la candidature « « wadienne » de trop.
Pour une candidature controversée : Deux ex-présidents appelés à la rescousse
Le débat sur la recevabilité ou l’irrecevabilité de la candidature de Me Wade, le président sortant pour la présidentielle de 2012, avance crescendo. Partisans et adversaires de cette candidature font feu de tout bois. Pour corroborer leurs argumentaires, ils ont fait appel à deux ex- présidents, le Français Jacques Chirac et le Sénégalais Abdou Diouf. Le président Chirac est introduit dans ce débat par le ministre d’Etat Madické Niang qui, plaidant en faveur de la candidature de son mentor, donne l’exemple de l’ex- président français en ces termes : ‘Le président Chirac avait eu un premier mandat de septennat. Et quand on a ramené par une nouvelle Constitution le mandat à cinq ans, il avait la possibilité de se présenter après avoir fait un premier. Finalement, Chirac est parti et n’a pas préféré se représenter la seconde fois. La situation du régime des mandats commence à partir de l’approbation de cette nouvelle Constitution par référendum’.
C’est vrai que le président Chirac avait fait réviser par référendum le 24 septembre 2000, la loi constitutionnelle réduisant la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans. C’était la première révision constitutionnelle soumise au référendum. Cette loi sur le quinquennat a été promulguée le 02 octobre 2000 et publiée au JO le 03 octobre 2000. Chirac s’est appliqué cette réduction à son 2e mandat qui avait débuté en 2002 et qui s’est terminé en 2007. Mais ce n’est pas ces actes de noblesse politique qui ont donné à Chirac la possibilité de briguer un troisième mandat comme le pense le ministre d’Etat Madické Niang. L’ex-ministre Diègane Sène de la mouvance présidentielle dans l’émission ‘Remue Ménage’ de la Rfm du dimanche 21 novembre 2010 nous sert lui aussi l’exemple du président Chirac.
Je leur fais observer qu’en France depuis l’avènement de la 5e République et jusqu’à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (sous Sarkozy), il n’y avait pas de limite au nombre de mandats que peut effectuer consécutivement un président de la République. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 portait sur l’article 06 de la Constitution française qui précise désormais que le mandat ne peut être renouvelé qu’une fois consécutivement. Avant cette révision, la 5e République, qui a débuté en 1958, était caractérisée par la non limitation du nombre de mandat présidentiel. C’est cette situation qui est la seule raison qui donnait au président Chirac la possibilité d’un 3e mandat et non le référendum sur la réduction de la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans.
D’ailleurs avant Sarkozy, tous les présidents de la 5e République Charles De Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac avaient tous la possibilité de briguer un 3e voire 4e ou 5e mandat s’ils parvenaient à se faire réélire, mais par décence aucun d’entre eux n’a voulu réaliser plus de deux mandats. Donc en France, c’était la non limitation du nombre de mandats qui était instaurée par la 5e République jusqu’à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui permettait au président de la République de briguer plus de deux mandats et non l’organisation d’un référendum pour réduire la durée du mandat présidentiel.
Pour ce qui concerne le ‘régime juridique des mandats’ dont parle le ministre d’Etat, dans le débat qui nous intéresse, ‘le président de la République peut-il oui ou non avoir un 3e mandat’, je n’y vois pas sa place. Le régime juridique des mandats concerne surtout la limitation du cumul de différends mandats sociaux ou politiques et non le nombre de renouvellement des mandats. Ces histoires, de dire que son premier mandat (Me Wade) appartient à la Constitution avant référendum donc ne compte pas, sont des balivernes qui ne tiennent pas la route. Le père de cette théorie, mon ami Mbaye Ndiaye qui est maintenant à l’Aps, n’en parle plus (il dit même le contraire maintenant) parce qu’il s’est rendu compte que c’est une argumentation fragile et insensée qui n’a aucune valeur juridique.
Donc au regard de cette évidence, nous disons que le président Jacques Chirac n’est pas l’exemple idoine pour justifier, légitimer la candidature de Me Wade en 2012. Quant au président sénégalais Abdou Diouf, c’est à la fois l’opposition et le pouvoir qui lui ont déroulé le tapis rouge pour entrer dans ce débat. D’abord l’opposition (Madior Diouf, (Le Quotidien du 27 août 2010 page 12) qui pour déclarer fermement irrecevable la candidature de Wade en 2012, nous rappelle entre autres ce qui suit : ‘Le consensus politique élaboré en 1992 sur la limitation à deux du nombre de mandats à effectuer par un même président de la République, condamne la ruse qui consiste à tenter d’imposer l’idée d’une troisième candidature après deux consécutives’. ‘Le président A. Diouf, qui avait convoqué en 1992, l’ensemble des partis légalement constitués à des discussions sur la réforme du code électoral, fit voter sous forme de loi, les conclusions de ce débat politique national’. ‘Depuis 1992, le débat politique national a établi et fait figurer dans la Constitution la limitation à deux mandats la durée de la gestion du pays par un président de la République’. ‘Aucune technique juridique ne peut autoriser trois mandats successifs’. ‘Il ne s’agit pas d’un problème de techniciens du droit. Il s’agit d’un consensus politique élaboré en 1992 et mis en œuvre à partir de 1993’.
Ensuite la mouvance présidentielle, Mamadou Diop ‘Decroix’ , qui pour légitimer le passage à PP ‘pertes et profits’ le premier mandat de Me Wade (2000-2007) s’appuie lui aussi sur les discussions sur la réforme du code électoral de 1992 qui demandait (gauchement) la limitation du nombre de mandats présidentiels, nous dit qu’à l’issue de ces discussions Abdou Diouf avait dit que son mandat en cours, qu’il a entamé en 1988, ne sera pas pris en compte par la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels.
A Madior comme à Mamadou Diop ‘Decroix’ je fais observer ce qui suit :
1) La limitation du nombre de mandats présidentiels à deux a commencé d’abord avec le président Senghor en 1970 par la loi n°70-15 du 26 février 1970, Senghor était à son deuxième mandat. Quand il le délimitait en 1976 par la loi 76-27 du 06 avril 1976, il était à son troisième mandat et préparait le quatrième, la présidentielle du 26 février 1978, la première présidentielle plurielle de l’histoire de notre pays.
Ensuite avec A. Diouf qui à nouveau limite le nombre de mandats présidentiels à deux en 1991 par la loi n°91-46 du 06 octobre 1991, il était à son deuxième mandat. Quand il le délimitait en 1998 par la loi n°98-43 du 10 octobre 1998, il était à son troisième mandat et préparait la glorieuse présidentielle de 2000.
Donc c’est à partir de 1970 que le nombre de mandats présidentiels a connu une limitation à deux. Depuis lors, Senghor et Diouf limitaient et délimitaient à volonté selon qu’ils préparaient une présidentielle ou en sortaient. C’est ce que j’ai appelé la ‘Samba Brésilienne’ un pas en avant un pas en arrière.
Quand en 1992 les discussions sur la réforme du code électoral demandaient la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux, elles passaient à côté de la plaque, et défonçaient une porte déjà ouverte. Le nombre de mandats présidentiels était déjà limité à deux depuis le 06 octobre 1991 comme je l’ai dit un peu plus haut.
2) Si le président A. Diouf à l’issue de ces discussions sur la réforme du code électoral en 1992 dit que son mandat en cours ne sera pas pris en compte en ce qui concerne la limitation des mandats présidentiels, il prenait ses interlocuteurs pour des boy-scouts dans la mesure où il n’était même pas sérieux quand il le disait pour la bonne et simple raison qu’il a vite fait sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats présidentiels en 1998 avant la présidentielle de 2000 pour pouvoir se présenter et se représenter au cas échéant en 2007.
En conclusion, le débat sur la recevabilité ou non de la candidature de Me Wade en 2012 entre représentants de Bennoo et représentants de la mouvance présidentielle, jusqu’à présent nul n’a raison sur l’autre. Car il est erroné de dire péremptoirement que la candidature est recevable, comme il est inexact de dire sèchement qu’elle n’est pas recevable. Entre recevabilité et irrecevabilité il y a une marge, et ce no man’s land c’est la conditionnalité que pose l’alinéa 2 de l’article 27 de la Constitution du 22 janvier 2001 pour que la candidature soit recevable et qui stipule que ‘cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire’.
Donc naturellement la candidature de Me Wade en 2012 est irrecevable si l’on tient compte uniquement de la 2e phrase de l’alinéa 1 de l’article 27 qui dit que ‘le mandat est renouvelable une seule fois’. Mais la candidature peut être recevable si au regard de l’alinéa 2, Me Wade le président sortant organise un référendum pour la suppression de la 2e phrase (le mandat est renouvelable une seule fois) de l’alinéa 1 de l’article 27 et gagne ce référendum. Il faut que le président Wade bouge, pose cet acte. On ne peut pas être dans une chambre verrouillée à deux tours, dire que je veux sortir sans ouvrir la porte par la serrure ou faire sauter le verrou. *(A Suivre)
Moustapha FALL ‘CHE’ Secrétaire général Apl (Action patriotique de libération)
On peut toujours rêver…
J’ai rêvé que nous eussions une constitution qui ne soit pas une arnaque imprimée sur papier Kraft. Ce qu’évidemment la nôtre était fortement soupçonnée d’être avant même que ce débat -originellement soulevé dans nos colonnes - sur l’irrecevabilité constitutionnelle de la candidature de l’actuel président de la République ne prenne l’ampleur que l’on sait. Les innombrables révisions que notre loi fondamentale a connues, toujours commandées par des impératifs politiciens, lui ont fait depuis assez longtemps déjà une réputation de mouchoir à jeter. Mais puisqu’on ne peut désespérer d’un pays, et qu’un citoyen, fût-il au comble du dépit, ne peut divorcer d’avec son pays, nous nous sommes tous plus ou moins arrangés avec cette situation, en attendant une éclaircie, une opportunité- et c’est en ces moments-là que l’on regrette que la démocratie soit réduite à une convocation saisonnière du corps électoral dans les bureaux de vote.
Paradoxalement, l’entêtement du président Abdoulaye Wade à vouloir se présenter, sans même admettre la nécessité - malgré l’invite que lui en a faite Idrissa Seck, donc un membre de son parti, son ancien premier collaborateur politique- d’en débattre sérieusement avec les citoyens, est en train de devenir cette opportunité.
«Si Abdoulaye Wade défie la loi, nous sommes en droit de défier son autorité», a dit en substance un des chefs de parti membre de l’Union des Indépendants communément appelés «Les non alignés», M. Amadou Guèye leader d’un mouvement appelé «Terminus 2012». C’est une posture qui ramène, d’une certaine façon, au-devant de la scène politique sénégalaise, une notion qui a fait les beaux jours de ce qu’on appellerait aujourd’hui le combat citoyen, une arme décisive qui a permis, partout dans le monde, des avancées majeures dans l’approfondissement de la démocratie. Il s’agit de «La désobéissance civile», fille et clone d’une autre notion accélératrice des processus d’acquisition et de consolidation des libertés politiques : «L’objection de conscience». C’est sur ces bases-là que, par exemple, Cassius Clay, Mouhamad Ali, au milieu du XXème siècle, avait refusé de s’engager dans la guerre du Viet-Nam, considérant la décision de la plus grande démocratie du monde de faire cette guerre comme injuste. Avant lui, au XIXème siècle, aux Etats-Unis encore, des dissidents célèbres avaient refusé, en tant que citoyens américains, d’être «les complices d’une société esclavagiste». Aujourd’hui plus qu’hier, en ce début du troisième millénaire qui lui est si cher qu’il lui a fabriqué une porte, Me Wade sera d’accord avec nous que tout citoyen d’une démocratie a le droit d’exiger que la nation mérite sa loyauté.
Si le président de la République persiste à prendre cette préoccupation de larges franges de la population sur la recevabilité de sa candidature pour «un faux débat», ainsi que l’y invitent ses thuriféraires zélés – ces vuvuzelas sur pieds auxquels il faudrait rappeler que l’instrument cacophonique n’a pu faire accéder l’Afrique du Sud au second tour (hum !) de sa Coupe du monde- sans se préoccuper, sérieusement, de l’avis des plus éminents constitutionnalistes du Sénégal et d’ailleurs, il risque de voir se multiplier, de ci, de là, les adeptes de la défiance à son autorité. En réalité, il n’en resterait déjà plus grand-chose, si lui-même prenait le socle sur lequel celle-ci est assise pour quantité négligeable auquel on peut faire un sort en comité directeur d’un parti, après avis d’un quatrain d’avocats eux-mêmes membres dudit parti.
Les citoyens peuvent quand même croire mériter mieux de celui qu’ils ont installé, au nom de cette même constitution, à la tête de leur nation. Mieux ? C’est au moins opposer aux avis des Professeurs de Droit constitutionnel, MM El Hadj Mbodj, Pape Demba Sy (corédacteur de la constitution en cause), Guy Carcassonne, des avis équivalents en qualité ; et si possible dans les mêmes formes. Ce serait une manière d’acte de loyauté vis-à-vis des Sénégalais. Après ce signe de respect pour nos interrogations, il nous sera plus facile, à nous citoyens lambda, d’attendre sereinement, comme certains nous y invitent, l’avis du Conseil constitutionnel sur cette question.
Plus sereinement d’ailleurs que certains caciques du régime. Nous avons bien noté les menaces à peine voilées d’un ancien maire d’arrondissement Pds sur Sud-Fm vendredi –il s’agit d’Adama Bâ de Fass- Colobane- Guelle tapée-, disant en substance qu’on les laisse investir Abdoulaye Wade, et que si quand le temps en viendra, le Conseil constitutionnel invalidait sa candidature, ça serait une affaire entre eux (le Pds) et le Conseil. Il parlait en wolof et il a dit exactement «bu booba nun ak Conseil Constitutionnel la ». Je crois qu’il espérait faire peur aux membres du Conseil constitutionnel. Il aura en tout cas réussi une chose : révéler le très grand niveau d’affolement dans son camp.
Si notre constitution n’était pas une arnaque, on n’entendrait jamais ce genre de propos, même de la bouche du dernier des coursiers d’un parti au pouvoir.
Pape Samba KANE