentiel permettant de lutter contre les nombreuses endémies qui existent dans notre pays. Il est nécessaire de réfléchir à la prise en compte des causes des crises appelant l'intervention. Au-delà du noyau dur de l'action instantanée et en deçà du domaine politique général, n'y a-t-il pas une zone intermédiaire où se repèrent les facteurs qui sont directement à l'origine des crises et qu'il importerait de traiter soit à titre de l'action préventive, soit à titre de suivi d'une intervention ? Que dirait-on d'un médecin qui se contenterait de soigner à chaud les symptômes, négligeant par ailleurs de maintenir le contact avec le patient ?
A mon sens, la disposition d’esprit brièvement esquissée ici exige une conversion mentale et une réévaluation objective, afin que les ‘consultations gratuites’ dissipent les soupçons de duplicité qui l’hypothèquent. Finalement, au-delà parfois de leurs insuffisances, ces associations sont le signe d’un pays en quête de régulation. On comprend donc que la santé à la fois enjeu de société et analyseur du social, puisse se définir comme une construction socialement et politiquement élaborée, dont les limites sont constamment rediscutées. Au niveau du ministère de la Santé et de la Prévention, nous nous préoccupons de plus en plus du cadre stratégique permettant d’optimiser les contributions de tous les acteurs, d’où qu’ils viennent, en essayant en même temps de mettre en cohérence toutes ces initiatives dans une dynamique globale, c'est-à-dire dans le sens de nos systèmes de référence. Nous encadrons progressivement le changement d’orientation de l’action sanitaire que nous avons constaté.
Traditionnellement, le secteur de la santé agit comme régulateur et fournisseur d’infrastructures et de services, mais il acquiert de plus en plus un rôle de soutien et d’encouragement. En définitive, pour minimiser aujourd’hui les contraintes qui entravent encore le développement sanitaire du Sénégal, nous prenons en compte toutes les nouvelles stratégies qui définissent sans ambiguïté un Sénégal solidaire et cohérent. En attendant, nous incitons les prestataires de soins officiant dans les structures officielles à aller vers la communauté. Il faut, par l’action et en prêchant par l’exemple, pourchasser la maladie et la mort partout où elles frappent. Il faut aller jusque dans les familles. C’est ainsi qu’ils apporteront des services permanents à ceux qui en ont le plus besoin, augmentant les chances de voir leurs efforts porter leurs fruits. Il convient, c’est évident, de trouver l’exigence d’une conception volontariste et créative susceptible d’accommoder les nécessités des stratégies institutionnelles avec les principes d’humanité, tout en agissant dans le domaine social et économique pour réduire la vulnérabilité des populations.
Ce siècle sera sans doute celui de la consolidation des progrès médicaux et d'un retour à l'équilibre entre ses différents acteurs. Il nous faudra revenir à ce qui légitime la pratique médicale depuis les temples de la Grèce antique. La dimension du médecin doit néanmoins dépasser largement le cadre technique et froid dans lequel la médecine hippocratique cherche à le confiner. Le médecin doit jouer un rôle important dans le processus de socialisation de la maladie, dans la validation de la plainte et la légitimation du statut du malade. L'écoute, l'accompagnement des patients au cours de leur vie, à travers les inquiétudes, les croyances, les affections mineures qu'ils présentent, sont ainsi parfois délaissés alors même que ces fonctions deviennent primordiales. La société réclame une relation au praticien qui serait basée sur l’homme et pas seulement sur la technique. C'est l’un des enjeux du développement de la Médecine sénégalaise. (Fin)
Professeur Oumar FAYE Directeur de la Santé
CHRONIQUE DE L’IMPROVISTE
Un peuple, des buts, plusieurs fois
Par Henriette Niang-Kandé | SUD QUOTIDIEN | mercredi 23 janvier 2008
Chaque tournoi international de football, qu’il soit amical ou de qualification, ravive des forces collectives importantes et souvent l’engouement s’accompagne de manipulations de masse. Certaines sont plus suspectes que d’autres, objets de rumeurs invérifiables, hypothèses mathématiques, constructions savantes, accusations péremptoires, portées par des pythies du ballon rond, auquel beaucoup ne connaissent rien. Tous les deux ans, c’est la même romance. A chaque biennale africaine, toujours les mêmes rengaines. Dans la presse, les « Lions de la Téranga » hier, « Mbarodi » aujourd’hui, Sadio ou faux-lions demain, reviennent hanter à intervalles réguliers nos colonnes. La Can 2008 a commencé et il en est encore qui refont les matchs de 2000 et de 2002. Tout était abracadabrant et finit par faire « pschitt ! », se dégonflant comme… un ballon de baudruche.
Aujourd’hui, pour leur premier match, s’il est des « marabouts-sorciers » dont les Sénégalais guetteront les oracles avec angoisse, ce sont bien les joueurs de l’équipe nationale de football. Plus que les missions du Fmi ou la plateforme de Diamniadio. Le verdict de Sa Majesté le ballon rond, dieu adoré, dictera l’humeur de tout un peuple. De Maître et de son entourage. Rien ne vaut, en termes d’image, la photo où pose Le patriarche triomphant à côté des (futurs) héros qui ont quitté, pour la plupart les championnats européens. On les courtise assidûment, à coups de promesses et de primes, parfois faramineuses, au regard des ressources du pays, et non sans avoir payer son dû à l’entraîneur, qui réclamait sa paie à cors et à cris.
Les Sénégalais qui ne sont pas à Tamalé accueilleront, chez eux, devant leurs postes de télévision, ceux qu’ils souhaitent être des terreurs des surfaces de réparation, des squatteurs du point de penaltys, des « Mbarodi » des premiers poteaux, des ennemis du replacement défensif, des abonnés au pointu victorieux, qui marqueront des buts, et un gardien de buts qui doit, le moins possible réaliser des plongeons- piscine, même s’ils sont du plus bel effet. Il faudra que les Lions créent les conditions pour marquer des buts. De beaux. De loin. Qu’ils enfileront comme des perles. Les spectateurs, ce qu’ils veulent, c’est des buts. Plein. Mais il semble, comme le dit Raymond Domenech,actuel sélectionneur de l’équipe de France, que « c’est difficile de dire comment on doit marquer des buts, tout le monde essaie, certains y arrivent, d’autres moins, mais je n’ai pas de recette. On a tous envie de se construire des occasions. Mais après, pour marquer des buts, c’est le seul talent qui fait la différence. » Et, si sur le papier le talent ne fait pas défaut, c’est sur le gazon qu’il se révèle.
Sinon, la virulence des critiques concernant les dérives des joueurs, de l’entraîneur, du staff technique, sera proportionnelle à la force des attentes exprimées en termes de qualité de l’équipe… de 2000 et de 2002. En attendant, les experts, consultants, analystes, commentateurs, rivalisent avec un peuple de 11 millions d’âmes transformées en autant d’entraîneurs et d’entraîneuses, caressent les scenarii les plus abracadabrantesques
En voyant le peuple exhumé, les profanes qui ne sont pas tenus de réfléchir eux aussi, éprouvent tout d’abord un mouvement d’étonnement pour tant d’engouement, vaste atelier de jouissances, d’où bientôt eux-mêmes ils ne peuvent sortir, et restent à s’y déformer volontiers, priant que l’équipe du Sénégal gagnât. Ce serait alors, une bouffée d’oxygène pour tout un peuple devenu presque dépressif à force de récolter des branlées de toutes sortes : sociales, politiques, institutionnelles, économiques, sanitaires.
Une victoire nous ragaillardirait. Je vois déjà des aficionados aller à l’Eglise ou à la Mosquée, dont ils sont les dimanche, les vendredi, et les jours de fête les plus beaux ornements, avec une voix, la plus imposante possible, où ils tordront avec énergie, une large bouche en faisant tomber un tonitruant « Amen », régurgité. Sinon, en peuple du refus, en vrais Lions, nous pourrons rester sur notre lancée et continuer, pour nous occuper, à dire Non. Trois fois Non aux Ape, et faisant des pieds de nez aux associations des professionnels de l’échec.
Soyons claire. Quoiqu’il arrive, nous serons les meilleurs, les plus intelligents, les plus beaux et rien ne sera de notre faute. Car, c’est bien connu, Dieu et tous ses saints (même ceux qui ne sont pas Sénégalais) sont avec nous. Donc, comme disent les Y-voient-rien, qui ont bien vu leur victoire de premier match, « C’est l’homme qui a peur. Sinon, y a rien ». Vive nous !
CHRONIQUE DE L’IMPROVISTE
« Légitimes » dépenses.
Par Henriette Niang-Kandé | SUD QUOTIDIEN | vendredi 30 novembre 2007
’’Dès que je trouverai les moyens, je prendrai l’attache du président de la République pour les lui exposer et s’il me donne son autorisation, j’irai vers l’achat de l’avion parce qu’encore une fois c’est une nécessité, c’est une question de fierté nationale,(souligné par l’auteure) c’est une question de souveraineté. Des pays qui sont beaucoup moins riches que le nôtre, ont leur avion. Je ne vois pas pourquoi on ne va pas acheter un avion », a dit Monsieur Abdoulaye Diop, ministre de l’Economie et des Finances, peu après l’adoption du budget de son département, par les députés.
Certains mots sont plus souvent employés plus comme gargarisme publicitaire et populiste que comme outil linguistique désignant une réalité tangible. La fierté, (au sens national du terme), n’est-elle pas avant tout une reconnaissance, une conscience de ce que l’on doit à son pays, à son histoire, et à ceux qui l’ont écrite. La fierté nationale, ce n’est certainement pas l’achat d’un nouvel avion. D’autant plus qu’il y seulement quatre ans, 15 milliards avaient servi à « réparer » la Pointe de Sangomar, qui n’est plus « digne » de Maître. Pour les théoriciens de l’achat d’un avion, c’est une honte que « l’homme le plus diplômé du Caire au Cap » soit « transporté » par ses homologues, dirigeants de pays plus pauvres que le nôtre, et que Maître fasse l’objet de « yekkal » comme un simple usager de clandos entre le rond-point Scoa et « Buntu Pikine ». Un avion vert-jaune-rouge faisant le tour du monde contribuera t-il à rétablir la confiance des Sénégalais dans le fonctionnement de la République dans laquelle ils vivent ?
Dans l’inventaire de l’épopée de l’Alternance, le chapitre « fierté » prend la forme d’une planche à billets qui débite des milliards depuis presque huit ans. Ces milliards, utilisés, selon les « légitimes » dépenses de Maître, selon ses humeurs, ses envies du moment, ses projets virtuels, quels que soient par ailleurs le contenu et la qualité des dossiers, ont fini par dessiner une ligne de partage quadrillant une société sénégalaise qui enfante doucement une dynastie et une galaxie minées par un individualisme des jouissances. Un mur s’est dressé entre ce qui est devenue l’élite du 19 mars 200 et les populations, entre un Sénégal officiel, qui se pique de ce noble sentiment, et un pays des marges, renvoyé dans l’ignoble et qui puise dans le déni opposé à ses difficultés d’existence, l’aliment de son coup de sang de la semaine dernière.
Parmi ceux qui se hâtaient pour aller à l’Alternance et à la démocratie, il doit y en avoir qui se mordent les doigts à se les amputer, et gardent des moignons. Ils croyaient que l’Etat de droit et ses exigences institutionnelles supposaient la fin des privilèges matériels et autres avantages financiers. Ils constatent aujourd’hui que l’avènement de la République de l’Alternance n’est pas automatiquement synonyme de bonne gouvernance et d’austérité. Pas pour tout le monde, en tout cas. Seul véritable changement, de nouveaux et très nombreux chapitres dans le budget national. Beaucoup sont loin d’être les exemples que l’on espérait, en particulier pour s’être laissés dévoyer par le caractère sonnant et trébuchant de leur fierté.
Si les hommes déçoivent, les systèmes pourraient aussi être remis en cause. De par leurs coûts, ils constituent parfois leurs propres prédateurs. L’ensemble du fonctionnement institutionnel républicain, avec ses lourdeurs et ses flous, fait parfois douter de la supériorité qualitative de l’Etat de droit sur l’Etat d’exception qui est chez nous, celui de la »fierté nationale », née subitement avec des dépenses de prestige aussi coûteuses qu’inutiles . Seule certitude aujourd’hui, la démocratie coûte cher. Amer constat. A tous les étages de l’armature institutionnelle « démocratique », il y a souvent de l’eau dans le gaz, avec toujours des factures très onéreuses.
Alors que courent les dépenses de prestige qui couvrent un orgueil mal placé, dans tous les domaines de l’Etat, par petites touches, qui à l’arrivée font un trou immense dans le budget, la garantie, et plus encore peut-être l’existence même des droits constitutionnels sont remises en cause : droit à l’éducation, droit de grève, droit aux services de santé, droit de manger à sa faim.
Tous les droits ont été touchés. Plus ou moins profondément, mais tous l’ont été de sorte que se dessine un projet global, non visible quand on prend chaque mesure individuellement mais éclatant quand on les relie les unes aux autres : l’établissement d’une caste de « fiers de servir Maître et mettre en pratique sa vision éclairée », qui se méfie des citoyens au point de leur retirer progressivement les droits qui les font devenir, précisément, citoyens. Une caste qui préfère les « gens » aux citoyens.
Rétrécie dans ses libertés, la société sénégalaise est aussi tout entière résorbée dans la personne du Président, qui fait revivre une vieille et funeste formule : « L’État, c’est moi ! », sous-entendu, « les caisses de l’Etat c’est aussi moi ». La politique étrangère, c’est lui et son avion, la politique économique, c’est la Wade formula, les finances, c’est son fils, Karim W. Le reste, c’est un gouvernement transparent et un Parlement absent. A cette confusion des pouvoirs d’État, s’ajoute la confusion au profit de Maître des pouvoirs de liant entre Mugabé-Brown. On sait ce qu’il en est advenu.
Huit ans de pouvoir, autant de temps de régression démocratique et de progression en valeurs absolue et relative des dépenses contenues dans la ligne budgétaire : « fierté nationale » . Les droits des citoyens et la séparation des pouvoirs sont avalés gloutonnement par un Président boulimique. Ce qui révèle sans doute des troubles de la personnalité du chef mais qui, surtout, ouvre à terme sur une situation conflictuelle grave : l’histoire politique en général montre que toute période de confusion et d’exercice personnel des pouvoirs se termine généralement dans la douleur. Car, pour justifier cette absorption de la société et des pouvoirs dans le corps du roi, il ne suffit pas de dire et de répéter que Maître a le droit de défaire les cordons de la bourse nationale, comme bon lui semble, du seul fait de sa « brillante réélection, dès le premier tour, du 25 février 2007 ».
Si les hommes et les femmes qui l’accompagnent portent sur leurs épaules l’intimidant poids de la destinée de plusieurs millions de personnes, leurs charges sont compensées par divers avantages qui magnifient la fonction : émoluments consistants, « caisses noires » discrétionnaires qui font d’eux, des « fiers ostentatoires ». Leur fierté se limite alors dans une montre de luxe, une écharpe, une cravate, qui pendouille, une voiture tout-terrain, parce que leur fierté doit être vue. Cela dégage une vulgarité certaine et prouve un matérialisme absolu.. A vrai dire notre dispositif officiel se révèle inefficace à installer une réelle démocratie, agissant comme un cautère sur une jambe de bois, avec le seul « avantage » de créer des gouffres financiers.
L’empressement et le plaisir jouissif avec lequel les députés pratiquent leur propre mutilation se passe de commentaire. Leur entretien coûte plusieurs milliards de francs Cfa par an au Trésor public, alors que les « avis » qu’ils émettent sur les projets de lois n’ont aucune incidence sur le contenu définitif de ceux-ci. Dans une pseudo démocratie, Maître, déjà très fortement protégé lui-même par les clés du coffre-fort national, anime un trompe-l’oeil démocratique, une chambre d’enregistrement à ses ordres. Le nomadisme politique, les retournements de veste, la course aux divers privilèges dans les rouages des institutions ont achevé de convaincre le Sénégalais lambda de la nécessité d’être pragmatique, et….« concret ».
L’Alternance, est autant autiste qu’incompréhensible. En distribuant des avantages et des prébendes. En jouant des crédits publics et des passe-droits gouvernementaux. En faisant passer des intentions pour des réalités, des promesses pour des décisions. Les objectifs fixés tournent comme une toupie de non-sens, actionnée par de véritables « ouvriers » de la démocratie. .
Pauvre pays, contraint à subir encore un Etat présomptueux, dispendieux mais fier qui, sous caution de milliards, poursuit son travail de sape à l’encontre des plus démunis, creusant le fossé social qui finira par devenir le trou de son tombeau. La fierté demeure une arme noble mais elle peut aussi s’avérer aussi tranchante qu’un poignard. Si seulement nos dirigeants savaient s’en servir dans les vrais champs de bataille !
L’ALTERNANCE AU SÉNÉGAL:Une déception
[ 17/12/2007 ]
Lorsque le 29 avril 2005, à Ziguinchor, développant au cours d’une conférence publique le thème « L’Alternance au Sénégal : réalité ou utopie ? », nous soutenions que ce phénomène est le plus grand malheur qu’ait connu notre pays, d’aucuns n’y croyaient guère. La raison qu’ils avaient avancée était qu’après cinq ans, on ne pouvait pas juger le régime libéral, comparé aux 40 ans soi-disant négatifs du régime socialiste et que ce pouvoir avait encore le temps de prouver qu’il est et restera la solution du Sénégal. Aujourd’hui, force est de reconnaître que nous n’avions pas tort et ce ne sont pas les inconditionnels de Wade qu’on entend très souvent dans les émissions interactives qui nous démentiront. Car, leur honte maintenant est d’être des citoyens, comme tous les autres Sénégalais, d’un Sénégal qui va mal.
Oui, « le pays va mal ! » en effet, avait averti plusieurs fois le Ministre d’Etat Robert SAGNA, Secrétaire Général de notre parti, le Rassemblement pour le Socialisme et la Démocratie / Takku Defaraat Sénégal. Si l’Alternance en tant que « Ote-toi de là, que je m’y mette » a été une réalité, il s’avère, hélas, qu’elle demeure indéniablement une utopie bien entretenue dans la tête des Sénégalais pour leur faire croire que tout a changé dans le bon sens, un échec sans commune mesure. Tout a changé en effet, mais dans le sens contraire aux aiguilles d’une montre. Notre pays est assis sur un volcan, car dans tous les domaines de la vie nationale, le peuple constate et vit la décadence et la déchéance.
Au contraire d’un choix judicieux et utile des hommes et femmes qui doivent gérer le pays, ses sociétés et ses institutions, le pouvoir fait fi des critères de valeurs, de connaissances et d’aptitudes et tend aujourd’hui vers la légitimation d’un despotisme et d’un népotisme de type particulier à l’entretien duquel sont mêlés d’illustres personnalités de ce pays jadis considérés comme des références sûres. Au contraire d’une diminution des prix des produits de première nécessité, c’est l’institutionnalisation de l’inflation que nous impose le Gouvernement. Les Sénégalais de plus en plus malades parce qu’ils mangent, boivent et respirent mal, donc permanemment stressés, ont toujours un accès difficile aux consultations et aux examens dans les hôpitaux, aux médicaments pour ne pas dire aux structures de santé-même. Tout est cadavre ambulant au Sénégal, sauf ceux-là qui font partie de la grande famille de Wade.
L’Agriculture sénégalaise, jadis un modèle dans la sous région est de plus en plus malade, l’Industrie est déjà en lambeaux, l’Education en déconfiture, la Culture dévalorisée, le Tourisme en régression. Tandis que la démocratie a atteint le bas de l’échelle, le territoire national est désormais soumis à un nouveau type de colonisation, une colonisation arabe : en effet, s’ils ne sont pas relégués à un second plan au profit d’une minorité, les intérêts du peuple sont purement et simplement vendus à vil prix aux étrangers que sont surtout Dubaï, les Saoudiens, les Marocains, et les Koweitiens par un groupe d’opportunistes appartenant à un GIE dit de Génération du Concret. La flambée des prix du riz, de l’huile, des légumes et de l’électricité, de même que la cherté de la scolarité, du logement et du transport ont fini de démontrer, à la face du monde entier, l’incapacité de Wade et Compagnie à mener ce pays à bon port. Personne dans ce pouvoir ne croit véritablement au Sénégal. L’objectif premier des libéraux est de s’enrichir et de faire du Sénégal « Un pays immergent ».
Le naufrage du bateau Le Diola en a été le premier signe annonciateur. Viennent ensuite la légalisation de l’instabilité du Gouvernement, l’invasion des criquets pélerins, l’ouverture de chantiers prétextes pour razzier les biens publics, l’achat des consciences, l’émigration clandestine, la forte concentration de la population à Dakar avec ses corollaires qui ont pour noms étouffement de la mobilité urbaine, déguerpissement des marchands ambulants, la majorité libérale ici, majorité libérale là-bas, etc. En somme, le Sénégal vit le contexte des scandales : un scandale par ici, un autre scandale par là, bref des « scandaux » toujours, des scandaux partout (excusez-moi ce terme : un scandale, des scandaux. Terme qui s’adapte bien au contexte de l’Alternance).
Et parmi ces « scandaux », l’institutionnalisation des stratégies de blocages dans tous les secteurs plutôt que de sortie de crises. Comme si le gouvernement se plaît à voir souffrir ses paysans, ses éleveurs et pêcheurs, ses ouvriers, ses enseignants et agents de santé, bref toute sa population. La famine, il y en a dans les villes à plus forte raison dans le monde rural et le régime de Wade en est le principal responsable, lui qui n’a aucune vision claire pour assister les ruraux. Les secteurs les plus importants de l’économie sont négligés. Par conséquent, la production nationale continue de baisser malgré les milliards que l’on dit y investir.
Dans ce contexte, comment peut-on échapper aux effets de la hausse du prix du pétrole, au point non pas nécessairement d’augmenter la croissance, mais de la maintenir à son niveau actuel ? Aucune vision pour gérer ce pays, et ce depuis le 19 mars 2000. En effet, comment peut-on prétendre conduire un pays sans que ceux qui sont au plus haut niveau de l’Etat ne connaissent les rudiments les plus élémentaires de sa gestion? Wade a commis beaucoup de fautes. Et ces fautes sont :
- d’être plus politicien que technocrate : ses 26 ans d’opposition ne lui ont servi qu’à la contradiction avec ses adversaires, avec ses propres collaborateurs, avec lui-même. C’est pourquoi, il a en permanence, aujourd’hui, le réflexe de toujours créer des foyers de tension sociale là où il n’y en a pas, et ce contre les intérêts du peuple.
- d’avoir passé tout son règne à la tête de l’Etat, depuis mars 2000, à ne gérer que le PDS au lieu de gérer le pays. Ce dernier est depuis lors pris en otage par des contradictions internes et pendant tout ce temps, les problèmes naissent, croissent et s’agglutinent les uns sur les autres, s’alourdissent sur les épaules de tout le monde.
- de s’être mal entouré : un gouvernement de politiciens ne peut faire que de la politique politicienne et non de l’Etat, de l’Economie et du Social durablement. Wade l’a si bien su, plus tard, qu’il n’a pas hésité à faire appel à plusieurs socialistes, mais à de mauvais socialistes qui ne lui ont apporté que des ennuis. Même les bons éléments sont des problèmes pour lui.
Il a fait de Niasse un problème pour lui. Mame Madior BOYE aussi, puis Idy et aujourd’hui Macky SALL qui lui a tout donné. Finalement, le problème du pays, ce ne sont pas ceux-là, ce n’est pas que le pétrole ; celui-ci n’est que la partie visible de l’iceberg. Le problème véritable du pays, c’est la CAP 21, le PDS en particulier et à ce niveau, c’est un problème, non de N°2 mais plutôt de son N°1. Le problème du Sénégal, c’est sa tête.
L’Alternance a fait appel à nous. Elle nous a utilisés et nous a lâchés dans un tombeau pour nous y enterrer vivants. Elle n’a pas su contenir ce petit vent venu de quelque part en Afrique pour emporter Diouf et Compagnie. Elle s’est contentée des milliards et a regardé ce vent se transformer en un grand tourbillon qui a emporté « Le Diola » et qui est en train de se transformer à son tour en un ouragan qui emportera en 2012 ce pouvoir pour ne laisser que des casseroles au peuple. Wade et Compagnie, croyez-moi, ne sont donc pas la solution du Sénégal ! Nous écrirons, pour les générations futures, les vrais cahiers de l’Alternance et nous en jouerons le théâtre !
La solution du Sénégal se trouve dans un véritable changement d’hommes. Il faut à la tête de ce pays un homme plus expérimenté techniquement et éthiquement que politiquement, un rassembleur, de valeur saine et sûre, qui n’est mêlé à aucun scandale, bien regardé ici et d’ailleurs. Cet homme dont les sénégalais ont manqué à l’appel le 25 février dernier est celui-là qui nous a déjà dit : « Pabi beugue na Sénégal, wanté mounoul » : c’est bien le Ministre d’Etat Robert SAGNA, Secrétaire Général du RSD / TDS. La première solution est donc dans le changement d’homme à la tête. La seconde solution du Sénégal est dans un choix objectif et judicieux d’hommes et de femmes, une sorte de purge pour conduire le pays là où il y a du bon soleil. Ce pays a besoin dans ses institutions, ses directions et sous-directions d’hommes et de femmes mûrs, compétents et soucieux du devenir de leurs concitoyens : il nous faut l’homme ou la femme qu’il faut à la place qu’il faut, sans mauvaise considération et sans critères que la constitution ne reconnaît pas.
La troisième solution du Sénégal est bien sûr le retour à nos valeurs et à la terre et à la mer. Retour à nos valeurs pour construire et nous doter durablement de la bonne crème de citoyens qui assureront la continuité des actes posés par ceux-là que nous aurons bien choisis pour diriger. Retour à la terre qui ne trompe pas : à ce niveau, une politique adéquate de dotation à temps de matériels modernes, de semences et d’intrants de qualité, couronnée par une bonne maîtrise de l’eau pour pallier le déficit pluviométrique et une commercialisation à visage humain retiendra et fixera sur place nos bras valides ; ce qui induira la production agricole à outrance.
Retour à la mer parce que nos pêcheurs ne seront plus tentés par l’Espagne. La reprise des activités de pêche marquera le retour des bons plats qu’aiment les sénégalais et qui se raréfient du fait du manque de poisson. La production augmentant, il faudra l’accompagner avec une déconcentration industrielle qui touchera tous les secteurs d’activités, voire toutes les régions naturelles du pays selon leur spécificité. Tout ceci désengorgera les villes, surtout Dakar. Alors sera fluide la mobilité, diminueront le prix du loyer parce que l’offre sera supérieure à la demande et les calvaires du transport. Régresseront le chômage parce que là aussi l’offre contiendra la demande ou lui sera supérieure. Le banditisme et la criminalité, le stress social et donc la maladie de manière générale reculeront sensiblement.
Conséquence : les citoyens se mettront au travail parce qu’ils y prendront goût, dans la discipline et le pays sera gérable dans les règles de l’art pour être véritablement et sans tricherie un Sénégal émergent. Les journalistes donneront la bonne et juste information, parce qu’ils ne trouveront rien de scandaleux à dévoiler. Au contraire il feront la promotion de ce nouvel esprit d’engagement des sénégalais, ce qui attirera les investisseurs, ce qui va, avec ce que nous ferons nous-mêmes ici, booster l’économie et voilà possible une croissance supérieure à 5% pour ne pas dire une croissance à deux chiffres. Pour y arriver, nous appelons les sénégalais à bien ouvrir les yeux et à tourner leur regard vers Robert SAGNA. Le parti qu’il vient de créer est un parti véritablement ancré dans l’opposition, l’opposition au pouvoir actuel.
Cet homme a déjà démontré ce dont il est capable et tout le monde l’a vu à l’œuvre. Aujourd’hui qu’il a capitalisé les valeurs, les connaissances, les aptitudes et les relations qui feront du pays le vrai Sénégal que nous avions cru avoir à partir de 2000 et qu’il a observé et noté toutes les erreurs du Libéralisme à la sénégalaise, faisons-lui confiance et donnons lui l’opportunité de conduire nos destinées. Le Libéralisme est synonyme de « scandalisme » et de divisionnisme alors que le Socialisme rime avec Rassemblement, Solidarité et Démocratie.
Daouda DIEDHIOU, Militant du Rassemblement pour le Socialisme et la Démocratie