Le financement du
Financement de l’enseignement supérieur
Le financement de l’enseignement supérieur est confronté au Sénégal à de nombreuses difficultés liées aux nouvelles exigences de la formation académique. L’introduction du système LMD (Licence Master Doctorat) appelle à des ruptures et des refontes dans le management financier et institutionnel de l’Université. Le système universitaire qui, pendant des années est enfermé dans une vision dichotomique qui consiste à privilégier l’enseignement fondamental au détriment de l’enseignement technique, reconsidère ses orientations, ses objectifs et ses missions.
Ainsi l’approche nouvelle consiste à lier l’aspect théorique à l’aspect pratique et utilitaire de l’enseignement qui désormais va s’enraciner dans les besoins réels des populations locales en s’ouvrant au monde extérieur pour répondre aux défis de la mondialisation. Les besoins financiers nécessaires au fonctionnement d’un tel système requièrent de nouvelles stratégies financières allant des offres d’enseignement aux prestations de services universitaires plus attractives et plus appropriées aux besoins des populations et des entreprises en passant par la mise en place d’une banque de l’enseignement et l’optimisation des dépenses des universités dans le cadre de changements de mentalités et de capacités d’adaptation de la part des acteurs que sont l’Etat, les enseignants et les étudiants. Les stratégies développées à cet effet doivent se fonder sur l’innovation, la qualité, l’ouverture et la flexibilité.
Des stratégies financières soutenues par des stratégies pédagogiques et sociales tissées dans le cadre de partenariats avec l’Etat, les populations locales, les universités et écoles supérieures étrangères, les promoteurs privés nationaux et internationaux et la coopération internationale peuvent renforcer les capacités de l’institution universitaire. L’Université doit se concevoir comme une entreprise (de la connaissance) qui produit tous les savoirs et tous les savoir-faire et qui doit garantir son autonomie financière en mettant sur le marché des services, des produits, des brevets, etc... Ces savoirs doivent s’appuyer sur des formations qui permettent d’acquérir des connaissances et des compétences qui favorisent la qualification par un métier en apportant des réponses concrètes et adéquates.
PRESTATIONS UNIVERSITAIRES
Les diplômes proposés doivent tendre à embrasser tous les domaines allant du sport, de l’art, de la danse, des sciences sociales aux sciences exactes en passant par la formation d’ingénieurs, de techniciens supérieurs voire d’ouvriers. Le dynamisme financier de l’Université passera par l’implication de la formation dans la transformation des conditions de vie des sénégalais à travers les connaissances et les compétences appropriées qu’elle permet d’acquérir. La création de laboratoires très modernes bien équipés est nécessaire non seulement pour stimuler la recherche scientifique mais aussi pour contribuer à faire des prestations rémunérées. L’université doit chercher à mettre à la disposition du public et des entreprises des produits, des concepts et des services dans le cadre de laboratoires d’ingénierie financière, d’ingénierie commerciale et d’ingénierie politique. Elle doit mobiliser des promoteurs privés de l’enseignement pour la mise en place de formations attractives, vendre de nouveaux concepts de communication et de commercialisation, proposer à l’Etat des services, autant d’actions qui favorisent l’autonomie financière des universités.
OPTIMISATION DES DEPENSES
Nous estimons qu’il faut mettre à contribution la nouvelle opportunité offerte par la globalisation à travers les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), pour optimiser les dépenses des universités liées, entre autres, à la recherche scientifique et engendrées par les voyages, la participation aux conférences des professeurs, etc.... Les besoins en taux de présence des enseignants dans des laboratoires à l’extérieur sont moindres pour certaines disciplines telles que les mathématiques, l’économie, le droit, l’histoire, la littérature (exceptés les séjours linguistiques), etc.. que pour d’autres telles que la biologie, la chimie, la physique, etc.... dont la formation et la recherche sont liées à un environnement à fort coefficient technologique qui malheureusement accuse un déficit dans nos pays pauvres et partant limite la pertinence et l’efficacité pédagogique de leurs enseignements. Cette nouvelle vision des choses nécessite cependant un changement de mentalités des enseignants.
ETUDIANTS
Les étudiants sont aujourd’hui très mal logés et nourris. Les divertissements sont presque inexistants. Il faut s’approcher désormais des promoteurs immobiliers pour les engager dans des projets rentables qui peuvent améliorer les conditions d’hébergement, de sport et de divertissement des étudiants qui vont du logement aux différents terrains de sport en passant par des discothèques, western union, magasins de mode et de produits alimentaires et des cafés etc.. Le restaurant universitaire peut s’ouvrir au public en proposant des menus très attractifs en prix et en qualité. En outre, à l’image des agences de joueurs, nous devons engager des réflexions sur les possibilités de mettre sur pied des « agences du savoir » qui permettent de préfinancer les études des étudiants sous forme de bourses (ou crédit d’études) et qui ensuite les « vendent » aux entreprises locales et étrangères ou les aident à créer de nouvelles entreprises pour recouvrer leur investissement en faisant la promotion de véritables labels universitaires.
BIBLIOTHEQUE
La bibliothèque qui, traditionnellement offre des supports de connaissances à travers des livres, doit diversifier ses produits en s’ouvrant au public par des services qui intéressent les populations en partant de films, de documentaires, de reportages, de formation à la navigation Internet, un cybercafé, la reliure, l’édition de manuels de cours et d’exercices d’enseignants ou groupes d’enseignants, l’emprunt de livres à l’extérieur dans de grandes bibliothèques internationales, de cassettes, de DVD, etc... Des prestations payées qui peuvent renforcer ses finances.
BANQUE DE L’ENSEIGNEMENT
Les problèmes liés au financement des universités ne peuvent cependant être résolus que par la création d’une banque de l’enseignement dont le rôle est de financer l’enseignement privé et public. Ainsi proposons nous la création d’une banque de l’enseignement sur la base de tous les check off des enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur qui seront transformés en actions et où tous les salaires des enseignants seront domiciliés. Ceci favoriserait l’adhésion de tous les enseignants aux syndicats et permettrait à tout groupe d’enseignants d’ouvrir des formations qu’ils estiment très intéressantes. Le dynamisme du système scolaire et universitaire dans le sens de la rentabilité financière peut lui ouvrir des opportunités financières allant des bailleurs de fonds aux ventes d’actions dans les bourses et parmi les enseignants en particulier et la population en général.
La nécessaire réforme des grades face à l’éclatement et la diversité des formations qu’entraîne l’introduction du système LMD exige de nos pays pauvres de nouvelles méthodes de management financier et institutionnel différentes de celles des pays développés qui jouissent de moyens financiers de loin supérieurs à l’image des résultats que présentent leurs divers systèmes universitaires. Nous devons oser inventer notre Université en rapport avec les opportunités que nous offrent nos réalités spécifiques. Toutefois, nous devons surtout éviter de transférer les charges du financement de l’enseignement supérieur sur les faibles revenus des étudiants et de leurs parents. Les pays riches où les parents ont des revenus assez substantiels peuvent se le permettre. Nous espérons que le congrès du SAES de Saly qui se tiendra du 14 au 16 mai 2010 sera l’occasion pour développer des réflexions stratégiques très dynamiques pour apporter des réponses pertinentes à la problématique du financement de l’enseignement supérieur.
Dr. Abdoulaye Taye
Enseignant à l’Université de Bambey