et ambitions convergentes
Idrissa Seck Macky Sall,
Destins décroisés et ambitions convergentes
Non, nul n’est indifférent politiquement à la réconciliation intervenue entre maître Abdoulaye Wade, secrétaire général du Pds et président de la République du Sénégal et Idrissa Seck.
Permettez-moi d’apporter une autre lecture de ces événements car, sachons-le bien, cette réconciliation vient de camper, et cela pour les vingt ans qui viennent, les futurs acteurs et de définir les camps qui auront à s’affronter dans l’espace politique désormais bipolaire au Sénégal.
Maître Abdoulaye Wade a complètement modifié le jeu ou l’activisme en politique depuis mars 2000.
Il a conduit, syndicats et partis d’opposition, par des attitudes manifestes de confinement, à ruiner leurs assises populaires et à perdre leurs cadres. Par la mise en place systématique d’une politique de débauchage - recrutement, il a appauvri l’effectif en personnes-ressources des partis politiques ; par la même politique, il a suscité l’émergence de nouvelles personnalités et structures syndicales, éclatant du même coup la méthode et les modes de revendication, les discours et les enjeux.
Ainsi, les nouveaux syndicats cherchent à grandir pendant que les anciens, qui se sont raidis dans leurs revendications et méthodes, se sont mis à dos l’opinion.
En ce qui concerne les partis politiques, la plupart des personnes-ressources qui ont installé ces structures, notamment le Ps et l’Afp dans les cœurs et les moindres recoins du pays, sont passées dans les prairies du Pds. Aucun de ces partis n’a trouvé le temps de remplacer ces derniers par d’autres qui avaient une égale capacité de mobilisation.
Même si le peuple dans sa majorité honnit de telles pratiques, il a tout de même suivi les déserteurs. Les Sénégalais sont devenus pragmatiques ; non pas machiavéliques mais pratiquants de la realpolitik. Dans tous les domaines, les frontières des tabous et principes moraux s’effondrent. On s’accommode même de l’interdit religieux.
Maintenant, nous sommes dans une nouvelle ère.
Les idéologies ne nous opposent plus. Seule la pratique religieuse ou la religiosité excessive, nous distingue. On s’allie à travers des éléments de proximité comme l’amitié, le voisinage, le terroir, la confrérie, et rarement par cercle philosophique, moral ou culturel.
Depuis 2000, Abdoulaye Wade a produit les deux dirigeants politiques qui auront à animer la vie démocratique de notre pays : le camp libéral avec Idrissa seck et la nouvelle gauche (communistes modérés, socialistes et des ‘libéralisants’) sous la houlette de Maky Sall.
A droite, Idrissa seck est le seul qui a eu à côté de son mentor, à se préparer plus tôt que tous les autres à le succéder. Une préparation psychologique par le traitement spécifique dont il a bénéficié à travers les différents rôles qu’il a eu à jouer : il a été second du parti, directeur de campagne électorale, directeur de cabinet et enfin, Premier ministre nonobstant les autres missions qu’il a eu à conduire pour le compte de Wade au nom du parti ou à titre privé.
Il a été plus que tous les autres mis en situation de devoir les diriger. Vous observerez qu’il a été le seul à subir les tirs groupés de tous les camps politiques et à résister durablement de sa confrontation avec Wade. Tout ceci participe de la construction, dans tous les domaines, du chef qu’il souhaite être. En outre, il a été le premier à revendiquer activement et de façon publique la succession au point de devoir en payer le prix. C’est fait.
Dès son exclusion du Pds, il s’est mis à bâtir un outil de conquête du pouvoir et sans ambages, s’est présenté à une élection présidentielle qui lui a permis de jauger sa popularité par un score national.
Ce score et le parcours du candidat resteront toujours déterminants quels que soient les vicissitudes et atermoiements au sein du Pds.
Ceux qui considèrent que le retour de Idrissa Seck au Pds est suspendu à l’avis d’un comité directeur auquel Wade ne prend pas place, font preuve d’une grande naïveté.
Le retour de l’ancien Premier ministre est arbitré et garanti par des personnes-ressources dont les plus importantes resteront pendant longtemps anonymes et insoupçonnées.
Cependant, on peut affirmer que sa base politique qui dépasse le Rewmi, s’est tout de même érodée. Mais jusqu’à quel niveau ? Tout cela en politique est un épiphénomène. Pour redresser la tendance et refaire un bond dans l’opinion, il doit, à court terme, soutenir une campagne d’explication argumentée à l’adresse du pays. Il a un devoir d’explication de sa stratégie mais pas de justification et encore moins d’explicitation du différend réel qui l’a opposé à Wade. Il y a des réponses que nous ne recevrons jamais. Un autre élément jouera en sa faveur : la rareté de candidats plus méritants dans son camp.
Il lui reste à agir sur trois espaces : son camp politique immédiat donc Rewmi, son camp d’origine et toujours recherché, le Pds et enfin le public pris globalement et sectoriellement : les jeunes, la jeunesse des banlieues, les groupes socio-professionnels, les groupes religieux, etc.
Par ailleurs, il faut s’avoir que Idrissa Seck doit aujourd’hui trouver dans l’espace politique du Pds et auprès de Wade, une station à partir de laquelle il va accéder aux informations prioritaires tant auprès du président, des ministres que des autres Institutions du pays. Cette place, à moins de la tailler sur mesure, sera double : la direction du parti et le cabinet du président.
C’est seulement à ces deux endroits qu’il pourra conduire une stratégie de reconquête de l’entier pouvoir.
Le Pds ne sera pas transmis par élection ou désignation. Il fera l’objet d’une Opa (Offre publique d’achat) et seuls Idrissa Seck et Karim Wade pourront concourir. Le premier ayant plus d’actions (en atteste son score aux dernières élections) au départ et Karim Wade pouvant récupérer les actions des petits porteurs mécontents et faire jouer son pouvoir d’influence en tant que ‘fils du roi’.
Si Seck gagne ce combat, il part avec la valise Pds mais dans cette valise, il y a la famille Wade et Karim en particulier. Ce qui fait que l’accompagnement de ce dernier est indispensable pendant la phase de conquête du pouvoir au Pds et du pays puisqu’il [Karim] n’a pas encore un parti, mais dispose d’un groupe d’influence ainsi que du poids politique de son père.
Négliger Karim Wade du vivant de son père est une faute politique. Aujourd’hui, pour avoir une bonne lecture de la vie politique au Pds comme du pays, il faut observer les mouvements et attitude de Idrissa Seck.
Mais alors, qui devra faire face au camp libéral pendant les sept ans à venir ?
En face, la recomposition du camp de l’opposition est sérieusement amorcée et un leader est né : Maky Sall.
Tous les anciens responsables politiques de l’opposition sont passés d’époque : Landing, Niass, Tanor, Bathily, Dansokho. Les assises (qui constituent, en plus du boycott, leur deuxième bêtise politique), vont purement et simplement les élargir au profit de nouvelles figures origines de la société civile.
Alors, Maky Sall qui a commencé sa vie politique à gauche et a abouti à la droite, a un état de services, un trésor qui pourraient l’aider à hisser son appareil politique au niveau des partis moyens.
Sa mission sera de rassembler cette opposition qui se trouve dans un état général de délabrement car ayant tout simplement éludé la question du renouvellement des leaders, se contentant de faire du poste de secrétaire général, une sinécure à vie.
Le camp qui sera construit sera dénommé la nouvelle gauche. Elle rassemblera tout ce qui reste de communisants, de socialisants et de déclarés libéraux . son chef indiqué est Maky Sall, mais il y a deux conditions :
Il lui faudra deux attributs : le courage et la résistance car les autres, il les a déjà : la maîtrise de soi, la compétence, l’état de services, l’appareil de conquête du pouvoir et la jeunesse.
Maky Sall a, en outre, une histoire politique naissante et complètement différente de celles de Idrissa Seck et Abdoulaye WADE : l’absence de trahison avérée et de revirement politique répétée. Il est le leader qui correspond le plus aux aspirations morales que le peuple attend de ses serviteurs en politique. Il devra en outre persuader une bonne frange de l’opposition actuelle de la franchise de sa collaboration durable. Mais est il prêt à affronter un Idrissa Seck, qui a la cinquantaine et qui a été plus longuement que lui à l’école de Wade ? Souvenez-vous de ce que Idrissa Seck a dit pendant sa conférence de presse à la maison du Pds : il a manqué de vigilance quant à la surveillance de ses relations avec Wade. Il sera un adversaire redoutable si Maky Sall reste isolé des autres forces politiques.
Attention, surveillez Djibo Kâ, car il pourrait bien assurer un arbitrage !
Ibrahima DEME