sur fond de
CONTRIBUTION LEGISLATIVES SUR FOND DE COMPLOT INSTITUTIONNEL
Article Par Abdoulaye BADIANE, Professeur d’Economie au L.S.L.L,,
Paru le Mercredi 30 Mai 2007
La campagne électorale pour les législatives s’achève comme elle a commencé, dans la monotonie et la morosité. Ses animateurs ont déroulé sans conviction pendant deux longues semaines réalisations mirobolantes et promesses chimériques dans l’indifférence totale de populations démotivées, ankylosées et dégoûtées par une pratique politique opportuniste, hypocrite, mensongère et de traîtrise. Pourtant, le contexte mérite attention. Le Sénégal se trouve dans une période de transition politique incontournable qui donne à l’événement un enjeu particulier. Certains signes ne trompent pas : - Au sortir des élections présidentielles, le chef de l’Etat a abordé la question de sa succession en raisonnant par élimination. Et écarter, c’est choisir ; un fils biologique ou d’adoption, peu importe. C’est psychologiquement compréhensible mais moralement inacceptable. Arriver au pouvoir à 74 ans ne donne pas beaucoup de marge à un homme qui rêve de l’exercer sur plus de 50 ans, à moins de s’incarner au fils pour prolonger son œuvre. Seulement, s’il est donné au chef de famille le droit de faire de son fils l’héritier de ses biens ou celui de lui tracer un plan de carrière professionnelle, il n’est pas donné à un chef d’Etat, le droit de dégager pour son fils une voie d’accès au pouvoir. Le choix d’un président de la République relève de la seule souveraineté du peuple,
- Des comités de soutien à Karim WADE et à la Génération du Concret naissent un peu partout y compris dans les établissements scolaires. Ce n’est pas le fait du hasard ; un mouvement plus organisé est derrière, l’anime et l’oriente : il n’y a pas de fumée sans feu,
- Le Sénat vient d’être ramené dans la précipitation, par une Assemblée nationale en fin de mandat avec une nouveauté qui lui donne l’allure d’un dispositif institutionnel pour les besoins de la succession. Son président qui sera certainement issu de la majorité nommée par le chef de l’Etat devient la 2ème personnalité de l’Etat et peut se retrouver à la magistrature suprême par accident de l’histoire ; le temps d’organiser des élections, dira-t-on. Mais des élections qu’on peut repousser en invoquant une situation exceptionnelle, pour les préparer et les gagner.
Nous avons un système de démocratie représentative rouillée où la souveraineté populaire peut être confisquée. Théoriquement, le peuple choisit par et pour lui ses représentants à l’Assemblée nationale mais c’est pour donner à une petite minorité d’élus le droit de légaliser à son nom et contre sa volonté, des actes arbitraires et partisans. Mars 2000. Le candidat Abdoulaye WADE promet une cure d’amaigrissement d’un Etat budgétivore et obèse pour mieux porter secours à une population malingre et squelettique de misère et de pauvreté, en état de perfusion. Il est plébiscité. Un premier acte est posé : une réforme constitutionnelle réduit le nombre de députés à 120, supprime le Conseil Economique et Social (C.E.S) et le Sénat. C’est la liesse populaire. La satisfaction et l’enthousiasme se lisent sur tous les visages qui seront par la suite crispés par l’inquiétude et la déception. Au cours de leurs six années de mandat dont la dernière ajoutée par et pour eux, les députés vont fouler au pied dans l’ingratitude totale, les aspirations profondes du peuple exprimées dans un vote massif de souveraineté et de citoyenneté retrouvées. Contre son gré, le Conseil de la République pour les Affaires Economiques et Sociales (C.R.A.E.S) est créé avec 100 membres et maintenant 120, le nombre de députés porté à 150 et le Sénat ressuscité.
Délégataires du pouvoir populaire, ils le transmettent à l’exécutif et se soumettent au chef de l’Etat qui concentre entre ses mains tous les pouvoirs. Par reconnaissance et loyauté envers le Chef du Parti, distributeur de sinécure. Un peuple pris en otage, dépouillé et ligoté est livré à un homme omnipotent et bancal qui l’enferme dans une poudrière bourrée d’explosifs : des discriminations politique, socio-professionnelle, confrérique et territoriale dont l’issue est imprévisible. Le front politique et syndical est en ébullition, des jeunes talibés layennes de Cambéréne lui ont récemment craché leur colère en dénonçant sa partialité, Podor et Mbour manifestent leur frustration après l’érection de Sédhiou, Kédougou et Kaffrine en régions. Jusqu’où cela peut-il mener ? L’avenir est lourd de menaces.
Lors du lancement des travaux de la Grande Mosquée mouride, le Chef de l’Etat est intronisé 1er Mouride du Sénégal par le Cheikh Béthio THIOUNE qui déclare être totalement en phase avec Serigne Saliou MBACKE dans tous ses faits et gestes. Et si en toute conséquence logique le khalife général nommait Abdoulaye WADE comme Cheikh ? Ce dernier étant contre le cumul de fonctions, démissionnerait sûrement devant une population soulagée mais reconnaissante qui lui offrirait en guise de cadeaux d’adieu, tout son stock de bougies, de charbons de bois, de quinkéliba et de farine de mil, pour se concentrer sur un feuilleton rocambolesque autour d’un fauteuil interprété par ses deux chambres sous le regard admiratif du jury des Oscars : Le Conseil Constitutionnel. Silence, on tourne.