Il faut arrêter le soldat Wade.
TROISIEME MANDAT: Il faut arrêter le soldat Wade.
En 2012, le président de la république aura bouclé 2 mandats, un premier mandat allant de 2000 à 2007 et un second mandat allant de 2007 à 2012. La constitution, en son article 27, stipule que le mandat du président de la République n’est renouvelable qu’une fois. Le Président ne peut donc avoir un troisième mandat.
On trouvera encore et toujours des acteurs pour s’épancher dans un débat sur les subtilités de la loi fondamentale. Ce n’est pas forcément inutile pour les universitaires. Pour les citoyens comme vous et moi, la lecture de l’alinéa 2 de l’article 27 de la constitution suffit : Le mandat du président de la République ne peut être renouvelé plus d’une fois.
Par conséquent, lorsque le président de la république annonce qu’il va briguer un troisième mandat, il va à l’encontre d’une disposition dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle participe à l’enracinement de la démocratie par l’alternance des dirigeants.
L’esprit de cette disposition est fondamental dans notre système démocratique. Nous tenons à ce que le pouvoir ne soit pas assumé de manière illimitée dans le temps par un homme, fut-il président de la République. L’alinéa 1 de la l’article 27 introduit une première limite en fixant la durée du mandat à 7 ans. Celle-ci était d’abord de 7 ans avant d’être modifiée pour 5 ans et finalement ramenée à 7 ans, toutes modifications faites sous le régime actuel. L’alinéa 2 introduit une deuxième limite en fixant le nombre de mandats à un maximum de 2.
Si l’objectif de la disposition est de limiter le mandat du président de la République dans les limites établies par la constitution, alors il est inacceptable d’user de subterfuges pour contourner l’esprit de cette disposition. Le président doit se conformer à cet esprit qui donne force à la loi. Comme président de la République, il doit veiller à préserver l’esprit des lois, en particulier la constitution.
Le débat suscité par le changement de la durée du mandat du président de 5 à 7 ans a montré que le texte constitutionnel n’est pas parfait en ce qu’il peut comporter des ambigüités pour qui ne veut pas tenir compte de l’esprit du texte. Le président a montré qu’il ne se gêne pas pour exploiter la moindre imperfection, quitte à discréditer davantage l’inamovibilité de certaines dispositions. Même les éclaircissements des rédacteurs de la constitution qui rappellent l’esprit dans lequel ils ont élaboré le texte sont désavoués par le Président de la République.
On ne peut rien attendre des juges chargés de trancher les questions constitutionnelles. S’ils ne déclarent pas leur incompétence, ils s’attachent aveuglément à une interprétation littérale étriquée de la lettre aux dépens de l’esprit de la loi.
Finalement, les docteurs de la loi, universitaires comme magistrats de l’Etat, ne porteront ni initiative ni rappel à l’ordre au président pour faire respecter l’esprit d’une disposition aussi simple que la limite de 2 mandats. Ils regardent donc le président déclarer sa candidature pour un troisième mandat sans lever le petit doigt. Ils attendent surement d’être saisis pour se déclarer incompétents ou valider la candidature du président.
Au niveau des acteurs politiques, le silence est aussi assourdissant.
Du coté de la mouvance présidentielle politique, l’argument tenu à savoir que le Président Wade est la seule constante et que sa déclaration de candidature permet de garder l’ordre dans les rangs ne tient pas devant ses propres déclarations. Lui-même présente son fils comme un candidat et se plaît à le peindre comme l’alter égo des leaders de l’opposition. Si ce n’est pas pour former les rangs derrière son fils et lui-même, cela y ressemble fort. Idrissa Seck et Djibo Kà pour ne se limiter qu’à eux, rongent leur frein, comme des enfants interdits de patiner sur une piste que seul le fils du président peut arpenter. Plus soucieux d’obtenir la confiance de Wade qu’autre chose, on ne peut donc attendre d’eux qu’ils s’avancent à la défense de la limite des mandats par le président Wade.
Dans l’opposition, la candidature déclarée est peut-être une aubaine pour certains. En effet, en refusant de le combattre sur cette question, l’opposition accrédite l’idée que le président Wade peut encore être candidat en 2012. Est-ce parce que cette candidature permet à certains de se présenter comme relativement jeunes ? Est-ce parce que Wade, objet d’un mécontentement populaire grandissant serait un adversaire idéal à battre ? Est-ce parce que Wade est un bon épouvantail pour forcer l’unité dans l’opposition? Il y a certainement un peu de tout cela.
Devant ce vide sur une question aussi fondamentale, les citoyens, hommes libres et républicains responsables doivent porter le combat.
Comment ? Une plateforme d’information, d’avertissement et de résistance doit être organisée pour arrêter le président Wade et l’obliger à respecter la limite des deux mandats.
Nous devons informer pour faire savoir à tous les sénégalais et la communauté internationale que la constitution est claire sur l’impossibilité du président de se représenter. Il suffit de montrer l’article 27 de la constitution à un enfant de 10 ans pour qu’il déduise la conclusion correcte sur l’inéligibilité du président à un troisième mandat. Si une mauvaise rédaction des dispositions de la constitution est la cause d’une quelconque ambigüité, il faut alors la corriger dans le respect de la disposition. Après tout, il n’appartient pas aux citoyens comme vous et moi de faire la rédaction du texte fondamental dans ses moindres lettres. Seul l’esprit des dispositions nous intéresse. Nous ne devons pas accepter de subir les imperfections du texte fondamental d’autant plus que le Président est ultimement celui qui a piloté le projet de révision constitutionnelle avec l’appui d’experts dans la matière constitutionnelle. On ne peut aussi penser que ces experts ont sciemment élaboré le texte avec la pleine conscience que dans les faits, cela peut donner 3 mandats au président. Ce serait une contradiction avec l’esprit de l’article 27. Ce serait aussi un manquement technique puisque la transition d’un texte constitutionnel à un autre pouvait introduire les dispositions qui permettent d’éviter ces anomalies. Quelque soient les circonstances de son élaboration, l’essentiel est le respect de la disposition : 2 mandats et pas un de plus. L’information primordiale est là, elle doit être portée partout avec un plan de communication sans relâche. Pour l’heure, que chacun commence par s’informer et informer ses proches.
Nous devons avertir afin que nul n’ignore que le forcing du président est tout simplement un coup d’état en gestation. Qu’on se comprenne, ce qu’il fera constituera un coup d’état, un coup de force pour arracher un pouvoir constitutionnel auquel il n’a pas droit. Le cas Tandja au Niger est plein d’enseignement. Si on y ajoute les schémas de succession, nous avons les germes d’une catastrophe prévisible. C’est maintenant qu’il faut agir et non après.
Nous devons résister. Si l’avertissement ne suffit pas, alors il faudra résister. Ce combat de la volonté d’un homme contre la volonté des citoyens est l’ultime épreuve qui nous tranchera. Le président à ses moyens. Nous avons aussi les nôtres.
Amadou Gueye