Ce que la rue donne, la rue le reprend.
Abdoulaye Wade: «Mon départ créerait un chaos pire qu’en Côte d’Ivoire»
Dans un entretien exclusif, le président sénégalais évoque pour «La Croix» les manifestations, la jeunesse, son fils, sa santé et son intention de se représenter.
ENTRETIEN
Abdoulaye Wade
Président de la République du Sénégal
LA CROIX : Comment voyez-vous le climat politique actuel du Sénégal ?
Abdoulaye Wade : Il n’est pas sain. Depuis mon élection en 2007, l’opposition a décidé publiquement de rendre le Sénégal ingouvernable. Je connais les chefs de l’opposition : ils sont marxistes ou socialistes, moi, libéral. Ils profitent des coupures d’électricité qui exaspèrent les Sénégalais pour me déstabiliser.
Pour vous, la manifestation du 23 juin était une opération de déstabilisation ?
Le 23 juin, l’opposition a profité d’une double erreur de ma part. En proposant un ticket gagnant président-vice-président pendant l’élection présidentielle, le peuple était appelé à choisir le successeur du président en cas de vacance du pouvoir. Aujourd’hui, si je disparais, c’est le président du Sénat qui me remplace et non un vice-président élu par le peuple. Je n’ai pas été compris.
De même, en voulant abaisser à 25 % le seuil à partir duquel on pouvait être élu au premier tour, je reprenais une idée de Léopold Senghor : dans un contexte de forte abstention, cette mesure assurait un seuil minimum acceptable pour être élu. Or, le risque d’abstention n’est pas aussi important. L’opposition en a profité pour essayer d’enflammer le pays le 23 juin.
Vous ne vous attendiez pas à ces troubles ?
Je n’avais jamais pensé que cette manifestation serait violente. Mon gouvernement voulait l’interdire. Je n’étais pas d’accord. J’ai fait une erreur d’appréciation. Le 19 mars, l’opposition a réuni 3 000 à 4 000 Sénégalais sur le modèle de ce qui se passait en Tunisie et en Égypte. Autant dire personne ! Mon parti a mobilisé le même jour entre 100 000 et 150 000 personnes. Le tout, dans le calme.
Je m’attendais à la même démonstration le 23 juin. Quelle fut notre surprise lorsque parmi les manifestants, un groupe a voulu pénétrer par la force dans l’Assemblée nationale ! Pire a été notre surprise le 27 juin. Des bandes organisées venues de banlieue ont cherché délibérément à saccager, piller, mettre le feu à des bâtiments publics, aux maisons de mes partisans. Du jamais-vu.
Qu’en est-il du sort de ceux qui ont été arrêtés le 23 et le 27 juin ?
Ceux qui ont été arrêtés le 23 juin ont été libérés. L’enquête sur le 27 juin n’est pas achevée. Je sais déjà qu’un membre important de l’opposition a commandité ces troubles afin de pousser la police à la bavure. En réaction au 23 et au 27 juin, des jeunes de mon parti ont voulu se venger en brûlant les maisons des opposants. Je ne l’ai pas permis.
Le printemps arabe est-il en train de se lever au Sénégal ?
Dans les pays arabes, les gens se sont mobilisés contre des dictatures. Leurs pays étaient caractérisés par l’absence de liberté. Ici, c’est l’excès de liberté qui est à l’origine de ces troubles. Cet excès permet à certains de dire et de faire n’importe quoi contre le régime.
En 2000, vous avez été soutenu par la jeunesse. Aujourd’hui, des mouvements comme « Y’en a marre » traduisent une rupture.
Mon histoire d’amour avec la jeunesse n’est pas terminée. Elle a commencé en 1988 lorsque j’étais en prison. Des jeunes gens ont manifesté pendant soixante-dix jours pour ma libération. Une fois élu, j’ai créé des emplois pour eux, j’en ai fait venir dans mon gouvernement, au Parlement.
Aujourd’hui, la jeunesse est gravement touchée par le chômage. Je vais lancer un nouveau chantier pour eux : créer 100 000 emplois pour les recalés du bac et les bacheliers sans formation. Ils vont assister les élèves du primaire en difficulté. Pour le reste, les rappeurs de « Y’en a marre » ne représentent qu’eux-mêmes. Ils n’ont rien à voir avec les jeunes de l’intérieur du pays.
Voyez-vous votre fils, Karim, comme votre successeur ?
Comme mon successeur direct, non ! C’était stupide et insultant de penser que je voulais le proposer comme candidat à la vice-présidence. Mais personne ne peut l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle après ma mort. La perspective qu’il devienne un jour président du Sénégal ne me déplaît pas. Mon fils a de grandes capacités. Personne dans l’opposition n’a la compétence économique et financière de Karim.
Selon Slate Afrique, vous avez été hospitalisé à Paris en février. Votre état de santé est-il inquiétant ?
C’est faux. Mes check-up sont très bons, merci !
Vous avez proposé à l’opposition d’avancer la date de l’élection présidentielle prévue le 26 février 2012…
Je suis prêt. Je ne suis pas trop vieux. Si je n’avais pas toute ma tête, je ne le ferais pas. C’est parce que l’opposition me demande de partir « maintenant » que je lui ai proposé une élection anticipée.
Avez-vous pensé partir « maintenant » ?
Non, car mon départ créerait au Sénégal un chaos pire qu’en Côte d’Ivoire. Qui pourrait me remplacer « maintenant » ? Personne de crédible.
Recueilli par LAURENT LARCHER
ÉLECTIONS PRESIDENTELLES DU 26 FEVRIER 2012 : Ce que la rue donne, la rue le reprend.
Elles méritent réflexion, les réactions enregistrées au lendemain, du 14 juillet 2011, à la suite du discours prononcé par Me Abdoulaye Wade répondant aux Elus qui l’ont invité à une cérémonie, aux Almadies, sous un chapiteau décoré aux couleurs ciel et or.
Après la longue journée du 23 ou tout au plus après la nuit trouble du 27 juin 2011, tous ont espéré que le président de la République s’adresserait à la nation. Mais la lecture qu’Abdoulaye Wade et son entourage ont faite de ces deux jours de remous leur a inspiré une mise en scène que l’observateur neutre doit analyser comme telle pour l’apprécier en toute objectivité.
Libre à Wade de considérer que les 23 et 27 juin 2011 ont eu lieu des manifestations de défiance fomentées contre lui et contre sa formation politique et non des mouvements spontanés qui ont extériorisé le ras-le-bol d’une population, jeune dans sa majorité, qui a crié et bougé pour que le président de la République, le gouvernement et les députés sachent qu’elle ne renoncerait jamais ni à sa souveraineté ni à la lumière.
Quand la République est hantée par l’appel du gouffre, les hommes sages ne poussent pas les foules excitées par derrière ; quand elle s’engage dans une zone d’ombre, les esprits avertis lui éclairent le chemin.
Peut-on reprocher à un homme politique d’user de la stratégie de communication qui le met à l’aise lorsqu’il tente de sortir d’une situation délicate ?
Avant le crépuscule du 23 juin, les manifestants de la Place Soweto ont obtenu satisfaction s’il est vrai que ce qu’ils cherchaient était le retrait du Projet de loi portant élection du Vice- président au suffrage universel et instituant le quart bloquant. La nuit du 27, quant à elle, fut une autre nuit d’émeutes contre les délestages et il n’existe pas un citoyen qui n’ait fustigé les actes de vandalisme perpétrés.
Wade a sans doute estimé qu’à ce moment, il n’avait rien à dire aux Sénégalais, rien, en tout cas, qui eût calmé la hargne de ceux qui réclamaient sa démission ou exigeaient sa déclaration de ne pas participer aux prochaines élections présidentielles.
Pour l’aider à quitter gaillardement de son silence troublant, ses partisans lui ont mijoté un prétexte et un cadre assez élastiques pour favoriser la confusion qui s’est installée. Répondant aux Elus qui, après tout, représentent les différentes couches sociales de la société sénégalaise, Wade a aussi parlé au peuple qui l’a porté à la tête de l’Etat en 2000 puis en 2007. Que voulez- vous ? Daq sa ganaar, waxaale sa soxla ! Il a saisi l’aubaine offerte pour rassurer la jeunesse, encourager le paysannat et aiguillonner les femmes, et surtout pour se prononcer sur des questions brûlantes sur lesquelles son point de vue était attendu.
Le cérémonial du 14 juillet, qui est le premier acte d’un ballet mûrement médité et qui s’est présenté comme un monologue à plusieurs voix, ainsi que le rassemblement prévu le 23 juillet 2011 doivent être compris comme des répliques graduées –pour ne pas dire la réponse du berger à la bergère- au soulèvement populaire du 23 juin que le pouvoir n’a point apprécié avec réalisme et humilité mais avec orgueil et rancœur.
Pourtant il est clair que les 23 orateurs ayant parlé d’une même voix, à deux exceptions près, le 14 juillet, aux Almadies, n’ont pu faire oublier que le 23 juin, seule, la voix plurielle qui scandait «Touche pas à ma constitution a triomphé». Il est aussi clair que le 23 juillet 2011 ne saura racheter le même jour du mois précédent qui, lui, est déjà gravé dans la mémoire collective à cause du symbole puissant qu’il y a érigé.
À quelques mois des élections, avant l’ouverture de la campagne électorale, quel besoin la majorité présidentielle a-t-elle de faire une démonstration de force ? Peut-être est-ce pour se rassurer elle-même, compte tenu de sa vaste désillusion au lendemain des consultations locales du 22 mars 2009.
Le 23 juillet sera un jour de dépenses et de déplacements de foules superflus au cours duquel nous assisterons au second acte d’une danse devant le miroir. Mais attention ! Les mouvements de masses, même bien encadrés, sont dangereux à une période où le peuple accumule des frustrations et agite des questions auxquelles des réponses convaincantes sont toujours attendues.
Le président de la République a promis 100 000 emplois à la jeunesse, dans un délai relativement court ; il a laissé entendre que le problème de l’électricité qui sera réglé en 2014, connaîtra une nette amélioration dès le mois de septembre prochain.
En attendant la réalisation des mesures envisagées ou les retombées des démarches pour un dialogue entamées par le Groupe des Six, le pouvoir et l’opposition ont le devoir d’adopter une attitude plus responsable que de jeter leurs troupes dans la rue. Si chacune des parties antagonistes a foi aux institutions républicaines et confiance en sa représentativité populaire, elles n’ont qu’à se contenter de mobiliser leurs militants et alliés pour qu’ils aillent s’inscrire massivement sur les listes électorales ensuite pour qu’ils se tiennent tranquilles jusqu’au 26 février 2012, car c’est à cette date seulement que l’électorat sénégalais, dans le respect du calendrier républicain, choisira, en toute liberté, celui qui présidera aux destinées du Sénégal pour un mandat de sept ans renouvelable une fois.
L’éventualité d’élections anticipées est, à mon humble avis, une parenthèse dans laquelle s’enferme qui veut. Les partis d’opposition dénués d’un programme précis à dérouler peuvent bien s’occuper à patauger dans la mare et y plonger les pattes pour chercher le pavé que Wade a jeté juste pour les distraire, pendant que ses alliés font un travail de fourmi. Dans le même ordre d’idées, on nous rabâche que Wade avait prétendu qu’il avait verrouillé la Constitution et qu’il ne pourrait pas briguer un autre mandat. Or, le 14 juillet, à l’occasion de son discours en wolof, l’intéressé lance, sans état d’âme : «Ma waxoon, waxet !»
Nul besoin de philosopher sur la politique qui est amorale - je ne dis point immorale -, pour admettre que celui qui croit sur parole son adversaire quand il lui dévoile son talon d’Achille mérite bien d’être roulé dans la farine !
Wade a réussi à exclure de l’Assemblée Nationale l’opposition dite significative en l’incitant habilement au boycott des élections législatives du 03 juin 2007. Il ne cédera pas facilement le fauteuil présidentiel à l’un de ses adversaires vieillissants qu’il compte emporter dans sa retraite inéluctable mais non encore à l’ordre du jour.
En vérité sur quoi certains se fondent-ils pour soutenir que la candidature de Wade aux élections du 26 février 2012 est irrecevable ? Son âge. La Constitution ne contient pas une disposition fixant la limite d’âge des candidats à la magistrature suprême. Sa déclaration antérieure. Elle n’a aucune valeur juridique et son auteur s’est dédit. La Constitution elle-même. Puisque le pouvoir interprète ses dispositions en sa faveur et l’opposition fait de même, les deux parties doivent attendre que le Conseil Constitutionnel les départage.
Ceux qui rapprochent le Sénégal de la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo semblent oublier que ce pays est celui des juges Kéba Mbaye et Babacar Sèye. Le premier a démissionné alors que le second est tombé sous les balles d’obscurs assassins, à la veille de la proclamation des résultats définitifs des élections présidentielles de 1993. Ayons, jusqu’à preuve du contraire, un préjugé favorable sur les autorités placées à la tête de nos institutions.
Wade affirme sa volonté de se présenter aux élections présidentielles de 2012. Que doit faire l’opposition ? En attendant la décision du Conseil Constitutionnel, se retrousser les manches, se ceindre les reins comme un seul et vaillant homme ! Macky Sall, Président de l’Alliance Pour la République (Apr) a vite compris cela qui investit le terrain et prend des initiatives louables qui rehaussent son image de leader plein de promesses.
Si le débat politique, en perspective des consultations du 26 février 2012, tire en longueur et piétine sur le détail de la candidature de Me Abdoulaye Wade, c’est parce que celui-ci semble être un obstacle majeur sur le chemin d’une opposition regroupée mais non unie et au sein de laquelle ne s’exhausse aucune personnalité à la hauteur du Pape du Sopi.
De toute façon, si elle persiste dans l’expectative, l’opposition risque d’être surprise par les échéances électorales qui se rapprochent au fil des jours, des semaines et des mois au cours desquels elle ne fait que tourner en rond, sa Charte de gouvernance démocratique sous l’aisselle, sans poser un acte concret qui préfigure un possible candidat rassurant pour une alternance à la magistrature suprême.
Aujourd’hui, la réalité qui saute aux yeux, sur la lice politique, est que, même s’il est vieux, c’est Wade qui capte l’attention, en dehors de quelques jeunes leaders que les populations laisseront un peu vieillir avant de leur confier le destin de la nation, en raison de leur enracinement dans une culture qui ne fait point de l’âge avancé un handicap rédhibitoire. C’est donc Wade dont la silhouette se détache comme celle d’un baobab au milieu de la brousse. Si l’opposition significative désignait son ou ses candidats aux élections présidentielles du 26 février 2012, cela mettrait tout le monde à l’aise, cela permettrait surtout au pays de se reposer des rassemblements sans enjeu ni lendemain qui nous empêchent de dormir sur nos deux oreilles et nous font trembler pour l’avenir.
L’avenir ? Rien ne présage des élections présidentielles anticipées, répétons- le. Cependant, il faut bien retenir que le président de la République, en vertu des dispositions de la Constitution, peut, avant la clôture des dépôts de candidature à l’élection présidentielle du 26 février 2012, nommer un vice-président. Ensuite… Laissons aux joueurs le loisir de faire des simulations.
Abdoulaye Wade, ce diable d’homme de 85 ans et mille tours dans son sac de routier de la politique qui a prévu que son parti dirigera le Sénégal pendant 50 ans est peut-être un épouvantail dressé au cœur du champ des libéraux. Pendant que l’opposition s’émeut de ses entrechats et de ses boutades , ces derniers ne préparent-ils pas le candidat de la relève qui n’est pas caché, puisqu’il est en train de jouer à merveille sa partition dans l’œuvre de divertissement et de fourvoiement d’une adversité pusillanime qui attend que le peuple, dans un mouvement de révolte, aille arracher le pouvoir pour le remettre …à qui ?
De la même façon qu’ils ont tergiversé avant de trouver un remplaçant consensuel au défunt Maire de la ville de Guédiawaye, Chérif Macky Sall, les partis regroupés au sein de Bennoo tardent à désigner, parmi leurs leaders, un ou plusieurs candidats aux élections du 26 février 2012. «Wade doit partir, dîtes-vous ? Eh bien, montrez-nous celui qui va le remplacer», entend-on de plus en plus à travers le pays. Car la sagesse populaire veut qu’avant de se dénuder, une personne dotée de raison ait un boubou neuf prêt à porter.
Ceux qui préjugent mal sur la décision du Conseil Constitutionnel et menacent le pays d’un Printemps africain manquent de mesure. D’abord, le printemps est une saison d’ailleurs. Ensuite, les conséquences de ce qu’on appelle «le Printemps arabe» constituent une leçon qui passe de commentaire. La Tunisie et l’Egypte sont toujours secouées de troubles alarmants. Dans ces pays où prospère l’anarchie, la stabilité n’est pas pour demain. Ce que la rue donne, la rue le reprend. Car la rue n’a de règle que son humeur vagabonde, instable et destructrice. La Société civile ne doit pas perdre de vue cela. Depuis le 23 juin 2011, elle se laisse entraîner au-delà de son rôle de contre-pouvoir et de sa mission régulatrice. Elle prend position non plus en dehors mais, de plus en plus, à l’intérieur et même à l’avant-garde d’un mouvement circonstanciel copié et regroupant, entre autres structures, des partis politiques qui ne se cachent pas. Au Maroc, le Mouvement du 20 Février ne s’est pas enfermé dans des revendications radicales et a laissé toute latitude au pouvoir quant au calendrier de mise en route des réformes souhaitées.
Méfions-nous de la pression de la rue. Si les vandales et autres prédateurs se mêlent à la danse, c’est parce que les portes de la rue leur sont ouvertes avec le couvert des foules sans visage.
Quoi qu’il arrive, veillons à ce que le prochain président de la République du Sénégal, qui qu’il soit, demeure celui que les urnes nous auront donné, au sortir de consultations démocratiques et pacifiques, le 26 février 2012. Pas un individu (ni un groupe) dont la rue aura accouché dans les cris, la poussière, la fumée, les larmes et le sang.
Marouba FALL
Marouba_fall@yahoo.fr
fallafall50@yahoo.fr
APPEL A ABDOULAYE WADE, A L'OPPOSITION ET AU PEUPLE
SENEGALAIS ( TALLA SYLLA )
Extrait d'une interview accordée à un quotidien sénégalais en août 2008: "Les Sénégalais ne sont pas passifs. Ne confondons pas un peuple silencieux avec un peuple qui se tait. Le 21 octobre 2007, les marchands ambulants ont fait trembler le «trône». D’autres fractions de la population sont capables de soulèvements plus importants. C’est un peuple pacifique et patient. Mais quand la terre tremblera sous les pieds de ces apprentis dictateurs, ils perdront leur suffisance et leur arrogance et ne devront leur salut qu’à la magnanimité légendaire du peuple sénégalais."
Jamais je n’ai autant souffert, pour mon pays, d’avoir vu juste et jamais je ne serai plus heureux d’avoir tort pour les manifestations à venir du 23 juillet et leurs conséquences.
Déjà reconnaissons sans ambages que le film des évènements du 23 juin a dépassé toutes les fictions imaginables et que j’ai attendu ce réveil brutal du peuple en d’autres circonstances avant de constater que le peuple avait d’autres préoccupations.
Comme beaucoup, je suis surpris par ce mouvement sans précédent et éminemment salutaire.
Toutefois, il me semble que nous ne sommes pas nombreux, après l’effet surprise, à essayer de comprendre les causes de ce tsunami qui à emporté sur son passage bien de nos certitudes, mais aussi et surtout de déterminer les conséquences directes et indirectes de la déferlante sur notre façon de concevoir et de faire la politique.
C’est donc l’urgence et la gravité du risque encouru par notre pays qui me poussent à suspendre cette réflexion pour livrer, non pas une analyse profonde mais le sentiment et la crainte qui m’animent et lancer un appel à Abdoulaye Wade, à l’opposition et au peuple sénégalais.
D’abord, à Abdoulaye Wade Président de la République du Sénégal je voudrais rappeler qu’il ne doit son inconfort face aux velléités d’une jeunesse avide de justice et de changement que parce qu’il semble avoir oublié sa propre histoire.
En effet, l’audace et le culot d’une jeunesse qui, les yeux dans les yeux, balance à la figure de son gouvernement et de ses élus le fameux « y en a marre » qui fait si peur ne sont, à mon avis, pas différents de l’aplomb et du courage qu’il a fallu, en 1974, pour lancer le SOPI et engager l’adversité contre un monstre politique de la trempe de Léopold S. Senghor.
Toutes proportions gardées, le toupet et la détermination des jeunes qui lui valent des nuits blanches sont l’exacte réplique du mouvement qu’il a fait naitre en marge du PDS et qui, devenant plus fort que ce dernier a fini par le porter au pouvoir.
Y en marre est une version plus brutale de dire stop et de réclamer le changement.
Autres temps, autres mœurs. Notre jeunesse ne s’embarrasse pas de fioritures pour dire sa conviction et il ne sert à rien de se jeter, tête baissée, dans un conflit de générations que l’usure du temps fait perdre aux vieux.
Je croyais qu’il avait compris que, du moins dans notre pays, un mouvement légitime porté par un slogan vrai fédère plus et mieux que n’importe quelle structure politique vouée, par son fonctionnement nécessairement clanique, à diviser plutôt qu’à unir.
En décidant de rameuter ses troupes le 23 juillet, soit un mois jour pour jour après le camouflet du 23 juin, Abdoulaye Wade donne l’impression du boxeur groggy, dans les cordes et qui crie faiblement son envie d’en découdre devant un arbitre bienveillant qui lui conseille de se rasseoir.
Si Abdoulaye Wade pense qu’il doit démontrer à l’opposition que ses capacités de mobilisation sont intactes et qu’il rassemble encore plus que tous ses adversaires politiques, c’est qu’il se trompe d’interlocuteur. Puisqu’il a eu maille à partir avec le peuple et non avec l’une quelconque des organisations qui s’activent autour de la question politique.
Si, tout en sachant que son interlocuteur c’est le peuple, il pense devoir prouver à son peuple que sa popularité lui permet de se passer de l’avis de celui-ci, il se trompe de combat et va vers une cruelle désillusion.
L’un ou l’autre cas ne sont que les divagations inutiles d’une cécité ou d’une démence politiques.
Rien ne me semble répondre à la question posée par le peuple le 23 juin dans l’organisation d’un rassemblement d’envergure le 23 juillet 2011, sauf à montrer les crocs et bander des muscles bien ankylosés.
Vous, votre gouvernement et votre PDS, avez besoin de démontrer davantage de modestie en mettant plus de conviction et de sincérité dans vos rapports avec le peuple et en lui assurant que ses préoccupations sont également les vôtres.
La surenchère de l’arrogance peut appeler la violence et il n’est pas souhaitable que l’Institution dont vous exercez les charges soit à la tête d’une manifestation provocatrice dans ce contexte délétère.
Monsieur le Président de la République, vous devez à ce peuple qui a choisi les incertitudes du changement en vous confiant les clés de sa République, la quête permanente de la paix sociale et l’effort permanent pour un mieux être économique.
Votre adversaire depuis le 23 juin n’est pas l’opposition. C’est le peuple que vous avez en face de vous et il vous appartient de le rejoindre ou de l’affronter.
Votre round avec les marchands ambulants peut, à ce titre, servir de leçon pour qui sait méditer et tirer profit de son expérience.
Je vous appelle solennellement à ne pas installer un chaos qui vous emporterait et avec vous le petit peuple qui sert de chair à canon à nos querelles nombrilistes.
Arrêtez de grâce les grimaces et autres facéties de l’expert en politique et prenez à bras le corps les questions délicates du pays et vous aurez économisé et gagné du temps.
Vous êtes encore le garant de cette stabilité sociale, protégez là et vous en sortirez grandi.
Ensuite, à l’opposition dans les rangs de laquelle j’inscris mon action, je veux dire qu’il ne faut pas changer une méthode que nous avons mis si longtemps à trouver et apprivoiser.
En effet, depuis le début de l’ère SOPI nous avons subi la verve et la malice de Abdoulaye Wade qui s’est amusé à nous trouver notre propre ordre du jour en nous obligeant tel un petit écolier à aller au tableau pour réagir à la question qu’il a choisi de poser.
Depuis quelques semaines nous sommes sortis de l’improductivité de la réaction pour instaurer la méthode de l’action.
Nous avons tous constaté que Abdoulaye Wade n’est pas à l’aise dans cet exercice et qu’il préfère mener les débats, à sa main.
En décidant de manifestations à la date qu’il a choisie pour parader nous ne faisons que pasticher quelqu’un qui ne sait plus où donner de la tête puisqu’il est lui-même dans la réaction.
N’était-ce pas une formidable occasion pour organiser une journée d’inscription ou de retrait en masse des cartes d’identité nationale ou de celles d’électeur ?
Les manifestations du 23 juin 2011 devaient nous renseigner sur un changement en profondeur de la donne politique au Sénégal.
En effet, le peuple a décidé de s’opposer à un projet de loi qui « retouchait » la Constitution selon les intérêts bien sentis du Président de la République en se présentant directement aux portes de l’Assemblée Nationale pour crier ab imo pectore son désaccord.
A aucun moment les manifestants n’ont souhaité ou même invoqué le soutien des dirigeants politiques alors que les historiques de notre pays étaient à leurs cotés.
Respectons ce choix et ne cédons pas à la facilité et à la tentation de vouloir les récupérer.
La seule façon de marcher à leur cotés est de faire nôtre leur combat qui n’est ni partisan ni intéressé avec humilité et enthousiasme.
Nous sommes, tous, hors jeu pour n’avoir su inscrire à notre ordre du jour que des batailles sur des questions menaçant nos intentions de conquérir et d’exercer un pouvoir au plus vite.
La vraie Politique se moque de la politique selon l’entendement des politiciens.
La vraie politique est dans les chaumières délestées d’électricité, dans les marmites vides qui cuisent au feu, dans les salles de classe vidées par la grève, dans les champs qui attendent semences et engrais, dans les quartiers inondées d’eaux et de jeunes désœuvrés…
Il ne me semble pas judicieux de suivre Abdoulaye Wade dans la parade du cygne dont le dernier chant retentit dans chacun des actes qu’il pose puisque le parti majoritaire, au Sénégal, est celui des citoyens qui ne militent dans aucun parti autre que celui de leur travail et de leurs familles.
Ce sont ceux-là qui éliront le Président et pas des militants bariolés qui jouent, le temps d’une après-midi, la ronde des troubadours laissés au soleil pour applaudir de belles déclarations qui ne leur sont pas destinées car on ne prêche pas un convaincu.
A cela s’ajoute le risque de voir les rangs de l’opposition infiltrés par des intrus mal intentionnés pour inscrire à son passif tout débordement ou destruction de biens publics et privés.
A défaut de renoncer à cette manifestation suscitée il faut rassurer ceux qui même terrés chez eux auront la psychose des agressions et des actes de vandalisme et vous assurer que ceux qui manifestent portent des revendications pacifiques.
Nous devons comme Abdoulaye Wade préserver notre pays du scénario catastrophe annoncé par tous les chroniqueurs politiques et qui ferait de l’exception sénégalaise un vieux souvenir de la démocratie à l’Africaine.
Ma conviction est que ni Abdoulaye Wade et ses affidés, ni même la victoire à la prochaine élection présidentielle ne valent de menacer cet équilibre précaire qui défie guerres civiles et coups d’états qui ont fini d’élire domicile dans les jeunes républiques africaines.
Parlons au peuple, parlons du peuple et préparons nous aux prochains combats qu’il va mener et nous serons enfin des hommes politiques au sens si rarement noble, de nos jours.
Enfin au peuple sénégalais, civils et forces de l’ordre, j’appelle à la responsabilité.
Vous savez maintenant, pour l’avoir démontré, qu’il n’en va pas des hommes comme des animaux et cet acquis est irréversible.
Si les derniers se font mener à la baguette par un berger qui les devance, les premiers ont besoin d’un guide qui les suit et les écoute.
Le combat pour la Démocratie et le respect de la Constitution postule l’existence d’une République et le respect de ses valeurs.
Il n’y a pas une issue dans la violence, le refus de la différence et le bâillonnement de son adversaire.
Je félicite ceux qui avaient déjà compris que le round du 23 juin a été gagné dès le retrait de la loi illégale de Abdoulaye Wade.
Le combat continue et il requiert du peuple les qualités d’une sentinelle qui veille, debout.
Il s’agit de comprendre que la paix sociale de notre pays si imperceptible puisque nous ne connaissons que cette situation, n’a pas de prix.
De même que la bonne santé est un état dont on ne se rend compte qu’une fois malade, la valeur de la stabilité sociale ne s’apprécie que lorsque la violence et l’insécurité s’installent.
Le combat qu’il faut mener consiste à rendre la République au citoyen et cela exige de ce dernier un civisme sans faille.
Je vous y invite et vous exhorte à ne servir de combustible ni pour un camp ni pour un autre.
Battez vous pour vos convictions et ne laissez personne vous divertir ou pervertir la noblesse de votre combat.
Ni le pouvoir, ni l’opposition ne doivent se servir de vous comme bouc émissaire pour durcir un combat ou attiser la violence.
Il n’y a, à mon avis aucune raison de dire à Abdoulaye Wade quelle heure il est ; laissez le danser il tombera d'épuisement.
Le 21 juillet 2011
Talla SYLLA
Au nom du Clergé catholique, du mouvement hip hop, et du…peuple
Depuis quelque temps, ce pays naguère chanté pour sa stabilité et sa démocratie, vogue en eaux troubles par la faute de gens sans foi ni loi. Encouragés par le silence coupable et complice de marabouts et autres prétendus dignitaires, ils se croient tout permis, jusqu’au pouvoir de tuer en toute «légitimité». Je suis déçu par Wade qui a banalisé la fonction de ministre. Hélas oui, il n’y a que sous son pouvoir que des moins que rien ont eu comme premier emploi la fonction de ministre. De Balla Gaye au campus à Malick Bâ à Sangalkam, en passant par des bébés qui seraient morts dans des structures hospitalières faute d’électricité, que de terreur, d’arrogance, désolation et précarisation.
Comme si c’était hier, je les revois encore, ces vautours militant aux côtés de Abdou Diouf, le déifiant et combattre Wade en le taxant de tous les noms d’oiseaux.
Comme si c’était hier, je revois ces milliers de jeunes juchés sur des motos, la boule à zéro, bretelles fièrement ajustées, converger vers la demeure de Wade fraîchement élu, c’était en 2000. Tous les rêves étaient permis, car l’espoir venait d’être ressuscité ; la démocratie avait gagné.
Onze ans après, que reste t-il de tout cela ?
Le Sénégal est devenu la huitième merveille du monde, comme me le dit souvent un ami super ironique, car il n’y a que dans ce pays et sous Gorgui qu’on voit les incongruités les plus inimaginables. Eh oui, le Président le plus diplômé d’Afrique et même du monde, le plus intelligent de Dakar au Cap et de Paris à Barsakh, je veux nommer Duncan Mac Léod, l’immortel, l’intemporel et l’extratemporel, pour ceux qui ne veulent pas comprendre, ne cherchez pas loin, c’est de Wade que je veux parler.
Tout va très bien dans ce pays, tout nice quoi : les salaires sont payés à temps et couvrent parfaitement les besoins des travailleurs, l’emploi est là à gogo, le taux de chômage est à zéro, les paysans sont contents, les denrées alimentaires de base suffisants, zéro délestage, inondations zéro, liberté d’expression nickel. Bref, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
Que dire de ces gros transhumants, aujourd’hui Baye Fall de Père Duncan ? Comment regardent-ils leurs propres enfants qui, hier, les voyaient s’égosiller pour Njol ?
Silence coupable, assourdissant et bruyant. Marabouts, chefs religieux, réveillez vous, sortez de votre mutisme et sonnez la fin de la récréation, car vous avez votre part de responsabilité. Pensez à vos compatriotes et à leurs souffrances quotidiennes, car c’est Dieu qui vous a investi de cette tâche. Votre «démission» est suspecte, elle ne saurait s’expliquer par la seule volonté de se détourner des choses temporelles. Une candidature illégale et illégitime, une volonté de transmettre le pouvoir à son fils, plus de deuxième tour à la Présidentielle de 2012 (si élection il y a), les Chantiers de Thiès (cette nébuleuse à jamais), la mallette de Ségura, la loi Ezzan, la gestion des ordures ménagères, l’arrogance, du youza et du raass à l’Assemblée nationale, le naufrage du Joola, des réunions du Comité directeur du Pds au palais de la République, des torches humaines devant les grilles du Palais, des militaires invalides bastonnés par leurs propres frères d’armes, la boulimie foncière, l’électricité, le monument de la Renaissance africaine, l’Anoci, des populations dans les eaux depuis dix ans, le Fesman, des journalistes et reporters bastonnés en toute impunité, des entreprises et usines qui ferment, des cuillères à 30 000 Frs,… et j’en passe, tels sont les quelques éléments constitutifs et non-exhaustifs de la merveilleuse et huitième merveille qu’est devenu le Sénégal de Mame Abdoulaye Duncan Mac Léod Wade.
La réaction du peuple le 23 juin dernier, n’est qu’un petit signal destiné aux tenants du pouvoir mais, aussi à tous les hommes politiques. Prenez le temps de la lire, de l’interpréter et de la comprendre. Pour vous, Duncan et ses affidés, comprenez que c’est fini, le peuple en a assez. Y’en a marre de vos arrogances, détournements, boulimie foncière, casseroles et cuillères de toutes sortes, etc.
La seule éclaircie nous vient de l’Eglise et du Rap. Oui ce sont les deux seuls segments qui veillent, alertent et dénoncent quand il le faut. S’il vous plaît, continuer à entretenir l’espoir et à penser au peuple. Heureusement aussi, la danse qui fait fureur s’appelle «Boul ko laal, boul ko djégué», en termes clairs, Touche pas à ma Constitution !
Dommage, courant coupétina….
Abdoul Aziz NDIAYE - Citoyen vraiment déçu - Front de Terre - Dakar