Affaire Etat du Sénégal - Fmi
Affaire Etat du Sénégal - Fmi
Quelles implications de l’affaire Segura sur le référentiel de politiques sociales ?
Depuis plusieurs années, résonnent aux oreilles du vulgum pecus plusieurs affaires (Caisse de péréquation, Lonase, Chantiers de Thiès…) Quelles implications de l’affaire Segura sur le référentiel de politiques sociales ?
Depuis plusieurs années, résonnent aux oreilles du vulgum pecus plusieurs affaires (Caisse de péréquation, Lonase, Chantiers de Thiès…) qui traversent les régimes dont chacune aurait pu faire tomber, sous d’autres cieux, n’importe quel pouvoir dit démocratique.
Pourtant, au Sénégal, la seule constante, c’est qu’au-delà des effets d’annonce et de la cacophonie qu’elles reflètent sur le moment, l’on constate qu’elles rejoignent vite le cours serein des flots nauséabonds qui contribuent, chaque jour, à diluer la capacité d’indignation de l’honnête homme à telle enseigne que celui qui ne veut que cultiver son jardin est condamné à devoir rompre le silence qu’il s’est imposé.
L’affaire Segura, en ce qu’elle concerne deux très hautes institutions que sont la Présidence et le Fmi, connaîtra-t-elle le même destin que les autres ou donnera-t-elle lieu à des ondes de choc pouvant conduire à une révolution éthique au Sénégal ! That is the question !
Rappel des faits
L’affaire, qui s’est présentée, au premier abord, comme étant alambiquée et invraisemblable est devenue plus que limpide, au fil du temps. Les autorités sénégalaises, par le biais du premier citoyen du pays, sont accusées d’avoir offert à M. Alex Segura, représentant du Fmi au Sénégal, en fin de mission, une certaine somme d’argent.
Des dénégations véhémentes (du ministre en charge de la Communication), et des communiqués contradictoires (Ambassades d’Espagne et France et Fmi, semble-t-il) du début, on est passé à l’aveu (la reine des preuves) d’une des voix les plus autorisées en la matière.
En effet, le Premier ministre Ndiaye en personne confirme le fait, via l’agence de presse officielle (Aps), en utilisant un doux euphémisme «cadeau» qu’il réfère à des considérations sociologiques là où le Fmi souligne avec force que ledit «cadeau» est «monétaire» et «substantiel».
Force est quand même de souligner que ce présent royal à l’endroit d’un représentant d’une institution chargée de nous aider à mobiliser des financements conséquents dans la lutte contre la pauvreté semble peu éthique. Surtout qu’il intervient dans un pays où la majorité est victime d’une misère ambiante certainement entretenue par nos comportements quotidiens et qu’il ressemble comme un frère jumeau à ce qu’ailleurs, l’on nomme corruption.
Mais ne nous éloignons pas et faisons confiance au chef des services administratifs qui connaît sans doute mieux que nous la bonne définition de ce concept pour s’y être longuement penché et voyons quelles implications ce concept jumeau peut avoir dans ce pays qui nous est tous cher.
Implications vis-à-vis de l’environnement extérieur
Sur le plan financier, au-delà de la querelle sémantique entre le Premier ministre et le Fmi, ce qui est plus que certain, c’est que ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Segura va polluer durablement nos relations avec cette institution. Quand on sait le rôle pivot du Fmi dans nos Finances publiques, son potentiel d’entraînement sur la mobilisation des flux financiers (financement bilatéral ou multilatéral) et son influence sur la gestion de la dette publique et privée (au niveau des clubs de Paris et de Londres), on peut affirmer sans ciller que le Sénégal va au devant de nombreuses difficultés qui peuvent conduire à certains réaménagements de notre politique internationale.
Au niveau géopolitique, on peut même croire que c’est conscientes des débordements éventuels que les autorités redynamisent l’axe Téhéran-Dakar en anticipant sur l’épreuve de force qui nous attend. D’autres recompositions pourraient d’ailleurs être notées. Il s’agit, sans que cela ne soit exhaustif, d’une plus grande ouverture vers certains pays émergents contestataires de l’ordre établi (Chine, Venezuela, Cuba…), d’un alignement plus accentué de la politique étrangère sénégalaise vers d’autres partenaires traditionnels moins soucieux de bonne gouvernance (pays du Golfe, Lybie) et/ou même d’un infléchissement plus marqué du soutien de l’Etat sénégalais aux Palestiniens.
Autant dire que les incartades des autorités risquent de conduire le pays à assumer de tels choix si, en dépit de tout ce que représente le Sénégal, le Fmi décide de faire un exemple du cas sénégalais. Mais là où cela devient intéressant, c’est que, vu sous un autre angle, on peut dire que l’affaire Segura pourrait induire des changements majeurs dans la gouvernance du pays, si les acteurs sociaux jouent leur véritable rôle ; ce qui est souhaitable mais peu probable.
Implications par rapport au jeu des acteurs sociaux au niveau national
Avec la tension probable des relations entre le Fmi et le Sénégal, les autorités ne pourront pas se faire l’économie de véritables changements au niveau interne au cas où les acteurs sociaux saisiraient l’opportunité qui se présente à eux. Cela serait d’autant plus incontournable que le contexte actuel s’y prête avec, notamment, le Mca qui dresse des barrières rédhibitoires, en termes de gouvernance et de protection des droits de certains acteurs sociaux, indicateurs qui ont une certaine parenté avec le cadeau royal offert à Segura.
Tout ceci pour dire qu’à l’évidence, s’ils sont décidés, les acteurs de la politique sociale peuvent avoir une réelle opportunité de bouleverser le référentiel actuel. Pour ne pas allonger le débat, penchons-nous sur trois d’entre eux seulement.
Aujourd’hui plus que jamais, la Société civile (Ong et syndicat) a l’occasion de demander plus de transparence dans la gestion des affaires publiques en montant en épingle les cadeaux indus offerts à l’ex-représentant du Fmi alors que les populations souffrent dans leur chair et que certaines catégories sociales sont favorisées (religieux, ministres, députés…) et habillées là où d’autres plus méritantes sont déshabillées.
Dans cette perspective, la Société civile ne doit pas négliger un de ses atouts maîtres qui est de pouvoir se faire entendre dans les fora, au niveau international, sans oublier sa capacité à conscientiser les populations qu’elle est censée représenter.
Quant à l’opposition qui brille par sa désunion, elle détient aujourd’hui une réelle opportunité de pouvoir peser sur les modes de gouvernance en négociant l’intégration des conclusions des Assises nationales qu’on ne peut quand même pas traiter par-dessus la jambe ; étant entendu que cette force sociale devrait montrer aux populations qu’elles ont des raisons de croire en elle.
Une opposition forte est un bon atout dans la gouvernance car elle participe de l’équilibre des pouvoirs au sens de Montesquieu qui ne dit pas autre chose lorsqu’il postule qu’il faut que le pouvoir puisse arrêter le pouvoir même si, en l’occurrence, ses paroles s’adressaient plus au Pouvoir judiciaire encore défaillant sous nos cieux du fait de l’insuffisance d’une masse critique de jeunes citoyens décidés, serviteurs de la loi et uniquement de la loi.
Car ne l’oublions pas, le Sénégal de demain est un Sénégal de jeunes qui ont un avenir à construire puisque la génération précédente a montré ses limites. Cela, les acteurs sociaux devraient l’inscrire en lettre d’or dans un pacte social qui reste à définir mais qui devrait avoir comme socle un système de gouvernance uniquement basé sur le mérite et la transparence, concepts autour desquels tout futur dirigeant devrait structurer sa démarche.
Quant à la Presse, il serait bien fondé qu’elle abandonne sa recherche du sensationnel et insiste sur l’essentiel afin qu’elle puisse réellement jouer son rôle de 4e pouvoir et influer de façon décisive sur l’esprit des populations par une information utile, juste et non partisane.
Oumar El Foutiyou BA - crivain, poète / lfba@yahoo.fr