Une mallette de billets pour l’ambassadeur de
L’ambassadeur de France au Sé¬né¬gal, qui est au terme de sa mission, aura-t-il droit à une mallette de dollars et d’euros de la part du président de la République, comme ce fut le cas à l’occasion des adieux du représentant du Fmi à ? En tout cas, si l’on respecte la jurisprudence et si l’on s’en tient à Dakar l’argumentaire développé par le chef de l’Etat pour justifier le cadeau royal remis au fonctionnaire international, M. Ruffin aura tout fait pour mériter sa mallette.
D’abord, il a déplu en haut lieu. Le Président Wade nous avait expliqué que le présent remis à Alex Segura n’était pas une tentative de corruption puisqu’il ne récompensait pas des services rendus. Bien au contraire, disait-il, l’ancien représentant du Fmi n’avait pas été un «ami», il avait été un «empêcheur de jouer avec le budget en rond», (pour pasticher le journaliste Barka Bâ), un censeur impénitent de sa politique économique et financière. L’ambassadeur de France a fait mieux. Non content de manifester sa méfiance envers les dérives autoritaristes de l’Alter¬nan¬ce, de se poser en «empêcheur de se faire succéder en rond» (B. Bâ), d’avoir l’audace d’exprimer ses accointances avec les objectifs des Assises nationales, il avait commis le crime suprême, celui de s’opposer aux manœuvres de l’héritier.
Il s’est attaqué à un autre tabou : il a démystifié, démythifié le Président Wade et l’on découvre que la France se comporte à l’égard de «l’empereur» comme elle se comportait à l’égard des Présidents de l’époque, que l’on disait révolue, de la Fran¬ça¬frique. Segura avait procédé par al¬lu¬sions, Ruffin est clair et explicite : il accuse Wade de ne pas faire le poids face à l’intransigeance de Sarkozy et de faire porter aux ambassadeurs les déboires qu’il accumule. Il est très rare qu’un diplomate en exercice, fût-il iconoclaste, se lâche à ce point et il est encore plus rare qu’un chef d’Etat, dont le leadership est tant vanté par son entourage, reste sans réaction face à ces supputations. Pour moins que cela, Hou¬phouët ou Bongo auraient exigé des excuses.
L’ambassadeur de France nous ré¬vèle donc que Karim Wade avait usé d’intrigues à la fois pour obtenir l’abrogation de son mandat, et pour promouvoir au poste d’ambassadeur de France un diplomate plus accommodant. Pour atteindre ces deux objectifs le dauphin n’avait pas hésité à court-circuiter la diplomatie traditionnelle et à solliciter des «réseaux» et des «relations personnalisées» que Sarkozy s’était promis d’extirper des rapports franco-africains. Sans grand succès.
Enfin, une autre raison milite pour récompenser son Excellence. Le cadeau offert à Segura était non seulement gratuit mais il ne répondait à aucune spéculation. Le bénéficiaire était appelé à servir dans un secteur et dans une région où il ne pouvait rendre aucun service au Sénégal. Le présent qu’il avait reçu n’avait donc pas non plus pour objet de recruter un avocat pour des causes futures, ce n’était pas un contrat pour le temps à venir. Cela tombe bien : mê¬me si Ruffin ne précise pas son futur point de chute, on a compris qu’il n’est pas appelé à offrir ses compétences à la cellule africaine de l’Ely¬sée, ou à faire de l’ombre à Robert Bourgi. Le gouvernement du Séné¬gal n’a donc rien à attendre de lui et c’est cela qui fera la beauté du geste.
Voilà pourquoi nous disons : tout net au chef de l’Etat
«Encore un beau geste Monsieur le président de ! C’est la téranga sénégalaise qui est en jeu. Quoi qu’il nous en la République coûte, offrez donc une mallette à M. Ruffin, et en dollars cette fois puisque ! En attendant le tour de Mme l’euro est en décrépitude. Au diable l’avarice Marcia Ber¬nicat, offrez un présent digne d’un Samba Lingueer à l’ambassadeur de France. Pour services non rendus !»
Fadel DIA – Ecrivain