Des Etats-Unis d’Afrique vers la renaissance
Des Etats-Unis d’Afrique vers la renaissance africaine ou le mirage d’une oasis dans un désert parsemé d’embûches et de vœux pieux ?
Juste après les indépendances et pendant trois décennies au moins, nous avons organisé l’unité africaine, tant bien que mal, dans le brouhaha de nos contradictions et de nos hésitations, mais aussi de notre enthousiasme et de nos certitudes, mus par un patriotisme et une grande volonté nés de nos prises de conscience et de nos luttes pour l’indépendance. Il faut dire que nous étions sur la lancée de ce sentiment nouveau de liberté que nous croyions absolue, qui ouvrait dans nos esprits de larges boulevards et nous offrait toutes les perspectives : celles de créer, d’initier, de révolutionner, de construire et d’édifier. Le panafricanisme emprunté à nos frères de la diaspora, et que nous n’avons pas inventé, se présentait à nous comme un dérivatif à tous nos défis et un rempart contre les desseins obscurs du colonisateur. Repris et énoncé dès le départ par certains leaders africains, il a été érodé dès le départ par des calculs politiques et ce besoin de gouverner souverainement, légitime en soi, que les prémices de l’exercice du pouvoir motivaient déjà.
Etait-ce trop tôt, ou pas assez muri ? L’Afrique était-elle prête et allait-elle donner l’exemple, après les Etats unis d’Amérique et avant l’Europe ? Ce fut trop beau pour être vrai. Nos velléités ont été étouffées, Lumumba assassiné, et en même temps que lui, cette Afrique déjà renaissante et qui se voulait ‘avant-gardiste’. La mise en garde était claire et le signal plus que parlant. Vous avez dit indépendance ? Dépendances et appendices faudrait-il dire.
Puis vinrent les jours des citrons noirs…, ceux des dictatures sanglantes qui éliminèrent les élites de certains pays : répressions sauvages et désordonnées d’un pouvoir personnel et solitaire, ethnique et narcissique, vissé et paranoïaque, exclusif et absolu. Car il nous fallait d’abord apprendre à gouverner, à garder une indépendance relative vis-à-vis du colonisateur, à unifier nos pays, mais surtout à respecter nos peuples. Aujourd’hui encore, nous n’avons pas réussi ces challenges, ou très peu, peu ou prou. Ils sont tous à mi parcours : En jachère 50 ans après nos indépendances, nous sommes toujours dans l’adolescence, période de croissance où l’on ne sait pas toujours ce qu’on veut, où on ne sait pas où on va, indécis, à califourchon sur nos obligations et nos humeurs, prisonniers de nos irrégularités et de nos caprices, de nos paradoxes, de nos déséquilibres, sous tutelle.
Puis, il y eut, un peu partout, des mort-nés, en termes d’idéologies, panafricanisme, socialisme africain multiple et multiforme, communautarisme, mais aussi en termes de fédérations ou confédérations (Union Ghana Guinée puis Mali, Fédération du Mali, Conseil de l’Entente, Sénégambie, etc.), frappées de la mort subite du nourrisson, étouffées dans leur sommeil par ‘la real politik’ et les faux départs.
Ensuite, nous avons eu quelques avancées, des naissances au forceps et à la césarienne, (Ceao, Cedeao, Omvs, Uemoa, Ecomog, Cils, etc. (Afrique de l’Ouest), Cema, Comesa (Afrique australe et de l’est) Ceeac (Afrique centrale), Uma (Afrique du nord) etc. Selon leur dynamisme, ces organisations sont plus ou moins actives et actionnent des unions douanières, permettant des échanges plus libres et une intégration plus visible. Pour autant, les mauvaises herbes ont encore poussé entre les acquis. Il nous faut débroussailler encore et toujours, pour les maintenir.
L’Afrique est devenue un gibier
La balkanisation de l’Afrique a été et demeure, de fait, un frein à l’unité africaine ; mais n’est que la face visible de l’iceberg que nous devons briser pour avancer, autrement dit, l’arbre qui cache la forêt. Les vraies raisons se trouvent en nous-mêmes, en notre sein, comme un ver intestinal. Et si nous continuons sur cette lancée, nous courrons à l’occlusion et ceci, dans tous les sens du terme. On ne saurait reprocher au chasseur de faire le guet et de choisir le gibier qu’il a dans sa ligne de mire. C’est au gibier de se forger des armes pour échapper au prédateur, surtout quand la Providence lui en a donné les moyens. C’est triste, mais c’est comme cela. L’Afrique est devenue un gibier que tout le monde espère avoir comme mets de choix, tous les jours, au cœur d’un festin. Et cela passe aussi par la détérioration des termes de l’échange, par le diktat des multinationales, des compagnies pétrolières et minières, par nos souverainetés usurpées dès qu’un Etat veut s’affranchir d’une tutelle quelconque, d’où la naissance dans certaines zones d’un terrorisme économique qui répond à un autre terrorisme économique.
Le colonisateur, dans sa quête continuelle vers l’asservissement, a non seulement divisé le continent en une multitude de petits pays, des anachronismes, pratiqué de profondes incisions dans la nomenclature, dans les replis de notre chair de peuples colonisés, et ce, par le biais des ethnies et tribus qui peuplaient ces pays, mais encore, a semé le doute dans l’esprit des nouveaux dirigeants qui se sont laissés prendre au piège. Suivant les caprices de ces messieurs, des peuples d’une même ethnie ont été mutilés et leurs membres jetés de part et d’autre d’une même frontière. Ils ont inculqué et cultivé, dans les esprits de ces derniers, de forts courants de rivalité et de haine qui sont allés crescendo, animés et réanimés à chaque fois que le besoin s’en est fait sentir, par des lobbies à la solde de leur gouvernement et jusqu’à nos jours. C’est assurément la dynamique de la déstabilisation à laquelle il est impératif d’opposer la dynamique de l’unité et de la cohésion.
Aujourd’hui encore, les pays les plus riches d’Afrique sont dans la tourmente et lorsque les autres ont une relative stabilité, des foyers sont activés çà et là, accentuant la pauvreté : guerres civiles, de sécession, ethniques, génocides, engendrant viols, massacres, déplacements de populations, famines, sans compter les maladies qui naissent outre-Atlantique, mais qui viennent s’épanouir et s’émanciper en Afrique (comme le sida et son virus à multiples facettes).
Et puis nous sommes passés à l’Union africaine, pour faire comme l’Union européenne. Mais là où les Européens trouvent les moyens de dépasser le concept de nation, quoiqu’en gérant leurs mésententes, pour aller vers un ensemble plus cohérent, qui pourrait répondre à l’interpellation du nouvel ordre économique et politique imposé par la marche du temps, nous Africains, par l’intermédiaire de nos dirigeants élus par la volonté ou non du peuple, ne savons pas aller à l’essentiel. Car l’essentiel ici et maintenant, hic et nunc, c’est bien la construction des Etats unis d’Afrique, ou du moins de l’Union africaine qui en est le préalable. J’entends une Union africaine plus véridique, plus audacieuse, plus totale, plus uniforme, moins colorée, plus passionnée.
Il est inadmissible que le deuxième continent du monde par sa superficie et, faudrait-il le redire, par ses richesses minières et hydrauliques, soit la lanterne rouge du développement, comme un tronc jeté dans un ruisseau, voguant au gré de tout, et qui ne bouge vraiment que lorsque des mains expertes agitent la surface de l’eau. Est-il normal qu’avec toutes les potentialités que nous observons çà et là, nous n’arrivions pas à trouver un terrain d’entente pour nous sortir du sous-développement chronique dans lequel nous vivons depuis des décennies ? Il y a ce que l’autre nous impose, il y a ce que nous nous imposons. Si l’Afrique est l’avenir du monde, il est à craindre que ce continent ne nous appartienne plus demain. Nous avons donc besoin d’Etats qui développent des synergies, forts, soudés, fédérés par un projet commun, une vision commune, unis par des liens solides, enchaînés les uns aux autres par une coopération sans équivoque, une intégration : économique, culturelle, sociale, politique, intellectuelle, scientifique et que sais-je encore.
Renaissance et unité africaine sont indissociables
Pour que nous en comprenions l’enjeu, faudrait-il que le concept d’’Etats-Unis’ ou d’Union africaine et la raison de notre unité, partent d’un point de vue racial, raciste ? Et que ce mouvement vers notre émancipation signifie pour nous, comme disait l’autre, ‘ce que le mouvement sioniste doit obligatoirement signifier pour les juifs : la centralisation de l’effort racial et la reconnaissance d’une souche raciale ?’ Dans ce cas, que ferons-nous de l’Afrique Blanche ? La laisserions-nous à l’Europe méditerranéenne entre autres ? Ne nous faudrait-il pas rappeler aussi, sur nos terres, la diaspora, en particulier celle née de la déportation. Il me semble que même cela n’arrive pas à nous unir.
La renaissance africaine passera obligatoirement par les Etats-Unis d’Afrique, ou du moins par l’Union africaine qui en est la condition sine qua non. Renaissance et unité africaine sont indissociables.
Quelle serait donc la bonne formule ? Etats-unis d’Afrique, ou Afrique, un seul pays en plusieurs Etats à l’image des Etats-Unis d’Amérique? Un seul chef d’Etat, même constitution, même langue, même vision politique, même politique économique, culturelle, sociale ? Ce schéma reste l’idéal, mais atteint-on l’idéal ? Il est vrai que l’idéal nous porte forcément vers une ascension.
Cependant, les réalités de ces peuples qui ont investi l’Amérique du Nord, ne sont pas les mêmes que les nôtres, et il a fallu, entre autres, briser un peuple entier, celui des Indiens, dans une trilogie implacable, celle du génocide : massacres - déportations - assimilation, avec une logique : celle de la soumission ou de la démission, afin que s’accomplissent les Etats-Unis d’Amérique. Pour l’Afrique, il y a complexité et pesanteurs ; car dans le contexte actuel, l’Union africaine serait plus plausible parce que les Etats garderaient une certaine souveraineté vu le fort ‘relent’ de sectarisme qui caractérise les Africains.
Oui, l’Afrique est riche. Oui, l’Afrique a des matières premières. Oui, l’Afrique regorge d’excellentes ressources humaines. Oui, l’Afrique est le berceau de l’humanité. Oui, l’Afrique est riche de sa culture, de sa médecine, de ses traditions et de ses valeurs humaines, de ses arbres à palabre, de ses sages, de ses dictons tirés de l’expérience. Oui, l’Afrique est le berceau de l’homo sapiens. Oui l’Afrique…! Ce qui est vrai. Nous passons notre temps à nous justifier, comme si nous voulions nous persuader nous-mêmes de nos capacités, mais dans le même temps, l’écho de ce refrain revient vers nous, et sonorise nos complexes d’infériorité. Le respect s’arrache. C’est une personnalité. Il ne vous est pas offert ex-nihilo. On inspire le respect. C’est un défi que l’on relève. C’est ce rien qui se dégage de votre personne et qui force l’autre à vous apprécier, sans monnaie d’échange.
En effet, à quoi nous servent tous ces simples constats, si nous ne les faisons pas mûrir dans le jus, le suc de nos ambitions, et ne les confrontons pas à la réalité qui éclabousse nos visages à chacun de nos pas ? Car ce qui est essentiel aujourd’hui et que tout le monde voit comme le nez au milieu du visage, c’est bien que nous devons arriver à transcender nos contradictions, à mettre de côté nos rivalités, à ne pas écouter ceux qui veulent nous diviser, à ne pas être les valets de l’impérialisme (ce terme reste d’actualité). Or donc, c’est une question vitale, à laquelle nous pouvons donner une réponse vitale en ayant le courage de nos ambitions, en éduquant nos peuples, en optant pour la bonne gouvernance en oubliant de prendre nos Etats pour des entreprises privées où la succession se fait de père en fils.
Si nous ne pouvons pas comprendre cette simple chose, comment voulez-vous que l’on puisse aller plus loin que nos propres frontières et construire un avenir, donner à nos enfants demain un héritage qui en vaille la peine ? C’est d’une évidence, et c’est là où le dicton ‘la fin veut les moyens’ prend tout son sens. Faisons l’effort du dépassement de soi, de l’humilité, descendons de nos ergots, et faisons un sort nouveau à l’Afrique en la mettant en valeur, non pas à partir d’utopies, mais à partir des réalités que nous vivons concrètement et qui nous forcent à nous réunir pour vraiment nous unir, afin d’être plus forts pour affronter l’adversité, au lieu d’arpenter les sillons qui nous séparent de plus en plus. En bref, céder à la construction de l’Afrikunie, une parcelle de notre pays, de notre nation, de notre pouvoir, de nos ressources humaines, de notre richesse naturelle, de nos acquis et de nos ambitions, la totalité de notre expertise et de notre savoir, pour le meilleur, pour l’Union africaine, et contre le pire.
Renaissance africaine ou le mirage d'une oasis dans un desert ? : II - Il faudra plus qu’un monument pour que renaisse
l’Afrique
Enfermés dans nos frontières, celles de nos certitudes, de nos particularités et particularismes, de nos égoïsmes précaires
et éphémères, réapprenons à construire pour la postérité, et pour cent et deux cents ans. Pour être unis, il faut s’aimer,
pour s’aimer, il faut se respecter, pour se respecter, il faut se connaître, pour se connaître, il faut se côtoyer, ‘se
mélanger’. Et échanger. Peuples d’Afrique, nous devons nous approprier l’unité africaine, elle est d’abord notre cause,
l’union africaine doit partir de la base et monter vers le haut pour faire ‘tâche d’huile’. La flamme vient de nous, le
peuple d’en bas.
Nous devons nous construire une raison collective, afin d’éviter les embûches qui nous appellent au naufrage. Puiser au fonds
de nous-mêmes, assez de force, de courage et de spontanéité, pour briser nos a priori et bâtir l’unité, en passant par le
pont de nos différences, ce lien qui nous invite à la fraternité sans préjugés. Traduire donc avec nos similitudes et nos
différences, et par des actes, ce projet commun, cette vision commune. Que nos dirigeants acceptent donc la dialectique d’où
viendra le déclic.
Nous sommes encore à regarder vers nous-mêmes, et retournons à la royauté, captifs de nos erreurs et de nos ambitions
personnelles, de notre passé de colonisés. Nous sommes incapables de puiser dans nos traditions et nos gênes, dans notre
passé, ce qu’il y a de bon pour le porter à l’édification d’un modèle de gouvernance, ou d’un système politique, en
adéquation avec nos sociétés. La dialectique vient aussi de nous, de cette longue tradition de dialogue et d’échanges
inhérente à nos peuples et qui est le fondement de nos modèles de communication et de nos sociétés.
Réempruntons la voie que certains de nos intellectuels ont empruntée au début de notre indépendance, et même avant, celle de
la renaissance africaine et du panafricanisme. Ils nous en ont tracé le chemin et ont posé des repères.
Donnons-leur la cohérence du nouveau contexte dans lequel nous vivons aujourd’hui. Que les intellectuels rejoignent donc, au
grand jour, les politiques, sur ce ‘no man’s land’, terrain de la réflexion et de la pensée active qui n’appartient à
personne, mais à tout le monde, afin de faire avancer les choses. Que l’expertise de nos compétences trouve un terrain
propice à la réflexion qui permet d’agir ! Aujourd’hui plus qu’hier.
Les priorités sont entre autres : La paix, les stratégies communes de développement, la consolidation et l’élargissement de
zones de libre-échange, vers un marché commun, voie de l’intégration économique, la fuite des cerveaux qui se naturalisent de
plus en plus, les accords bilatéraux, la question de l’aide, de la dette, les changements de mentalités, la corruption, la
bonne gouvernance, la jeunesse. Dans ce magma, aider les politiques à démêler l’écheveau. Messieurs les politiques,
laissez-vous donc convaincre ! Gouvernance sans conscience n’est que ruines.
‘Comme on fait son lit, on se couche’. De la façon dont nos Etats nous ont été imposés et ont été faits, découle la manière
dont nous vivons aujourd’hui, dont nos pays sont gouvernés, il faut nous en affranchir définitivement et refaire notre lit.
Le débat est donc ouvert, l’Afrique est riche de ses matières premières, mais riche de ses maladies et de ses guerres,
exutoire des sentiments de mauvaise conscience, de culpabilité des Européens, dont certains veulent effacer les erreurs
commises par leurs ancêtres. Oui ! Mais l’Afrique est malade de ses gouvernants, malade de sa mauvaise gouvernance, de sa
corruption, malade de son manque de méthode, malade de sa main tout le temps tendue, malade de ses maladies, malade de ces
ajustements structurels, malade de ses dictateurs qui asservissent leurs peuples, de ses dirigeants dont le cynisme n’a
d’égal que le narcissisme dont ils font preuve, les yeux rivés sur leurs états d’âmes, s’accrochant au pouvoir comme des
méduses et électrocutant tous ceux qui voudraient s’approcher de plus près pour regarder dans leurs jardins secrets,
gourmands occupés à dilapider les richesses de leurs pays, de connivence avec les puissances étrangères pendant que le peuple
a soif, faim et manque de liberté, analphabétisé de fait par le manque d’infrastructures adéquates, maintenu dans
l’obscurantisme, où les priorités ne sont pas prises en compte, réservoir de trafics et de trafiquants de tous ordres,
drogue, organes humains, traites, etc., tétanisé et anesthésié.
Le peuple d’Afrique est frappé de lassitude, à cause de tous ces rendez-vous manqués, celui de la croissance en particulier,
non pas celle née d’un jeu d’écritures, mais la vraie, qui a un impact conséquent sur le pouvoir d’achat et sur les prix des
produits de première nécessité, fatigué aussi parce qu’au fil des ans, ce peuple tombe de Charybde en Scylla et que c’est
toujours un éternel recommencement.
Les vœux pieux formulés à chaque réunion ne servent plus à rien. Passés la porte des lambris, ils vont aux oubliettes et les
résolutions et commissions ad hoc sont enchâssées. Où est donc le Nepad ? Pourtant, des pas importants ont été franchis, de
grands ensembles économiques et monétaires construits.
Mais ils restent régionaux, basés sur plusieurs monnaies et sur des particularités. A l’intérieur de ces ensembles, il y a
des conflits larvés, et des jeux de positionnement et d’intérêts, des méfiances et même des refus. Il faut accélérer le pas.
Certains pays sont en avance sur d’autres et ont émergé ; d’autres ne veulent même plus faire partie du continent. Les
experts qui travaillent incognito, se heurtent à des murs. C’est le lieu de saluer le courage de tous ceux qui se battent
pour sortir l’Afrique de son immobilisme, dans le silence de leurs bureaux et de leurs méninges. Car à force et par petites
approches, nous ferons des failles dans ces murs, nous y arriverons certainement. Mais le temps presse, l’heure n’est plus
aux arrêts prolongés… Il y a un vide sous nos pieds. Dix ans après le 3ème millénaire et cinquante ans après nos
indépendances, certains en ont pris conscience, d’autres non.
La réalité et le rêve sont les deux ventricules d’un même cœur ! Et mon cœur bat. Il bat et je rêve donc d’une Afrique rendue
à son intégrité, non pas par la théorie de l’abracadabra et par la simple volonté politique de ceux qui nous dirigent, mais
plutôt par des actes posés et, surtout, par le peuple d’Afrique. Il faut des referendums pour une appropriation de cette
unité par les peuples. C’est par ces mêmes peuples, de part et d’autre des frontières, que nous pouvons rassembler l’Afrique.
Hutu et tutsi : Rwanda Burundi, Congo
Malinké : Guinée, Mali, Sierra Leone, Côte d’Ivoire, Burkina
Diolas, mandingues, mandjacks : Gambie, Sénégal, Guinée-Bissau
Yorubas : Bénin, Nigeria
Ashanti : Côte d’Ivoire, Ghana
Ewé : Togo, Ghana
Djermas : Bénin, Burkina, Niger
Touareg : Algérie, Mali, Mauritanie, Niger
Bantu : Rdc, Congo Brazza
Baka : Gabon, Cameroun
Peulhs : Mauritanie, Sénégal, Mali, Tchad, Guinée, Guinée-Bissau, Sierra-Leone, Liberia, Burkina, Niger, Centrafrique,
Cameroun Il me semble que c’est avec la culture qu’il faudra construire les fondations de cette nouvelle Afrique. La culture
engendre le respect, et rassemble les peuples, et si nous nous respectons, nous pourrons avancer. Il est temps que tombent
les murs, nos ‘murs de Berlin’. Il faudra donc plus qu’un monument pour que renaisse l’Afrique de ses cendres, car elle a été
brûlée et se consume encore, le feu étant ranimé par ses propres enfants.
Oui, il faudra plus qu’un monument pour que renaisse l’Afrique à moins que celui-ci ne soit le creuset et le lieu
d’émancipation d’une Afrique multiple et plurielle, où chaque Etat pourra garder sa particularité, mais voir en l’autre, un
alter ego, un autre lui-même, où viendront se fondre et s’imbriquer les unes dans les autres et former une gigantesque
mosaïque, des différences constructives et enrichissantes, où l’Afrique blanche, l’Afrique noire et l’Afrique de la diaspora
trouveront leur point de jonction, pour que vive une Afrique unie débarrassée de ses complexes et de ses marques péjoratives,
de ses réunions sempiternelles qui n’aboutissent pas, où les intellectuels de ce continent prendront la place qui leur
revient, loin de la politique, celle qui ne gère pas la cité, pour construire une Afrique indivisible, désormais libre de
penser et d’actionner les leviers de son développement, affranchie du poids psychologique de la colonisation, de l’esclavage,
mais aussi des dictatures, de la tolérance qui marginalise, de l’exotisme dégénéré, des guerres tribales et ethniques, et
ouvrir des perspectives, prendre la place qui lui revient dans le concert des nations, imposer sa loi et son veto, défendre
et exporter ses intérêts, inverser le cours des termes de l’échange, unie, respectable et respectée. C’est aujourd’hui, ou ce
ne sera jamais.
Nous sommes au point de non-retour, à la croisée de la ‘désormais acquise mondialisation’. Aussi, et par-delà toute
polémique, en particulier celle que relève le manque de consensus (entre autres le hold-up opéré contre les artistes du
continent à qui il a été enlevé le droit à faire valoir leurs compétences), retenons la symbolique et l’idée tant soit peu
généreuse ; faisons jouer la présomption d’innocence. Or donc, il ne tient qu’à nous de faire en sorte que ce monument ne
soit pas simplement une sculpture, cristallisation de toutes nos différences et de nos mégalomanies brandies comme des armes
pour marquer nos frontières qui sont des ruptures ; rupture avec l’économie mondiale, frontière de politiques inadaptées,
frontière sociale avec des Smig bas, frontière de cette Afrique pétrifiée, sculptée, marginalisée, stigmatisée, figée à
l’intérieur de tous les maux et mots que nous ressassons comme un leitmotiv : esclavage, colonisation, décolonisation,
recolonisation, néocolonialisme, mondialisation, qui traduisent un désir plaintif de reconnaissance. Souvenir oui, vigilance
oui, souvenir obsessionnel non.
En l’occurrence, c’est le présent qu’il nous faut gérer, à partir des conséquences encore visibles de ces maux, certes.
L’Afrique dépeuplée est aujourd’hui sous-peuplée, mais compte sur sa jeunesse. Les Indiens ont été déstabilisés, les
Africains sont en passe de l’être, de manière plus subtile. Nos mains ont été attachées derrière le dos et nous avons été
‘vaccinés au sida’. Notre jeunesse et notre avenir en pleine croissance sont menacés par des intrants qui nous viennent
d’ailleurs et nous éloignent de nos objectifs premiers, (homosexualité, drogue, argent, etc.). Cette jeunesse en construction
est fragile, elle n’a pas été armée pour faire la part des choses. L’arbre qui grandit, doit être protégé par des brises
vent, et contre les intempéries. Nos gouvernements doivent faire de leur jeunesse, ce capital humain, la priorité absolue.
C’est par elle et pour elle que viendront et naîtront les bourgeons qui fleuriront demain : Nouvelle conscience, libre et
libérée de nos extravagances, de nos superflus, de nos artifices, les nôtres propres et ceux des autres, qui allument les
feux.
Les jeunes ont la générosité que nous adultes n’avons pas, ils ont la candeur qui fait briller les cœurs, et monter les
chœurs vers les cimes. Ils ont l’audace. Ils ont l’ouverture et la spontanéité, la curiosité que nous n’avons pas, la
témérité. Ils ont l’expérience que nous avons, puisqu’elle est devenue si transparente, si translucide. Ils ont l’avenir
devant eux et la fougue, et même la sagesse que nous n’avons plus.
‘Quand les sages sont au bout de leur sagesse, il convient d’écouter les enfants’, a dit Georges Bernanos. L’Afrique de
demain est la leur. Car quand s’éteindront les lampions de l’enthousiasme fébrile et théorique, et se tairont les tabalas,
tam-tams, koras et balafons, il ne restera que le silence et nos pas, le silence de nos pas, le silence et nos pas, le
silence de nos pas.
Pour finir, laissez moi emprunter au président poète (LSS) cette maxime ; ‘Nous n’héritons pas de la terre de nos parents,
nous l’empruntons à nos enfants.’
Mme Tavares Noëlle S. DEGBOUE Ouakam - Mamelles hybrides2000@yahoo.fr