REPRESENTATIVITE
ASSEMBLEE NATIONALE / APRES 47 ANS D’HEMICYCLE ET 10 LEGISLATURES
La quête de « représentativité »
Après plus de quatre décennies de vie parlementaire et une dizaine de législatures fondée sur le principe constant de la confrontation ouverte entre les députés de la majorité et ceux de l’opposition dans toute sa diversité, la onzième législature forte de quelque 150 députés risque de marquer indéniablement et à contrecoup l’histoire de l’Assemblée nationale sénégalaise. Le boycott des législatives du 03 juin prochain par les partis politiques constituant l’opposition la plus significative ne va-t-il pas déteindre foncièrement sur le fonctionnement normal de cette vieille institution de la République ?
La quête du Saint Graal que semble représenter l’Assemblée nationale pour les quinze partis politiques et/ou coalitions de partis présentant des listes pour les législatives du 03 juin prochain risque d’être originale. Depuis l’institution du suffrage universel, c’est bien la première fois que l’hémicycle sénégalais institué le 20 août 1960 (loi n° 60-44 du 20 août 1960), tout juste après l’accession du pays à la souveraineté internationale, ne bénéficie pas des avances et autres courtisaneries de la frange la plus représentative de l’opposition au pouvoir établi. Pour cause, le boycott des élections législatives de début juin par la dizaine de formations politiques de l’opposition dite significative va priver la 11e législature sénégalaise de l’essence même de la représentativité parlementaire. Celle qui cadre avec l’existence au sein de l’Assemblée nationale d’une force alternative de proposition et de contestation puisant sa légitimité de la masse des électeurs qui ont préféré reporter démocratiquement leurs suffrages en faveur des partis ou des coalitions de partis opposés au pouvoir en place. Pourtant, de sa création en août 1960 à l’année d’exercice 2007, soit 47 ans d’hémicycle, le Parlement sénégalais a connu bien des avatars tout au long de ses dix (10) cycles de législature. De fil en aiguille, l’Assemblée nationale qui ne comptait à la survenue de l’indépendance que 80 députés, a vu le nombre de ces représentants du peuple passé cumulativement de 100 en 1978 à 120 en 1983, voire à 140 en 1998, la dernière législature durant laquelle l’hémicycle restait encore aux mains du Parti socialiste d’Abdou Diouf, le président de la République d’alors.
Vers une législature « tronquée »
Entre-temps, l’Assemblée nationale a emprunté diverses couleurs ; de l’unicolore à la multiplicité des étendards, pour sanctionner les diverses étapes de l’évolution politique du pays. Régime du parti unique au milieu des années 60, institution contrôlée des quatre courants politiques dans les années 76, voire établissement du pluralisme intégral en 1981 : autant de moments qui ont marqué en profondeur l ‘histoire de l’Assemblée nationale.
L’institution parlementaire allait d’ailleurs subir une mutation profonde avec la survenue, le 19 mars 2000, de la première alternance politique au sommet de l’Etat. Par suite, avec l’adoption par référendum d’une nouvelle Constitution (janvier 2001) qui entraîne un certain nombre de réformes institutionnelles dont la dissolution de l’Assemblée nationale et l’organisation d’élections législatives anticipées (26 avril 2001), la dixième législature opère une réduction du nombre de députés à 120 et change la donne parlementaire traditionnelle au Sénégal. Le Parti socialiste, ex-Union progressiste sénégalaise (Ups), ex-entente entre le Parti socialiste sénégalais (Pss) de Me Lamine Guèye et le Bloc populaire sénégalais de Léoplod Sédar Senghor (Bps), perd le leadership de la représentation parlementaire qui restait sa chasse gardée en quatre décennies d’hémicycle. Seule une dizaine de députés socialistes siègeait désormais à l’Assemblée nationale, de 2001 à 2007, pour relayer les positions politiques des compagnons d’Ousmane Tanor Dieng sur la marche de l’Etat et la gestion libérale des affaires publiques.
150 députés : pour une première
La 11e législature devant être constituée, le dimanche 03 juin prochain, suite à l’expression des suffrages de près de 05 millions d’électeurs Sénégalais recensés par la Direction de l’automatisation des fichiers (Daf) du ministère de l’Intérieur, sera, elle, composée de 150 députés ; un effectif établi sur arbitrage discriminatoire du président Abdoulaye Wade. Seule nouveauté de taille dans cette assemblée nationale, style Wade, et dont une soixantaine de députés sera élue sur la liste nationale et 90 sur les listes départementales, les ténors de la politique au Sénégal arrivés, après les décomptes de voix, à la suite du Chef de l’Etat lors de l’élection présidentielle du 25 février 2007, n’y seront pas représentés. Ainsi en sera-t-il d’Idrissa Seck du Rewmi, Ousmane Tanor Dieng du Parti socialiste(Ps), Moustapha Niasse de l’Alliance des forces de progrès(Afp), Amath Dansokho du Parti de l’indépendance et du travail(Pit), Madior Diouf du Rassemblement national démocratique(Rnd)…
Pour quelle assemblée nationale, en définitive ?