Six départements ministériels et cinq ministr
La politique du ping-pong gouvernemental à propos des Biocarburants : Six départements ministériels et cinq ministres titulaires différents en trois années
Le remaniement gouvernemental du 3 décembre dernier constitue le dernier acte de la longue marche expérimentale que poursuit le département des Biocarburants. Apparu pour la première fois dans l’organigramme gouvernemental il y a exactement trois ans (décret n°2006-1315 du 23 novembre 2006) avec le ministère de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire de Farba Senghor, le terme biocarburant sera dissous seulement cinq mois plus tard dans le ministère des Energies renouvelables (décret n°2007-420 du 23 mars 2007). Ce département nouvellement créé est occupé par Christian Sina Diatta et marque son retour au gouvernement après un premier limogeage en juillet 2005 (décret n°2005-626 du 14 juillet 2005).
Moins de trois mois après, Hadjibou Soumaré est nommé Premier ministre et lors de la formation de son premier gouvernement (décret n°2007-828 du 19 juin 2007), le portefeuille des Energies renouvelables n’est pas pourvu et Christian Sina Diatta est limogé pour la deuxième fois. Mais moins d’une semaine après sa formation, le premier gouvernement de Hadjibou Soumaré connaît son premier réaménagement avec le retour de Christian Sina Diatta au département des Biocarburants et des Energies renouvelables (décret n°2007-830 du 25 juin 2007). Il faut dire que le cri de détresse de l’association Présence chrétienne (voir Wal Fadjri du 23 juin 2007), frustrée par la présence d’un seul ministre catholique, est passé par là. C’est donc grâce au coup de pouce de Présence chrétienne, comme s’il existait un supposé quota catholique dans le gouvernement, que Christian Sina Diatta retrouve l’équipe de Hadjibou Soumaré. Chemin faisant, cette situation exige alors le retour du département des Energies renouvelables couplé cette fois-ci avec les Biocarburants. Une bizarrerie d’ailleurs puisque la redondance est manifeste, les biocarburants étant des énergies renouvelables. Ces légèretés constatées dans l’agencement de l’organigramme gouvernemental nous amènent à nous poser des questions quant aux réelles motivations de l’Etat du Sénégal et de ses hautes autorités à promouvoir les biocarburants et, de manière plus générale, les énergies renouvelables.
Le ping-pong gouvernemental des Biocarburants et des Energies renouvelables continue de plus belle, car six mois plus tard, ils sont associés au département de la Recherche scientifique (décret n°2007-1452 du 3 décembre 2007). En effet, entretemps, l’ancien Premier ministre Macky Sall n’était plus en odeur de sainteté auprès du président de la République et naturellement le processus de ‘démackysation’ du gouvernement s’opère rapidement et se traduit par le limogeage de Yaye Kéne Gassama Dia, fille de l’homonyme et parrain dudit ancien Premier ministre. Lors de ce réaménagement, le portefeuille ministériel demeure sous la houlette de Christian Sina Diatta qui le gardera encore pour dix-huit mois, avant de se faire limoger pour la troisième fois en mai 2009.
Ainsi, avec le premier gouvernement de Souleymane Ndéné Ndiaye, les Biocarburants carburent à nouveau et migrent vers le ministère de l’Energie, exit les Energies renouvelables (décret N°2009-484 du 24 mai 2009). Samuel Sarr est titulaire du poste mais, probablement surchargé et fatigué par le fait d’acheter le combustible de la Senelec au jour le jour, il abandonne très vite le département des Biocarburants qui retrouve, à cette occasion, ses premières amours, le ministère de l’Agriculture de Fatou Gaye Sarr en l’occurrence (décret n°2009-1080 du 1er octobre 2009). Mais, chassez le naturel, il revient au galop ; infidélité oblige, les Biocarburants divorcent de nouveau d’avec l’Agriculture pour convoler en justes noces avec la Pisciculture (décret n°2009-1381 du 3 décembre 2009). Le nouveau portefeuille est confié à Thérèse Coumba Diop qui, au contraire de ses militants, accepte le poste probablement pour satisfaire au respect du toujours supposé quota catholique gouvernemental. De toutes les façons, il faut bien une prêtresse, à défaut d’un prêtre, pour célébrer les fiançailles.
En définitive, nous constatons les statistiques effarantes suivantes : en trois ans (novembre 2006-décembre 2009), les Biocarburants ont été intégrés à six départements ministériels, gérés par cinq ministres titulaires différents et sont disparus momentanément des tablettes du président de la République de mars à juin 2007. Quelle efficacité espérer dans une telle instabilité et une telle irrégularité ?
Nous allons, par un simple, exemple montrer qu’il n’y a aucun sérieux dans la politique gouvernementale des énergies renouvelables. En parcourant le décret n°2009-459 du 7 mai 2009 portant répartition des services de l’Etat entre la Présidence de la République, la Primature et les ministères, nous constatons que la Direction des énergies renouvelables et la Direction des biocarburants et de la biomasse sont intégrées pour la première fois au ministère de l’Energie. Au mois d’octobre, alors que les Biocarburants retrouvent l’Agriculture, seule la Direction des biocarburants et de la biomasse est extirpée (décret n°2009-1085 du 5 octobre 2009 modifiant le décret n°2009-459 du 7 mai 2009), la Direction des énergies renouvelables demeurant au ministère de l’Energie. Une année auparavant, les deux directions se trouvaient dans un même et unique ministère, celui de la Recherche scientifique (décret n°2008-1026 du 10 septembre 2008).
Ainsi, c’est toute l’espérance d’un renouveau énergétique dans le futur qui se trouve hypothéquée par l’aveuglement d’une politique faite d’incohérences et d’irresponsabilités.
Pierre-Georges SENE Etudiant pgeorgesene@yahoo.fr