Vous avez dit… Renaissance africaine ?
Vous avez dit… Renaissance africaine ?
En parcourant le règlement du concours de poésie organisé à l’occasion de l’inauguration du monument de la Renaissance africaine, mon attention a été retenue par l’article 4 qui stipule que «les cinq langues du concours sont le français, l’anglais, l’arabe, le portugais et l’espagnol». Je n’ai pu alors m’empêcher de me demander si les organisateurs de ce concours avaient vraiment réfléchi à cette clause excluant d’emblée les langues africaines authentiques ce qui, à mon humble avis, constitue une bizarrerie voire une incongruité.
Il est en effet pour le moins étrange qu’un concours qui a pour but, entre autres, de «contribuer au rayonnement des idées du panafricanisme et de la renaissance africaine», estime devoir se passer des vraies langues africaines (celles qui sont originaires du continent) qui sont elles aussi pourtant des langues de «créativité littéraire poétique».
Aucune des langues choisies pour ce concours n’est née en Afrique même si, par la force de l’Histoire, elles se sont acclimatées et «africanisées».
Si ce n’est pas un enterrement de première classe, ce n’en est en tout cas pas très éloigné ! Je crois sincèrement que pour sa propre crédibilité ce concours devrait effacer un inexplicable paradoxe : celui d’une «renaissance africaine», fût-elle seulement poétique, dans des langues exclusivement non africaines. Evidemment il est un peu tard pour rectifier le tir compte tenu de la date limite de dépôt des œuvres, mais il est encore possible de «sauver l’honneur» en organisant un concours parallèle, en langues africaines cette fois, sur le même thème et avec un nouvel échéancier pour permettre aux poètes intéressés de pouvoir y participer. A cet effet je suggère, pour plus de commodité, de ne retenir que deux langues africaines de grande communication : le Swahili (pour l’Afrique australe) et le Pulaar (pour l’Afrique de l’ouest). Cette démarche permettrait de «rétablir l’équilibre» et de donner à ce concours de poésie de la «renaissance africaine» plus de crédibilité, de légitimité et d’authenticité. D’autant plus que, j’en suis convaincu compte tenu de la richesse de ces langues et de leur tradition littéraire avérée, des œuvres d’une incontestable qualité poétique seraient enregistrées.
Louis CAMARA - écrivain - grand prix du président de la République pour les lettres