FERMENT D’UN ESPRIT RÉPUBLICAIN
DIALOGUE POLITIQUE, FERMENT D’UN ESPRIT RÉPUBLICAIN
Le dialogue politique est le ferment de l’esprit républicain. Il s’agit d’un véritable pont de lucidité, de franchise, d’esprit de dépassement et de patriotisme. Ce pont se situe au-dessus des fractions (ou factions !) partisanes. Cet esprit républicain se nourrit de la détermination de tous à surmonter les écueils du repli sur soi pour porter, sur les splendeurs de la concertation et du consensus, les élans collectifs utiles à la prise en charge des sujets d’intérêt national. Dialoguer est le point de jonction des envies d’être ensemble, de travailler ensemble et de gagner, ensemble, les batailles du développement et de relever les défis d’une armature institutionnelle à préserver des vents conjoncturels de la discorde.
Le consensus sur la nécessité de ce dialogue est un pré-requis dans un système démocratique. Il est le socle sur lequel se construisent les adhésions fortes et sincères à l’élaboration et la mise en oeuvre d’un contrat de gouvernance. C’est dans ce cadre qu’il faut inscrire les différents appels à la concertation lancés des deux côtés, majorité comme opposition. La nécessité de se parler n’a jamais suscité des positions inconciliables. Cependant, c’est l’objet de ce dialogue qui a soulevé de très fortes réactions de part et d’autre. Des rencontres ont eu lieu avant la présidentielle de 2007. Mais la véritable ligne de fracture, dans la tenue de ces échanges entre le pouvoir et l’opposition, se situe à la proclamation, dès le premier tour, de la victoire du président Wade. Plébiscite ici, parodie d’élection là. Un débat a eu cours, alimenté par une exégèse aux allures de dissertation pour philosophes de la politique : la “légitimité” de la victoire du président sortant est contestée pour laisser la place, dans le champ lexical de ses opposants, au terme “légalité”.
Ces accusations de fraude portent le germe des crispations entre une opposition qui prône les vertus de l’unité autour de Niasse, Tanor, Bathily, Dansokho et Madior Diouf et une majorité frustrée des joies de simples civilités du champ républicain : les félicitations des adversaires, de simples concurrents le temps d’une élection. Chez le président Wade c’est : « Je ne discute pas avec cette opposition qui refuse de reconnaître ma légitimité » ; du côté de l’opposition, la réponse reste : « Nous sommes prêts à rencontrer Me Abdoulaye Wade pour discuter avec lui des conditions et des modalités de sa participation à ces Assises ». Crime de lèse-président ou trait d’humour ? En tout cas, la suite des débats souffre de l’entame de ce processus. Autant le chef de l’Etat se pose des questions sur l’opportunité des Assises dites nationales, autant ses vis-à-vis de l’opposition “radicale” s’obstinent à le renvoyer à la Charte de Bonne Gouvernance qui charpente, selon eux, le “Sénégal de demain”. Ce même document est proposé, par Bennoo, comme base de travail. Naturellement, les positions deviennent inconciliables. Le support du dialogue étant contesté, la concertation ne peut avoir lieu.
L’autre objet de crispation est à chercher dans les sujets de discussions proposés par Bennoo, notamment la situation des droits de l’Homme au Sénégal et la fiabilité du fichier électoral. Dans sa réponse en date du 12 juin dernier, le chef de l’Etat a déclaré ces deux points “sans objet” en raison du passage couronné de succès du Sénégal à la Commission des droits de l’Homme à Genève et de la percée de l’opposition aux Locales du 22 mars sur la base de ce même fichier décrié à l’occasion de la présidentielle. A l’opposition qui insiste, le chef de l’Etat propose un inventaire de la gestion socialiste.
Enfin, le format du dialogue est le lieu des divergences profondes entre les deux parties (je ne dis pas ‘’camps’’ !). Tout le monde est acquis à l’idée d’instaurer et de consolider une paix sociale, dans un esprit républicain. Pourtant, des échos dissonants se font jour dès qu’il s’agit de définir le modèle de dialogue : se parler pour améliorer le mode de gouvernance dans le respect de la volonté populaire ou faire admettre à un président élu la situation d’ingouvernabilité du pays ? Faudrait-il des termes de références ?
Dans la marche parfois pénible d’une démocratie, il est normal que chacun se cramponne à sa raison d’être : la majorité gouverne et l’opposition s’oppose. La limite à cette réalité réside dans l’impossibilité à s’opposer à des questions nationales. Celles-ci sont assujetties au devoir de formuler des réponses efficaces aux angoisses de citoyens confrontés aux rigueurs de leur quotidien. Tant que ce pays restera debout, droit dans ses raisons d’espérer et soucieux d’arriver à un horizon fait de progrès et de sérénité, pouvoir et opposition ne pourront négocier que le “comment être ensemble” et non le “pourquoi être ensemble”.
L’espace public a besoin d’un minimum de tolérance pour que s’y expriment les différences les plus marquées. A ce titre, « Sopi » (le changement en wolof, slogan de la majorité) peut s’approprier la philosophie « Bennoo » (unité en wolof, cri de ralliement de l’opposition) et « Bennoo » peut faire sienne l’esprit « Sopi ». Unité et changement sont le diptyque d’un Sénégal tendu vers le progrès et faisant de la bonne gouvernance le viatique immuable. L’exercice de transparence auquel le chef de l’Etat convie l’opposition, sur des questions aussi importantes que le patrimoine national et les finances publiques, en est une expression. Devant les médiats, les autorités coutumières et religieuses ainsi que les représentants du Corps diplomatique. Comme dans une agora républicaine...
Par Habib Demba FALL le Soleil