émigrés clandestins
LE REGARD DE FALLOU Ce sont des émigrés clandestins
Article Par Fallou Mbacké Diallo, fmdiallo1@yahoo.fr,
Paru le Lundi 7 Mai 2007
A la question de savoir ce que vaut l’information de presse, l’on pourrait être tenté de répondre qu’on y trouve, «(…) pêle-mêle, des informations exactes, inexactes, tendancieuses, inégales, tronquées (…)». Pourtant, précisément parce qu’elles ne sont que des informations, même «fausses», elles devraient, en raison même de cette «fausseté», inciter à la recherche de la vérité. Car, il en est de l’information de presse comme de toute production langagière. Dont André Gide dit : «J’appelle un livre manqué, celui qui laisse le lecteur intact». C’est cette attitude de réceptivité active que devraient adopter tous les citoyens sénégalais face aux sollicitations de nos hommes politiques. Qui, le plus souvent, ne sont que des manipulations réduisant toute notre citoyenneté à sa dimension élective. Et celle-ci, en un instrument légal, sur la base et aux dépens duquel, l’on justifie tous les abus. Dont un exemple, si l’on n’y prend garde, pourrait être, lors des Législatives, une violation désinvolte de la loi. Mais qui, paradoxalement, s’appuiera sur nos plus profondes croyances. En effet, selon des informations livrées par la presse, photos à l’appui, on aurait déjà confectionné des affiches totalement anticonstitutionnelles. Sur la base légale de la légitimité conférée à Me Wade par sa reconduction plébiscitaire au poste de Président. Il s’agit de photos du Président (de tous les Sénégalais ?), baptisé «concepteur du Sénégal émergent», surplombant celle de son candidat aux législatives. Et dont, en l’occurrence, le statut de Premier ministre au service de la République, est transformé en celui, plus électoralement porteur, de «chef de chantier du Sénégal émergent», au service exclusif de la liste libérale. Pour bâtir une majorité absolue à l’Assemblée. Et, le tout, sous la «bénédiction» muette de presque tous nos guides religieux : «Ils prient pour le Sénégal», dit l’affiche. Comme si, le cas échéant, ces «prières pour le Sénégal» n’étaient destinées qu’aux seuls libéraux du Sénégal ! Une véritable opération de séduction plastique, servant de base affective à une manipulation sournoise de toutes nos susceptibilités confessionnelles. Et dont l’objectif évident est de créer la confusion entre les intérêts du camp libéral et ceux du Sénégal. C’est également dans cette logique purement électoraliste que s’inscrit la récente «bravade» du chef de l’Etat. Qui «prévoit de modifier la Constitution pour ramener (sa) parité». Après que les cinq Sages en ont jugé la loi inconstitutionnelle. En vérité, même imposée, sur la base d’un contournement légal de la Constitution, cette loi ne rendrait point justice aux femmes. Elle ne serait qu’un ajustement conjoncturel dont le soubassement politicien et les intentions électoralistes sont manifestes : une parité (mécanique), ne peut être ni équitable, ni égalitaire. Car, alors, elle ne serait fondée ni sur le mérite, ni sur la représentativité. Mais sur la seule volonté du pouvoir. Qui, dans notre démocratie, est conçu et pratiqué comme une fin, «la fin de tous les soucis d’argent». C’est pour cette raison que depuis leur boycott des Législatives, les partis d’opposition sont secoués par des remous internes. Dont les acteurs ne sont pas les militants de base. Mais ceux qui espéraient être portés par ces derniers, à l’Assemblée nationale. Pour, non pas y représenter le peuple, mais occuper des positions de pouvoir. Ils dénoncent tous une absence de démocratie dans leurs formations. Et se ruent vers le parti au pouvoir. Où ils sont aussi sûrs de ne pas trouver cette démocratie interne qu’ils réclament. Finalement, après la métaphore de la transhumance, on peut comparer le comportement de nos politiques avec celui des émigrés clandestins. En effet, le même instinct de survie qui pousse les uns vers les embarcations de fortune pour espérer faire fortune, pousse les autres à papillonner de parti en parti. Mais toujours dans la même immuable direction : celle du pouvoir. Les uns risquent leur vie pour vivre et faire vivre leurs familles, les autres, eux, au nom du peuple, renoncent à leur honneur et «se mettent en permanence à la disposition du Président», quel qu’il soit. Pour vivre aux dépens du peuple. Ce sont de véritables et permanents émigrés clandestins.