Une candidature de trop, qui indispose et aga
Nous n’avons rien contre Idrissa Seck
Les retrouvailles entre Wade et Idy, annoncées depuis le 12 janvier 2008 et concrétisées ce 4 novembre 2009 à Thiès, à l’occasion de la cérémonie de remise du premier bus de la deuxième phase du programme de renouvellement du parc de transport urbain, sont mal appréciées. Certaines mauvaises langues continuent de baver parce que le retour d’Idy fait bien trembler. C’est une belle revanche contre ses détracteurs libéraux, une menace pour les ambitions présidentielles d’une opposition en mal d’unité et un démenti formel contre une certaine presse qui avait annoncé l’impossibilité de retrouvailles entre Wade et Idy et qui, aujourd’hui, rappelle les épisodes de ‘Lui et Moi’ pour juste leur séance de masturbation intellectuelle.
Dans la brouille qui a opposé les deux hommes politiques, s’il y a eu ‘entorse à l’orthodoxie républicaine’, pour reprendre une expression du journaliste politologue Babacar Justin Ndiaye, il faut demander des comptes au seul maître du jeu. On se rappelle le traitement calamiteux des chantiers de Thiès : ’Le lundi, c’est un crime économique qui est perpétré par Idy ; le mardi, c’est un roman politico-judiciaire qui est lu aux citoyens’. Et jusqu’ici, les faits et décisions de justice ont donné raison à Idrissa Seck, qui n’a jamais varié dans ses propos et qui a toujours réclamé son appartenance à la famille libérale, qu’il n’a jamais quittée, d’ailleurs. Ces déclarations et propos discourtois de jadis sont compréhensibles : on avait mobilisé tout l’appareil politico-judiciaire contre lui ; il avait été envoyé en prison injustement, traité comme un malfrat, dans des conditions inhumaines. Meurtri et acculé, à sa sortie de prison, Idy n’avait d’autre choix que de se défendre et faire face à ses détracteurs qui, aujourd’hui, la mort dans l’âme, vont devoir suivre. La création de Rewmi, son score honorable aux élections présidentielles de 2007 prouvent à suffisance que l’homme ne manque pas de qualités. Quant à sa moralité, elle relève du domaine privé. Ma conviction est que, quoiqu’en pense Jean Jacques Rousseau, le jugement moral ne peut qu’être individuel, le jugement sur la politique, nécessairement collectif, doit privilégier la mesure de l’efficacité.
Idy n’est pas un ‘Mazarin loupé’, ni un tortueux ‘formé à la stratégie des coups tordus et des grands reniements’, mais juste un homme politique, un homme d’action, dois-je dire. Et l’action politique requiert, de celui qui l’entreprend, une aptitude, parfois une habileté à saisir les opportunités qu’offrent les circonstances. Ce que personne ne va nier, c’est que le pouvoir échoit à celui qui est parvenu à créer les circonstances pour l’obtenir et, à l’inverse, échappe à celui qui ne l’a pas compris. Et on peut ajouter à cet enseignement de Machiavel, pas du tout machiavélique, que la politique n’a pas pour tâche la réforme morale de l’humanité, ni pour mission de rendre l’homme bon. Très souvent même, l’hypocrisie est dans le camp des professeurs de vertu, des donneurs de leçons.
C’est une remarque de Jean Michel Ducomte qui, dans son essai : Conseils philosophiques aux hommes politiques et à ceux qui les élisent, attire l’attention sur les pièges de la vertu. Cet avocat et enseignant à l’Institut des études politiques de Toulouse, contre le despotisme de la vertu, rappelait que ’l’histoire est pleine de drames engendrés par la volonté de faire le bien au nom des principes de la morale, religieuse et sécularisée’. En outre, s’interrogeant sur la vertu en politique, Montesquieu rappelait : ’Ce que j’appelle la vertu dans la république est l’amour de la patrie, c'est-à-dire l’amour de l’égalité. Ce n’est point une vertu morale, ni une vertu chrétienne, c’est une vertu politique.’ Il n’y a point donc de cynisme et d’immoralisme dans les actes que le maire de Thiès a eu à poser.
Nous, qui sommes engagés en politique grâce à ce disciple éclairé, n’avons rien à lui reprocher ; nous attendons juste qu’on lui donne les pleins pouvoirs pour qu’il rectifie, pendant qu’il est encore temps, les erreurs du maître abusé. Nous osons espérer, d’ailleurs, que d’ici 2012, la sagesse, avec la nature aidant, va amener Wade à comprendre qu’il a fait son temps, qu’il doit renoncer à sa candidature et partir. Une candidature de trop, qui indispose et agace.
Bira SALL Quartier Ndoutt Tivaouane Professeur de Philosophie au Lycée de Thiaroye sallbira@yahoo.fr