Ecole sénégalaise d'hier à aujourd'hui
Ecole sénégalaise d'hier à aujourd'hui : Le regard croisé des anciens et des jeunes enseignants
Un panel a réuni, avant-hier, les enseignants de l’ancienne et de la nouvelle génération autour d’un thème d’actualité : ‘L’école sénégalaise d’hier à aujourd’hui : le rôle de l’enseignant dans la société’. Organisé par l’Association nationale des anciens porteurs de pancartes, ce panel a été l’occasion saisie par les uns et les autres pour mettre en exergue les différentes évolutions qui ont marqué la profession.
Dans le cadre des activités marquant l’anniversaire de l’Association des porteurs de pancartes que dirige Me Mbaye Jacques Diop, un dîner débat a réuni les acteurs de l’école sénégalaise, avant-hier, dans un hôtel de la place. Le thème choisi portait sur ‘l’école sénégalaise d’hier à aujourd’hui’. Pour Me Mbaye Jacques Diop, président de l’Association nationale des porteurs de pancartes, il était opportun de s’interroger sur la crise profonde que traverse l’école sénégalaise ces dernières années. Les panélistes étaient composés d’enseignants représentant l’ancienne et la nouvelle génération. Ce qui a donné l’occasion à un débat fort intéressant entre ‘conservateurs’ de la bonne vieille méthode et les ‘modernes’.
Prenant la parole en premier, le Pr Mamadou Diouf, professeur d’histoire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar qui jouit d’une longue expérience de plus de quarante ans dans l’enseignement, a fait remarquer d’emblée que ‘depuis une vingtaine d’années, nous instruisons plus que nous n’éduquons’. D’après lui, c’est pourquoi les citoyens qui sortent de l’école aujourd’hui ignorent certaines valeurs de citoyenneté et de civisme. En bon historien, le Pr Mamadou Diouf situe cette transformation négative de l’école sénégalaise dans les années 1990 avec l’avènement des fameux programmes d’ajustement structurel. ‘Avec les programmes d’ajustement structurel, l’école était la seule officine qui recrutait dans le pays. Par conséquent, tous ceux qui étaient destinés à faire de l’argent, se sont engouffrés dans l’enseignement. Depuis lors, bonjour les dégâts !’, souligne-t-il.
En écho, Abibatou Mbaye, instructrice à la retraite sortie de l’Ecole des jeunes filles de Rufisque, embouche la même trompette. Selon elle, c’est avec les programmes d’ajustement structurel que l’école sénégalaise a commencé à se dégrader avec un recrutement massif d’enseignants mal formés et mal payés pour atteindre un taux de scolarisation universel. A cela s’ajoute le fait, selon Mme Ndiaye, qu’aujourd’hui, on n’embrasse plus le métier d’enseignant par vocation. Et c’est ainsi que, d’après la présidente de la Fédération des organisations féminines du Sénégal (Fafs), ‘on considère les enseignants d’aujourd’hui comme des mercenaires qui courent derrière les cours particuliers. C’est ce qui explique les mauvais résultats dans le public actuellement’, dit-elle avec force conviction. Pour elle, il en a découlé un laxisme dans le public au point que c’est la ruée des parents d’élèves vers le privé. ‘Aujourd’hui, les écoles sont prises en otage par les syndicats qui font des débrayages à tout bout de champ au détriment des élèves. Or ces méthodes de lutte étaient l’apanage des entreprises pour faire pourrir la matière première’, dénonce-t-elle avec la dernière énergie.
De son côté, Ibrahima Thiam, professeur de mathématiques symbolisant la jeune génération d’enseignants, s’est défendu du mieux qu’il a pu. Selon lui, il est difficile de comparer les enseignants d’hier à ceux d’aujourd’hui pour la simple raison que ceux d’aujourd’hui subissent l’évolution de la société, surtout de la famille qui, d’après lui, ne prend plus en charge l’enfant. ‘Aujourd’hui, ce n’est pas l’école comme cadre éducatif qui est seulement en cause. La famille aussi a démissionné. Ainsi, dès l’âge de 2 ans, les familles veulent se débarrasser de l’enfant en le mettant à la maternelle’, déplore-t-il. Il s’y ajoute qu’à son avis, si l’enseignant d’hier était un modèle de réussite sociale, on ne peut pas en dire autant pour celui d’aujourd’hui. Sans tenir compte de l’évolution médiatique avec l’apparition de nouveaux modèles sociaux dans les domaines du sport, de la chanson, etc., au point que la réussite à l’école est reléguée au second plan.
Mamadou SARR