malade du système WADE
Le Sénégal malade du système Wade
Afrique de l’Ouest . Le président sénégalais, qui recevait hier le prix Houphouët-Boigny de la paix à Paris, se comporte, en fait, en autocrate multipliant les mesures arbitraires. Enquête.
Correspondance particulière.
Où va le Sénégal ? Que le président soit le récipiendaire hier à l’UNESCO du prix Houphouët-Boigny pour la paix et voilà que ses adversaires menacent de manifester à Dakar, avant que le préfet de la ville les en empêche. Que d’autres promettent d’investir le siège de l’organisation à Paris, ou manifester sur la place du Trocadéro, et voici que le clan présidentiel déplace des centaines de ses partisans la plupart par avions entiers de Dakar.
En fait, le Sénégal est malade, victime d’un climat malsain où les coups tordus sont désormais les règles qui valent dans un pays où pourtant les responsables politiques étaient réputés être, il y a peu, d’une exceptionnelle civilité en Afrique. L’approche des élections générale prévues au printemps prochain a sans doute aggravé encore les choses. Mais ce n’est pas ce qui a provoqué la situation. À l’origine de celle-ci, un véritable système qui s’est mis en place depuis l’accession au pouvoir du président Abdoulaye Wade.
Le premier malheur du pays est venu de la mer. En septembre 2002, le Joola, ce fameux navire reliant Dakar à la Casamance, chavire dans l’Atlantique, aux larges de la Gambie. Le naufrage, le plus grave de l’histoire maritime, a fait près de 2 000 morts, sans que personne ne soit mis en cause. Une commission d’enquête technique, constituée peu après le drame, a pourtant pointé les fautes et les négligences dans l’exploitation du navire, géré par la marine nationale, comme dans le déclenchement des secours. Publié en novembre 2002, son rapport a officiellement été transmis au ministre de la Justice, « pour une saisine du procureur de la République », sans jamais qu’il y ait la moindre suite dans la procédure. En revanche, l’État a tout fait pour que les familles renoncent à toute demande de justice, les poussant à accepter une compensation financière. Et les ministres de la Défense et des Transports, dont les départements exerçaient une cotutelle sur le navire, remerciés au lendemain du drame, ont depuis été rappelés : le premier comme conseiller du président de la République, l’autre à la tête d’une grande entreprise de transports semi-publique.
Le limogeage en avril 2004 puis l’arrestation en juillet 2005 de l’ancien premier ministre Idrissa Seck ont alourdi la situation. Longtemps éminence grise du pouvoir, il était, jusqu’à sa mise à l’écart, considéré comme le dauphin du vieux président. Saisie par le gouvernement, à la suite d’un rapport commandité par le chef de l’État sur sa gestion d’un programme d’investissement engagé dans sa ville natale de Thiès, dont il est aussi le maire, la justice l’a d’abord inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État et de détournement de deniers publics. Le premier grief paraissant visiblement trop fantaisiste, « Idy » n’a plus été soupçonné que du second, avant d’être libéré en février dernier après avoir obtenu un non-lieu partiel de la commission d’instruction de la Haute Cour de justice.
« Tout le monde sait que dans ce pays la corruption et le détournement de l’argent public sont une pratique largement partagée. Et tout le monde sait que c’est moins à cause de présumés actes de malversations que Seck a été arrêté, qu’en raison de ses ambitions politiques affichées sans doute trop tôt, explique Bira Guèye, directeur du Journal de l’économie, le principal hebdomadaire économique du pays. « Les circonstances dans lesquelles les choses se sont passées révèlent que c’est la politique qui a primé dans ce dossier. Le président de la République a brandi des accusations en procureur devant le peuple sénégalais et il a agi comme s’il était lui-même la justice », ajoute Madior Fall, rédacteur en chef de Sud quotidien, un des principaux journaux du pays.
Les deux hommes ne sont pourtant pas des inconditionnels de l’ancien premier ministre. Ils n’ont pas souvent apprécié son style « arrogant ». Mais pour eux comme pour nombre de Sénégalais, le problème est que l’ancien « fils spirituel » du vieux président n’est pas le seul à avoir été « victime » de l’arbitraire. Amath Dansokho, député et secrétaire général du Parti de l’indépendance et du travail (gauche), qui a accusé le fils et conseiller spécial du président, Karim Wade, d’avoir organisé un transfert illégal d’argent vers l’étranger (pour quelque 440 milliards de francs CFA, soit environ 600 millions d’euro) est poursuivi pour « troubles à l’ordre public ». Son sort se jouera le 19 mai, date prévue de son jugement. Son camarade de parti, Ibrahima Sène, a été inculpé, puis relaxé, pour avoir repris les mêmes accusations. Libéré il y a quelques jours, Jean-Paul Dias, responsable du petit parti d’opposition, le Bloc des centristes Gaïndé (BCG), avait été jeté sous les verrous depuis le 18 avril. Il est accusé d’avoir fomenté « un complot » et d’inciter « les citoyens à s’armer contre les autorités de l’État ».
détenu pendant plusieurs jours
Même la presse n’est pas épargnée. Pour deux articles dont l’un révèle le contenu d’un rapport adressé au chef de l’État épinglant un ancien patron des douanes, Madiambal Digane, directeur du journal le Quotidien, a été détenu pendant plusieurs jours en juillet 2004. Pionnier de la presse privée au Sénégal, le groupe Sud Communication est lui aussi dans le collimateur du pouvoir, au prétexte de la diffusion d’un entretien avec un chef rebelle casamançais. Son réseau radiophonique a été fermé durant une demi-journée en janvier dernier et plusieurs de ses responsables mis en garde en vue au commissariat central de Dakar. Selon un avis largement partagé par les Sénégalais, l’origine de la colère gouvernementale se trouve dans deux livres parus dernièrement sous la signature d’un des journalistes vedettes du groupe. Le premier dresse un bilan désastreux de l’action du président Wade qu’il accuse de mégalomanie et de népotisme, le second, sorti en début d’année, accuse le président entre-temps blanchi par la justice, d’être le commanditaire de l’assassinat, en 1993, de l’ancien vice président du Conseil constitutionnel.
« Le problème est que tout ce monde croit qu’il a joué un rôle dans l’élection de Wade et il attendait d’être récompensé d’une manière ou d’une autre. Il a été élu sur la base d’une promesse de réforme. Et c’est celle-là qui est aujourd’hui en cours. Le taux de croissance est de 5 à 6 % en moyenne depuis six ans. Les investissements et les infrastructures se multiplient et la guerre en Casamance est presque réglée », tente de plaider vaille que vaille Mamadou Haidara, un conseiller du gouvernement proche de la famille Wade.
L. O. M. Sa
Aboubakrine SAMB
Suite à l'interview accordée à la presse française par Me Abdoulaye Wade, notre président bien aimé, la polémique sur sa succession va bon train après qu'il en a lui-même lancé le débat.
C'est vrai que Me Wade ne va pas rester jusqu'au dernier jour de son mandat pour voir le meilleur profil du candidat pouvant continuer son oeuvre et protéger par là-même ses arrières. Il a certes raison de se prononcer là-dessus, car on ne sait jamais en politique et nous sommes en Afrique où la plupart des chefs d'Etat sont réputés pour leur mauvaise gestion.
Wade a bel et bien le droit de se chercher un dauphin ou un successeur, c'est selon, mais disons-le bien, dans son parti. Ce successeur désigné et accepté doit représenter son parti aux prochaines élections présidentielles de 2007 ; c'est son droit le plus absolu. Seulement, il ne faut pas se tromper de cadre, ni de situation. Le dauphin de Wade n'est nullement le dauphin des Sénégalais et ne le sera pas. Wade peut porter son choix sur qui il veut, mais cela dans le cadre de son parti ou dans sa mouvance pour représenter son parti ou sa mouvance. Point barre.
Le débat n'est nullement pertinent de poser ce cas de figure comme si le candidat de Wade serait le candidat des Sénégalais. C'est même manquer de respect et de considération au peuple sénégalais que de penser cela. Les Sénégalais ne donneront point à qui que ce soit le droit de choisir à leur place, fut-il un président déclaré vainqueur au premier tour d'une élection à quinze candidats. Le peuple sénégalais n'est pas amnésique, il est un peuple mûr et responsable.
Le quatrième président sera celui que les Sénégalais choisiront souverainement à partir d'une élection que nous souhaiterions libre et transparente. Une élection où le ministre de l'Intérieur chargé de l'organisation des élections serait une personnalité neutre et non un agent du parti au pouvoir. Une élection libre où l'achat des consciences par le parti au pouvoir et ses suiveurs ne serait pas aussi abject et manifeste que pendant celle de 2007.
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Une élection libre où les règles du jeu ne seraient pas travesties en amont pour mieux positionner le candidat au pouvoir. Une élection libre où la rétention de cartes d'électeurs ne serait pas de mise. Enfin une élection où les dés ne seraient pas pipés avant même que les Sénégalais n'aillent remplir leur devoir de citoyens.
Le quatrième président du Sénégal sera Idrissa Seck ou quelqu'un d'autre que les Sénégalais auront à choisir eux-mêmes et non celui qu'on voudra nous imposer par force ou par magie. La règle donnant mandat à quelqu'un le droit de choisir à la place des Sénégalais est caduque depuis le jour où le président Senghor l'a expérimentée pour la première fois en choisissant Abdou Diouf comme son successeur et c'était la dernière fois cher président bien aimé.
Choisissez qui vous voulez, Excellence, mais les Sénégalais ne vous donneront jamais mandat de choisir un quatrième président de la République du Sénégal à leur place !!
Sénégal: Le profil du successeur de Wade correspond de plus en plus à Karim
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Wal Fadjri (Dakar)
OPINION
3 Mars 2007
Publié sur le web le 5 Mars 2007
Babacar Justin Ndiaye
A peine réélu pour un mandat de cinq ans, le président de la République a évoqué la course à sa succession en affirmant n'avoir pas encore fait son choix, tout en excluant d'ores et déjà son ancien Premier ministre et ancien 'dauphin'pressenti Idrissa Seck. Selon le politologue Babacar Justin Ndiaye, le portrait-robot fait par Wade de son futur successeur correspond de plus en plus à son fils Karim.
'Je n'ai plus le temps, le choix se restreint, mais je n'ai pas encore choisi', a déclaré le chef de l'Etat interrogé sur le nom et le profil de son successeur, lors d'une conférence de presse jeudi soir à Dakar, une heure après la proclamation des résultats de l'élection présidentielle du 25 février. 'En tout état de cause, ce n'est pas Idrissa Seck. Ce n'est pas lui. J'ai rompu avec lui définitivement. Nous nous retrouverons devant Dieu', a-t-il ajouté. Evoluant du statut envié de 'dauphin' à une disgrâce brutale, M. Seck, 47 ans, est récemment passé dans l'opposition et s'est présenté à la présidentielle contre son ex-mentor, décrochant la deuxième position, avec près de 15 % des voix. 'On est dans un Etat démocratique. Il est indécent qu'il (M. Wade) dise qu'il va fabriquer son successeur, comme s'il était un monarque', a estimé à l'Agence France Presse le journaliste sénégalais Abdou Latif Coulibaly, auteur d'un ouvrage très critique sur le régime Wade, 'Une démocratie prise en otage par ses élites'. 'Si on veut garder notre démocratie, il faut que personne ne puisse désigner celui qui va lui succéder', a-t-il insisté.
Au contraire, le président Wade a dressé à très grands traits le portrait de son successeur : 'Son profil, c'est quelqu'un comme moi, qui travaille beaucoup, intelligent, qui écoute les populations, qui a de très bonnes relations internationales, qui est représentatif'. 'J'ai une sorte de lanterne qui va de l'un à l'autre mais je n'ai pas encore choisi', a poursuivi, en souriant, le président Wade, surnommé 'Ndioombor' ('le lièvre' en langue wolof) en raison de son habilité politique, peaufinée par 26 années d'opposition avant son accession au pouvoir. 'Il est dans une logique de demi-mandat. Il met les bouchées doubles. Il engage une course contre la montre et est en train de peaufiner sa succession', a souligné à l'Afp le journaliste et politologue Babacar Justin Ndiaye, soulignant 'son âge avancé'.
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De nombreux observateurs ont noté que le chef de l'Etat avait, à plusieurs reprises et spontanément, pris la défense de son fils Karim, dont le nom est mentionné par la presse dans des affaires de corruption présumées. 'Mon fils n'est dans aucun poste où il a affaire directement avec l'argent. Sauf peut-être, la direction de l'Agence nationale de l'Organisation de la conférence islamique (Oci), qui n'est pas prévue pour durer dans le temps', a-t-il assuré.
'Les rumeurs (sur les affaires de corruption) viennent principalement de M. Seck, parce qu'il a la conviction que je veux mettre mon fils au pouvoir. Il dit que Karim, c'est le fils naturel et lui le fils adoptif', a-t-il insisté. Le président Wade et son fils ont toujours démenti une succession de type dynastique. Mais des commentateurs n'en finissent pas de s'interroger. 'Il a tressé une couronne de fleurs sur la tête de Karim. Et le profil de son successeur correspond de plus en plus à Karim. Si le fils est sur les listes des prochaines législatives (en juin), cela sera un indicateur considérable', a relevé le politologue Ndiaye. Selon la Constitution, le président de l'Assemblée nationale assure l'intérim en cas de vacance du pouvoir.
'Je vois Karim s'impliquer dans les législatives. Et à Dakar, le Pds (parti présidentiel) n'a pas de chef', a poursuivi Abdoulaye Bamba Diallo, éditorialiste de l'hebdomadaire Le Nouvel Horizon. 'Idrissa Seck est l'empêcheur de succéder en rond', a-t-il conclu.