une retraite anticipée
RETRAIT DE LA POLITIQUE / CONFIDENCE - Quand Talla Sylla invitait Le Quotidien dans son intimité : «Ma profession ? Combattant pour le Sénégal»
Dimanche 12 octobre 2003. Dans son n°221, Le Quotidien revenait sur les Confidences faites à notre consœur Fatou Faye par le président de l’Alliance Jëf-Jël à l’époque, avant son agression criminelle, à coups de marteau, au restaurant Régal, pour mettre en relief une déclaration de Talla Sylla selon laquelle on avait commis des gens pour l’agresser. Quatre ans après, l’homme politique ne s’est pas relevé manifestement, jusqu’à preuve du contraire, de la sale besogne de ses bourreaux restés toujours impunis. Talla Sylla, qui a décidé de se retirer de la scène politique, est malade, épuisé, comme il l’a annoncé aux Sénégalais dans une lettre qu’il a rendue public le 5 juin 2007. Retour sur des confidences fort éloquentes à la lumière de l’actualité.
Votre trajectoire assez mouvementée. Dirigeant de grève à l’université...
Avant l’université, il y a eu le lycée. C’est très tôt à partir de 1980, j’avais 14 ans, que j’ai fait la rencontre, feu Aziz Dieng qui était militant du Pai. C’est lui qui m’a impliqué dans les mouvements. Un jour, il était là avec un journal que je voulais lire. Quand j’ai fait la demande, il m’a dit: «II faut nous rejoindre dans le Pai, sinon tu ne lis pas le journal.» Je lui ai, aussitôt, répondu: «Je vous rejoins dans le Pai.»
C’était juste pour lire le journal ?
Je lui ai dit que j’adhère au Pai juste pour lire le journal. Après l’avoir lu, cela m’a particulièrement intéressé. Je n’avais jamais rien lu de pareil. J’aimais lire les bandes dessinées, Tex, Akim, Zembla. C’est donc, en fait, lui qui m’a donné le goût du syndicalisme. Déjà au collège, j’étais parmi les dirigeants du mouvement, ensuite quand j’ai eu mon Dfem, je suis venu à Dakar, au Lycée d’application, d’où j’ai été exclu pour fait de grève. L’année suivante je suis allé au lycée Limamoulaye, même scénario. Je suis alors retourné à Thiès. J’ai fait la première partie du bac comme «Palestinien»; on appelait ainsi, à l’époque, les candidats libres. J’ai eu ma première partie du bac. L’année d’après, je suis entré officiellement au lycée pour faire la Terminale. On avait menacé de nous expulser, si on ne réussissait pas au bac.
Votre conscience politique, on peut dire que vous l’avez eue tôt ?
Très jeune, car j’ai très tôt fréquenté les hommes politiques. J’ai surtout été éduqué par Majmouth Diop, Charles Guèye du Pai, Balla Ndiaye, Moussa Kane, Ibrahima Thioubou. Souvent, on me dit: «Tu as été formé par Me Wade»; ce n’est pas vrai. J’ai été formé par Majmouth Diop et les responsables du Pai. Elève, j’étais avec d’autres camarades dans la coordination des élèves du Sénégal. Et après, quand je suis arrivé à l’université, dès la première année, j’ai été élu dans la coordination des étudiants. Il s’est trouvé que c’était une année où le mouvement élève était en ébullition. Garmy Fall de Thiès avait été arrêtée parce qu’elle avait participé à un mouvement pour ma libération à Thiès et a été expulsée de l’école. Les élèves se sont mobilisés et avaient décidé de tout faire pour qu’on la reprenne. Nous étions restés pendant plus d’un mois et le mouvement étudiant n’avait pas soutenu les élèves. Je me suis alors dit qu’il y a un problème, ce n’est pas normal. Il fallait changer les choses. Je suis allé rencontrer la direction du mouvement élève. On a discuté et nous avons décidé d’envahir l’université.
Donc, c’est vous qui aviez demandé aux élèves d’envahir l’université en 88 ?
Nous avons discuté et nous nous sommes entendus qu’il fallait le faire. C’était un moment intéressant. C’est cela qui a déclenché notre entrée dans la grève. Juste après, il y avait les élections de février 88. Nous n’étions pas officiellement en grève. Mais pour prévenir les manifestations post-électorales, le ministre de l’Intérieur de l’époque, juste après les scrutins, a publié un communiqué fermant l’ensemble des établissements scolaires et universitaires jusqu’à nouvel ordre. Et à partir de 4h du matin, l’université a été envahie par les forces de l’ordre. Cela a abouti à l’année blanche.
Une dizaine d’années après, vous ne vous dites pas: «oh, non j’ai fait trop de bêtises» ?
Non, parce que j’étais conscient de ce que je faisais. J’ai toujours voulu faire ce que j’avais envie de faire. J’ai refusé d’être enfermé dans un système. J’ai eu le bac D, mais je suis allé faire la philosophie, simplement pour avoir le temps de faire ce que j’ai envie de faire.
Quel est votre plus grand regret en tant qu’homme politique ?
(Il hésite). Ce que je regrette, c’est de n’avoir pas été (il hésite encore) suffisamment, prévenant pour mettre en place un dispositif qui pourrait nous permettre d’éviter un certain nombre de choses.
C’est-à-dire ?
(Il hésite) Je ne regrette pas, par exemple, d’avoir contribué à l’alternance. Je ne regrette pas les nombreuses fois où j’ai été en prison. Mais, ce que je regrette, c’est (il réfléchit), très tôt, j’ai pris conscience du fait que l’alternance pouvait déboucher sur le chaos ou sur le pire, et je l’ai dit dès 92. Mais, je ne crois pas avoir, suffisamment, travaillé, pour mettre en place un dispositif capable d’empêcher les acteurs de l’alternance de virer à plus de 180 degrés.
Qu’est-ce qui vous en a empêché ?
Les moyens. Et à l’époque, nous étions tellement orientés vers le combat pour faire partir ce régime, que nous avions oublié la question de l’alternative. L’alternance a pris le pas sur l’alternative.
L’hymne des étudiants certains disent, c’est Talla qui l’a écrit, d’autres non.
Je l’ai écrit en 88. J’étais à Fann Hock. J’allais voir un ami. En marchant, je me suis mis à travailler la chanson, à la créer, à la composer. C’est moi-même qui l’ai écrit.
Beaucoup de gens disent que c’est Wade qui vous a «éduqué» dans votre jeunesse.
J’ai rencontré Wade en prison pour la première fois ; c’était en 88. C’était l’époque où Abdou Diouf parlait de jeunesse malsaine. Quelques mois après, on avait organisé une manifestation au niveau du mouvement étudiant pour demander la libération des détenus politiques et la levée de l’état d’urgence. Je suis allé en prison pour discuter avec lui, pour lui donner les éléments de la manifestation qu’on préparait et en même temps demander la participation des militants du Parti démocratique sénégalais. Quand il eut fini d’écouter le plan, il m’a dit: «Tu ne tarderas pas à me rejoindre ici.» Ce qui fut fait quelques jours après.
Après l’obtention d’une bourse, vous êtes allé étudier en France. La bourse vous avez été accordée juste pour deux mois, mais par la suite, on soutient que c’est Wade qui a assuré le reste pendant quatre ans.
Tout est faux du début à la fin. D’abord, je n’ai jamais été boursier; ensuite, je dois, aujourd’hui, rendre hommage à feu Laye Diop Diatta. C’est lui qui avait fait, à l’époque, l’attestation bancaire qui m’a permis d’aller en France. Quand je suis arrivé en France, j’avais 50 000 francs Cfa. Le lendemain de mon arrivée, je suis allé au 50 avenue de Terne et j’ai rencontré Wade. Il m’a dit qu’il était très content de me savoir en France. Je devais aller étudier à Grenoble, on s’était vu à Paris. A l’époque, il m’a dit: «j’aurais même aimé t’aider, mais je suis dans une situation financière assez difficile. Par contre, je t’offre les 50 exemplaires de mon livre Un destin pour l’Afrique. Après, je suis donc allé à Grenoble où j’avais des amis, des camarades de promotion, qui sont partis avant moi. J’ai pu me battre. J’ai été d’abord au niveau de la fédération du district, arbitre de football officiel. J’ai été en même temps entraîneur de football pour les petits.
Quelle qualité appréciez-vous chez Me Wade ?
C’est un travailleur. C’est quelqu’un qui ne se fatigue presque jamais. C’est clair. C’est quelque chose qu’il faut lui reconnaître.
Comment vous est venue la chanson ?
La chanson, c’est depuis que je suis tout petit. J’écoute en général les chansons hindoues, que j’aime. Je dis bien fredonner. Après il y avait le mouvement navétanes; j’ai pratiquement composé l’essentiel des chansons des supporters de notre équipe. Ensuite, c’était le mouvement élève et étudiant. Très tôt, j’ai compris que la chanson pouvait être un médium important pour faire passer des messages, même sur le plan religieux.
Votre première cassette s’appelle Toto...
Oui, elle est dédiée surtout à Toto et les autres étudiants décédés qui se sont battus pour le Sénégal et pour l’Afrique, pendant des années. Il était important, pour moi, de leur rendre hommage.
Baye Gorgui a été la chanson la plus vulgarisée ?
Oui, parce que c’était le contexte, la conjoncture et je pense que ce n’est pas fini.
Ah oui ! Ce n’est pas fini ?
Ah non ! Cela ne fait que commencer avec Baye Gorgui. Il a, complètement, oublié les promesses. J’ai dit qu’on a l’impression d’avoir traversé le fleuve de l’oubli.
Vous n’avez jamais été victime d’une agression ?
J’ai été agressé physiquement. Il y a également des gens qui, au sommet du pouvoir actuel, ont commandité une agression sur ma personne, mais cela n’a pas marché. Mais, je préfère ne pas en parler maintenant. J’en parlerai plus tard. Heureusement que je ne suis pas le seul à être au courant.
Pourquoi vous ne voulez pas en parler maintenant ?
Parce qu’on entrerait dans un cadre éminemment politique, alors que cette discussion n’est pas politique.
Juste une bribe d’information
Non, je vous en prie, n’insistez pas. Je peux juste vous dire que cela s’est passé, il y a à peu près deux ans.
Une tentative d’agression ?
Non, ils... (il s’arrête et puis reformule sa pensée). Oui, on a commis des gens pour m’agresser, le plus sérieusement du monde.
Vous ne voulez pas en dire plus ?
Non, parce que le jour viendra. On est dans une période où on a mis en avant des choses, et il ne faut pas les masquer. Je suis sûr que si je parlais de ce que je sais et de ce que certaines personnes savent actuellement, cela ferait oublier beaucoup de choses. Je préfère alors ne pas en parler. Il n’y a pas besoin de se précipiter.
Talent de chanteur, talent de parolier, peut-être talent de comédien ?
Oui, j’ai déjà joué au théâtre quand j’étais à Grenoble. J’y étais responsable de la troupe théâtrale. J’ai aussi joué dans Nder en flammes. Je jouais le rôle de Bakari.
Peut-on dire que tous les politiciens sont des comédiens ?
Oui ! Je constate qu’au Sénégal, il n’y a pas une très grande différence entre politique et comédie. Partout d’ailleurs. Il faut alors que l’on redevienne sérieux, parce que l’on parle de problèmes sérieux.
Paraît-il que vous êtes entré tardivement dans la religion musulmane ?
J’ai grandi très tôt dans un environnement profondément religieux. Quand j’étais à l’université, j’ai eu des rapports très poussés avec des guides religieux, à partir de 1987. Là, j’ai eu le temps de réfléchir et j’ai opté en toute connaissance de cause et en toute liberté et en toute indépendance. C’est pourquoi, également, je sais parfaitement faire le distinguo entre le spirituel et le temporel.
Vous confirmez donc ?
Oui! C’est seulement en fin 87 que j’ai eu des rapports très poussés avec des guides religieux. Mais, j’étais déjà dans la religion parce que j’y ai grandi.
Les personnes qui vous connaissent soutiennent le contraire…
Je ne le dis pas pour vous convaincre. Pour moi, la religion est une affaire privée. Ce n’est pas une question démocratique. Il y a eu, maintenant, une période assez courte. C’est quand j’étais au Pai. C’était au début après ma première année. J’ai fréquenté des gens qui étaient, totalement, athées et qui ont failli me convaincre de l’être et de le rester. Mais, en même temps et c’est pourquoi, je n’oublierai jamais ces responsables du Pai - les Majmout Diop, lbou Diallo, Charles Guèye, Balla Ndiaye et autres, ils m’ont dit : “Attention, nous sommes des marxistes, mais nous sommes aussi des musulmans”.
Cette période de doute a donc existé ?
Cette période de doute a existé. J’étais en face de gens à un moment où j’étais très jeune ; des gens qui étaient très persuasifs, qui avaient des arguments. Mais le problème, c’est de croire ou de ne pas croire.
Depuis, il n’y a plus eu de période de doute ?
Oui Non ! Non!
Vous avez appris le Coran ?
Oui !
Vous en avez la maîtrise ?
La maîtrise ? Noooooon, je ne le dirais pas. Déjà, je passe mon temps à faire de la politique. Mais, j’ai à côté de moi, des gens qui ont la maîtrise du Coran et qui nous donnent les éclairages qu’il faut. En tout cas, nous en connaissons suffisamment pour savoir qu’il faut toujours être dans le vrai.
Vous respectez vos cinq prières ?
Pas tout le temps, il faut dire la vérité. Ce n’est pas que je décide de ne pas les respecter, mais cela me trouve très souvent en pleine activité, je ne peux alors prier. Quand j’arrive chez moi, il est trois heures du matin ou quatre heures. Je suis complètement Ko. Il m’arrive donc de dormir et de ne pas prier. Mais depuis que Sokhna Saïbata Haïdara, m’a donné l’attestation me qualifiant de «Chef religieux », je m’efforce de respecter les cinq prières. (Il éclate de rire).
(…) Quel est votre profession ?
Combattant pour le Sénégal. C’est un choix que j’ai fait. Je suis sociologue de formation, mais j’ai fait le choix d’être un professionnel dans le combat pour la libération de notre pays.
Vous avez souvent une canne avec vous ?
Je l’ai à certains moments. Elle s’appelle Less Wakhoul.
Et pourquoi cette canne, vous n’avez pas encore quarante ans ?
J’avais dit à l’époque que dans la vie, il y a ce qui est caché et ce qui est manifeste. Il y a ce qui est clair et ce qui est sombre. C’était une période durant la dernière campagne.
Propos recueillis par Fatou FAYE
TEMOIGNAGES - Talla Sylla raconté et jugé par ses compagnons : Le philanthrope… politique
Ses intimes considèrent Talla Sylla comme un homme lucide ayant connu un succès politique prématuré. Un ami définit de façon précise le caractère de cet homme qui cristallise deux qualités, pas des moindres : «Honorabilité et dignité». A ses compagnons, il se plait de rappeler une chose très essentielle en démocratie, et dont on ne parle pas très souvent, selon lui : «L’élégance Républicaine.» A son «plus que frère», Moustapha Diakhaté, Talla offrit une preuve d’amitié inégalée. L’ex-chef de file de la mouvance Wacco ak Alternance témoigne : «Talla m’a fait quelque chose que personne n’avait jamais faite pour moi et que je ne ferai certainement pour personne. Quand il était en France et que sa femme venait au Sénégal, celle-ci passait la nuit dans ma chambre. Il a plus confiance en moi qu’en son propre frère, Ndiaga Sylla. Ça c’est vraiment très fort.»
Tous deux ont partagé des combats politiques pour le triomphe de la démocratie. De là, est née une grande complicité dont les racines plongent dans une convergence d’idées et de principes. M. Diakhaté n’en finit pas. Des anecdotes, il en a quand il s’agit d’illustrer les qualités d’un «homme exceptionnel, d’une précocité politique manifeste» et aux dons artistiques qui lui permettent d’improviser des chansons qui sont toutes le reflet de son engagement militant. Si la politique a poli, caressé et même conservé son cœur d’or, le bonhomme a toujours eu un sens inégalé de l’amitié que Moustapha Diakhaté raconte : «Moi, j’ai une fois séjourné en prison, c’était pour y sortir Talla Sylla. Car, quand il a été arrêté après les élections de 1993, il a été retenu, sans être jugé. Des camarades et moi avons manifesté dans la rue pour exiger sa libération. Nous avons été embarqués et on l’a retrouvé en prison. A l’intérieur, nous avons déclenché une grève de la faim qui a abouti à sa libération.» Me Demba Ciré Bathily, juriste, quant à lui, témoigne : «Talla Sylla, c’est ce que, moi, j’appelle un militant de l’intérêt général. Le témoignage le plus sincère à côté de son engagement, c’est son désintéressement. Et le culte des valeurs d’honorabilité et de dignité. Comme homme politique, il fait partie des meilleurs de sa génération. C’est un patriote, un défenseur infatigable de la démocratie et de la liberté.»
Après l’annonce de sa retraite politique, ce qui semble révolter les amis et compagnons de Talla Sylla, c’est l’idée que ses agresseurs soient toujours couverts d’un mystérieux voile d’impunité, et que son dossier, après enquête bien ficelée, se voit enfoui bien au chaud aux tréfonds d’un casier de l’oubli ou de l’indifférence. Babacar Mbodji, son compagnon des années de braise à l’Université, avertit : «Ce qui arrive est scandaleux ! La violence politique est devenue une réalité au Sénégal. Et la classe politique semble ne pas trouver un moyen d’y remédier. Les coupables doivent être identifiés et punis.» Tout comme Moustapha Diakhaté, le porte-parole du Rassemblement des travailleurs africains (Rta-s) est d’avis que le retrait politique du jeune leader politique éveille un sentiment de soulagement : «Je suis soulagé, parce que je savais qu’il était malade. Et j’ai même dit à des amis qu’après les législatives, il faut qu’on le force à aller se soigner. Nous qui le connaissons, le voyons, savons qu’il est malade et en danger !» Il est vrai que le bonhomme ne s’est jamais remis des séquelles de son agression, sa lettre datée du mardi 5 juin dernier en atteste. Sans équivoque.
Ses amis en ont parlé, mais lui, argumente toujours : «Quand on s’engage dans le terrain politique, on peut même en mourir !» Et rien n’est plus éloquent que ce cri de cœur de M. Mbow, comme pour interpeller la conscience du leader du Pds : «Que le Président Wade le soigne, car il doit beaucoup à Talla Sylla !»
Aliou SANE
THIES - Après sa décision de quitter la scène politique : L’ex-président du Jëf-Jël auprès de sa mère
Talla Sylla, le désormais ex-président de Jëf-Jël, est bien à Thiès, chez sa mère, aux Parcelles Assainies. Il n’a pas quitté la ville depuis le meeting de clôture de son parti, lors de la campagne pour les élections législatives. Mais pouvoir le rencontrer dans cette retraite relève d’une autre paire de manches.
Talla Sylla ne reçoit pratiquement personne, depuis l’annonce de sa retraite de la vie politique. Journalistes, certains membres de son parti et même des parents n’échappent pas à cette décision. «C’est son état de santé qui ne le lui permet plus», nous explique un de ses proches qui refuse même d’indiquer aux journalistes en quête de nouvelles l’emplacement du domicile maternel de son responsable de parti dans le populeux quartier des Parcelles Assainies. Un de nos confrères, n’ayant pu accéder à Talla Sylla, encore moins retirer un mot des membres de sa famille, rapporte : «Devant les visages que j’ai vus sur place, j’ai oublié mon travail de journaliste pour compâtir avec la famille de Talla Sylla.» Sa famille vit dans la douleur partagée avec les autres membres du Bureau communal du Jëf-Jël dont les principaux responsables ont fait face, hier, à la presse à la permanence du parti. Plusieurs des investis des dernières élections, comme le coordonateur Cheikh Mbaye Seck et la responsable régionale des femmes, Khady Bassine Gning, ont animé ce point de presse «qui devait donner le point de vue de la section de Thiès avant celui du Bureau national du parti» devant cette décision de retrait de leur leader, qui est sur toutes les bouches, hier dans les quartiers de Thiès, en particulier le quartier Abdoulaye Yakhine, fief de Talla Sylla. «Nous ne savons pas ce que fera la direction du parti, mais à Thiès, nous ne serons pas en reste», avance Ndèye Sall, autre investie lors des dernières élections. Elle cache mal sa colère face à tout ce qui est arrivé à Talla Sylla depuis octobre 2003, date de son agression à coups de marteau. «Face à cette violence charriée par le parti au pouvoir, l’opposition doit prendre ses responsabilités, car ce qui est arrivé à Talla Sylla peut arriver à un autre de ses membres», martèle-t-elle. Elle invite aussi le peuple «à faire face aux agressions du pouvoir libéral». En attendant, tous ces membres de Jëf-Jël prient pour une amélioration rapide de l’état de santé de leur leader pour qu’il retrouve le plus rapidement la scène politique. «Talla s’est momentanément retiré pour se soigner et être mieux utile, à l’avenir, au peuple», fait remarquer Youssou Diop, porte-parole du parti à Thiès. Ce dernier prend le serment au nom de ses autres camarades que le travail entrepris par leur leader alité va continuer. «Nous sommes d’autres Talla Sylla», conclut-il.
Par Birane GNING
Lettre aux Sénégalais : «La justice est interpellée»
De son lit d’hôpital, Talla Sylla, comme il l’a fait ce 5 mai 2007, avait adressé une lettre aux Sénégalais, le 21 octobre 2003, suite à son agression. Nous reproduisons ci-dessous cette lettre.
Hôpital Georges Pompidou à Paris, ce 21 octobre 2003
Mes chers compatriotes,
A travers la presse libre de chez nous, il déclare que c’est dans l’horreur que le peuple sénégalais s’est réveillé lundi 6 octobre 2003 en apprenant l’agression criminelle perpétrée contre ma personne.
La réprobation unanime de la violence comme méthode de règlement des désaccords ainsi exprimée par la Nation, se comprend d’autant plus qu’en mars 2000 le Sénégal a, magistralement, démontré à la face du monde sa maturité à la faveur d’un événement politique de haute portée. Une alternance démocratique, unanimement saluée, dans l’ordre et la sérénité. Par conséquent, ce qui se passe par les temps qui courent (incendies criminels, menaces de mort, meurtres mêmes) prouve, s’il en est encore besoin, que la démocratie n’est jamais définitivement gagnée, acquise et exige d’être cultivée et préservée contre les dérives autoritaristes. La force de l’argument est toujours préférable à l’argument de la force. De mon lit d’hôpital, dans un état de santé considérablement amélioré, je voudrais remercier, d’abord le Tout-Puissant ; et infiniment ceux qui, d’une manière ou d’une autre ont fait échouer la tentative de m’éliminer ; les médecins et les personnels de l’Hôpital Principal de Dakar dont la compétence et le savoir-faire ont été, hautement, salués par leurs confrères de Paris et ces derniers qui ont pris le relais suite à mon évacuation. J’associe du fond du cœur à ces remerciements, pour leur solidarité active, toutes celles et tous ceux qui, dans un bel élan de générosité, ont contribué à mon transfert à Paris. Je remercie aussi tous les démocrates et patriotes de la société civile, des syndicats du mouvement associatif ; les chefs religieux ; les journalistes, les forces politiques, les Sénégalais de l’extérieur, les amis et parents qui, tous ensemble m’ont aidé à supporter cette épreuve.
De même, ma profonde gratitude va au peuple anonyme pour les nombreuses marques de sympathie qu’il n’a cessé de me témoigner et pour le soutien précieux qu’il m’a apporté.
Pour l’heure, j’appelle solennellement à la vigilance, citoyenne afin que de pareilles dérives qui ternissent l’image du Sénégal ne soient plus envisageables.
La justice est interpellée !
Que force reste à la loi !
Talla Sylla