Présidentielle anticipée
Présidentielle anticipée : Savoir partir
Election présidentielle anticipée en 2010 ou 2011, sans la participation du président actuel ? Question très sérieuse qui mérite qu’on y réfléchisse longuement et froidement, sans parti pris ni complaisance. Déjà, de l’avis de bon nombre d’observateurs politiques parmi lesquels des Wadistes purs et durs, un tel scénario aurait été une voie de sortie plus qu’honorable pour un grand Monsieur comme Me Abdoulaye Wade, un homme remarquable qui a marqué son époque tant par un parcours politique historique que par son exercice du pouvoir en tant que chef d’Etat phénoménal. En un mot, un homme qui n’a plus rien à prouver au monde. Et quand on se penche sur ces deux étapes de la vie de ce grand intellectuel doublé d’un génie politique exceptionnel, on ne peut que lui souhaiter une retraite paisible qui laisserait à la postérité une référence exemplaire que l’on citera aux générations futures.
Certes, l’on sait parfaitement que le point de vue émis ci-dessus ne peut guère enchanter ou recueillir un assentiment auprès de cette poignée de fidèles et toute cette horde d’opportunistes qui l’entourent et se bousculent dans son sillage au seules fins de profiter des généreuses prébendes occasionnées par l’avènement de l’alternance, mais force est de reconnaître aujourd’hui que ça ne va plus et que ça ne peut pas durer : malgré tous ces lauriers que ne cessent de lui tresser les laudateurs, la plus grande partie de l’opinion nationale (voire internationale) n’est plus aussi favorable au chef de l’Etat sénégalais qu’elle ne l’était au début de son accession au pouvoir.
Et pourtant, au départ en l’an 2000, tous les espoirs étaient permis avec ce grand universitaire qui avait déjà convaincu avec ses écrits, ses conférences, l’intervention de son cabinet de consultance dans le redressement économique de certains pays africains, etc., mais après ces neuf dernières années d’alternance, l’espoir s’est transformé en désillusion. Car plus que le défunt régime socialiste, le libéralisme du parti au pouvoir s’est plutôt illustré dans une gabegie et un népotisme qui sont allés crescendo avec les changements quelquefois mal inspirés des multiples gouvernements qui se sont succédé.
Aussi, quand la presse, appuyée par l’opposition et certains écrivains, s’est-elle saisie de cette situation pour dénoncer et critiquer certaines décisions et comportements, l’opinion publique n’a pas pu s’empêcher de se ranger à ses côtés. D’autant plus que, du reste, les réactions de ceux qui s’évertuaient à défendre les mis en cause se sont révélées si puériles, si fragiles et si injustes qu’elles n’ont pu convaincre personne. Au contraire, elles ont plutôt exaspéré, ce qui explique la colère actuelle d’une bonne partie de l’opinion nationale qui se montre de plus en plus amère aussi bien à travers les médias qu’à travers tous les lieux publics rassemblant ces innombrables oisifs, chômeurs ou retraités. Et c’est justement sur ce dernier propos qu’il convient d’insister pour attirer l’attention des responsables du système actuel sur la gravité de certaines déclarations et comportements qui frisent la provocation. Car, à force de chercher à légitimer des inepties un peu trop criardes pour être admissibles, ils finiront tôt ou tard par inciter leurs mandants à la rébellion. Donc plutôt que d’encourager le chef à adopter des attitudes dictatoriales faites de paternalisme et de favoritisme, ils devraient surtout l’inviter au réalisme. A la limite, l’on peut considérer ceux qui se blottissent derrière un vieil homme pour satisfaire leurs appétits de politiciens qui ne se soucient guère des intérêts supérieurs de la nation et d’une image respectable de notre naguère grand pays africain comme des apatrides.
De nos jours, beaucoup de Sénégalais meurtris par cette catégorie d’opportunistes se désolent de les entendre se barricader derrière l’argument selon lequel le vieux est sain d’esprit et se porte comme un charme. Mais même s’il n’est pas permis d’en douter, l’on devrait se référer au Saint Coran qui est la parole du bon Dieu (puisque nous nous targuons d’être de bons musulmans) pour dire que notre Créateur a clairement averti l’être humain en lui signifiant ‘qu’Il l’a créé faible, puis lui a donné la force, ensuite Il l’a réduit à la faiblesse et à la vieillesse’. (Sourate Ar-Rûm, verset 54). En d’autres termes de bébé, l’homme passe à l’enfance, à l’adolescence, à l’âge adulte, à la vieillesse et, au-delà, à un retour à l’enfance. Ce qui est vérifiable autour de nous avec le retour d’âge que vivent tous les vieillards avec qui nous cohabitons.
Dès lors, s’arc-bouter aux basques d’un vieil homme pour s’enrichir ou se hisser à des niveaux jamais rêvés ne saurait être que de la lâcheté. Surtout si on le laisse aller seul aux charbons, sous prétexte qu’il est le seul capable de défendre les couleurs du parti qui a favorisé leur ascension. N’est-ce pas là un aveu de médiocrité ?
En tout cas, même si les observations émises ci-dessus ont toutes les chances d’être jetées aux oubliettes, nous insistons pour rappeler à Monsieur le Président qu’il faut savoir partir à temps, comme l’a suggéré son lucide prédécesseur. Quitte à mettre sur la rampe son propre fils. Pour le moment, ce qui est sûr, c’est qu’aucun subterfuge ni aucune combinaison ne peut plus tromper le peuple.
Khadre FALL Journaliste Tél : 76 537 44 55