SUR NOS MAUX
L’exigence de transparence au sein des institutions de la République
HAIDAR EL ALI, HOMME POLITIQUE, PLONGEUR BIOLOGISTE, SPECIALISTE DE L’ENVIRONNEMENT
MARIN
« Depuis l’avènement de l’Alternance, le Sénégal vit une civilisation du « Jiroo »
Par Mame Aly KONTE | SUD QUOTIDIEN | vendredi 7 septembre 2007
Taillé pour tout ou presque, l’homme se dit self made man. Quand on lui demande
comment il en est arrivé à la plongée sous-marine, Haidar El Ali, vous affirme
lui-même qu’il est autodidacte, simple passionné de l’environnement. Grippé et assis
sur un petit siège en face de l’océan, celui qui nous reçoit dans son fief à
l’Oceanium de Dakar ce jeudi matin est un homme déçu par l’alternance. Un autre
serait-on tenté de dire. Le temps de dénoncer deux ou trois choses, le voilà en
pirogue, qui repart pour une nouvelle randonnée en mer pour oublier un peu toutes
ces petites affaires qui se passent sur terre et qui l’empêchent de dormir. Mais,
toutes ces facettes cachent encore nombre de zones peu connues du parcours peu
commode de cet autodidacte, homme politique natif de la ville continentale de Louga
et qui parle de l’océan comme s’il y était né. Haidar est aussi un défenseur des
libertés citoyennes et de l’écologie politique. Il y croit toujours. Il se bât et
rêve d’une nouvelle révolution, seule pourrait sauver le Sénégal.
Sud Quotidien : M. Aidar, beaucoup de vos compatriotes sénégalais vous ont découvert
un jour au bord de la mer en tenue de plongée ou en séance d’explication avec les
pêcheurs. Qui êtes vous ?
Haidar El Ali : Pour parler de moi, je dirais simplement que je suis un passionné de
la mer qui est arrivé ici à l’Océanium de Dakar en 1985 après d’autres avant moi
comme Philipe Courbet, comme un professeur de biologie à l’Université de Dakar qui
s’appelait qui ont eu l’idée de mettre sur pied cet établissement. J’avais déjà une
bonne connaissance de la mer et je connaissais déjà les grandes espèces de la flore
et de la faune marine. J’ai ainsi cheminé avec ces personnes avant que tout cela ne
tombe entre les mains. Je suis ainsi un porteur d’idées au sein de l’Oceanium pour
la défense de l’environnement marin. En essayant de montrer aux gens la dégradation
que subit ce même environnement et en communiquant autour de la question.
SQ : Est-ce que vous avez toujours résidé sur ce lieu ? Comment vous êtes arrivé ici ?
HEA : Alors il faut dire qu’à l’époque à nos débuts, nous étions logés au Savana.
Moi, j’ai grandi ici à côté de l’Anse Bernard, il y avait ici aussi le Lido, et
j’étais un nageur dans l’équipe du Foyer France Sénégal, qui a fini par fusionner à
l’époque avec les Espoirs pour devenir aujourd’hui le Jaraaf. Tout cet environnement
avec le fait que je cotoyais la mer, qui était presque devenue mon univers naturel,
a fait que j’ai vécu la mise sur pied de l’Oceanium de Dakar comme un aboutissement
de quelque chose. Il faut dire que pour moi qui sillonnais les régions du Sénégal,
je savais quand même beaucoup de choses, mais je n’arrivais pas à le dire. C’est
dans ce contexte que l’Hôtel Savana nous a aidé dans un premier temps à nous
installer en son sein avant qu’on ne soit installé ici. Il faut d’ailleurs dire que
le Savana nous a énormément appuyé à l’époque en logistique et tout ce qui s’ensuit.
Mais, il fallait reconnaître avec tout ce qu’on avait envisagé de faire que l’espace
était devenu trop petit. C’est pour répondre aux besoins énormes de la défense de
cet environnement marin que nous avons fini par venir ici. Et aujourd’hui, nous
poursuivons naturellement notre développement.
SQ : Qu’est-ce que vous faites réellement dans l’Oceanium ? De la formation et de
l’information seulement ? Quelles sont les missions de votre structure ?
HEA : Notre première mission, c’est la connaissance et la protection de
l’environnement. Il faut préciser qu’au départ, c’était exclusivement
l’environnement marin. Mais aujourd’hui, il s’agit de l’environnement en général. On
se bat sur plusieurs fronts et pour vous donner un exemple, nous créons des aires
marines protégées, comme celle qui se trouve dans le delta du Saloum, le Bamboung,
avec des méthodes participatives en allant vers les populations, pour les amener à
mieux gérer les ressources. Nous avons aussi en Casamance initié des pépinières où
nous produisons 30.000 arbres que nous donnons gratuitement. Nous sommes sur la
réalisation à l’entrée de Ziguinchor, de 64.000 pieds de mangrove qui sont entrain
de pousser. Et le 9 septembre prochain, nous allons vers un autre projet plus
ambitieux d’un million de pieds de mangrove dans les régions de Ziguinchor et de
Kolda. Notre souci est d’agir activement pour le bien être de la population. Et le
mot actif est pour nous très très important. C’est à dire, l’environnement, il faut
arrêter d’en parler ; il faut agir plus efficacement pour lui.
« Au-delà des discours, qu’est-ce qu’on fait pour la planète ? »
SQ : Au Sénégal et en Afrique, on ne doute plus de la pertinence des mots que vous
utilisez et des idéaux que vous défendez à ce niveau. Qu’est-ce que cette sorte de
notoriété qui ne dit pas son nom, représente pour vous ?
HEA : Elle ne fera pas qu’il y aura plus d’arbres plantés demain. Et que la mer sera
mieux protégée. C’est l’action qui compte. Maintenant, cette reconnaissance est que
notre idéal à nous (c’est-à-dire l’écologie), sera mieux compris de l’opinion. Et
elle permettra de faire porter notre message. Cela nous paraît important. Il faut
surtout dire que c’est le fruit d’un combat de très longue haleine. Et depuis le
début nous le portons au sein de l’Oceanium depuis sa création dans l’optique de la
défense de l’environnement. Si vous prenez par exemple les feux de brousse au
Sénégal, nous savons qu’il y a quelque 1500 départs de feu qui sont déclenchés tous
les ans. Sans que cela ait l’air de préoccuper le ministère de l’Environnement, ni
le gouvernement ni personne. Surtout quand on sait que le pays dispose d’instituts
et de centre de recherche sur la protection de l’environnement, comme l’Institut des
sciences de l’environnement, le Centre de suivi écologique. Et le plus grave est que
l’action même de mettre sur pied un système de protection à travers les pare-feux
semble ne pas exister. Nous élargissons donc la base de notre action pour continuer
notre travail et notre œuvre. Et c’est cela qui fait aujourd’hui que les médias ont
cette reconnaissance et qui de plus en plus vont à la recherche de gens qui au-delà
des discours sont dans l’action. D’ailleurs, qu’est-ce qu’on fait pour la planète ?
Une planète qui aujourd’hui subit la pression de l’industrialisation, de la
surconsommation. Ce qui fait que le monde est entrain d’être divisé entre un groupe
de peu de gens qui ont les moyens et qui représentent un petit pourcentage de la
population et un autre groupe composé de la grande masse qui survit et qui supporte
les dérèglements écologiques créés par cette surproduction industrielle.
Aujourd’hui, on parle du manque d’eau, de la fonte des glaciers, de l’avancée de la
mer, de la fin progressive des ressources pétrolières et les cours qui sont entrain
de monter. Mais, les conséquences, nous les partageons avec eux alors que nous ne
sommes pas les principaux responsables du dérèglement climatique. Voilà le vrai
problème de la planète et malheureusement, nos dirigeants politiques n’ont pas cette
vision.
SQ : Cela fait quand longtemps que les mêmes sujets, les mêmes peurs sont brandis
pour toucher le mal et faire comprendre la gravité de la situation et l’importance
de l’écologie politique. Est-ce que vous n’êtes fatigué de parler dans le vide.
Croyez vous que les Sénégalais vous écoutent ?
HEA : Ce n’est pas le Sénégal qui doit nous croire ou non. Je crois que le monde vit
aujourd’hui trois grandes civilisations. Il y en a une que je peux appeler la
civilisation du loisir. Ce sont tous ces pays développés qui ont assuré leur
arrière, leur sécurité, défenseurs de la bombe nucléaire, de superpuissance
nucléaire, où le chômage n’est pas le vrai problème, (entre 5 et 10 %). Ils ont des
ressources qui leur permettent d’assurer la sécurité sociale des citoyens. Donc ces
pays vivent une civilisation du loisir. Les populations attendent ainsi le week-end
pour s’éclater, les fins de mois pour toucher leur salaire, les vacances de
familles, de copains ou de fin d’année, pour s’amuser parce que leur arrières sont
assurés. A côté de celle là, se trouve une autre forme de style de vie, qu’on peut
appeler la civilisation de l’accumulation. Ce sont tous ces pays qui ont une grande
richesse et qui ne disposent d’aucune sécurité. C’est le cas d’entités pétrolières
comme les émirats de Dubaï, d’Arabie Saoudite, qui vivent dans une certaine
stabilité garantie par les Américains. Sinon, ils sont tous menacés sur leur trône.
Ils vont certes générer beaucoup de revenus, mais ce capital, ils ont besoin de le
protéger. Ils vont l’accumuler parce que demain, s’ils ont besoin de faire un
certain nombre de choses, ils vont prendre l’avion et le faire ailleurs. Ça pourrait
être l’exemple de nos dirigeants aujourd’hui ou d’un certain nombre d’hommes
d’affaires africains qui sont très riches mais qui n’en profitent pas réellement
parce que leur vie n’est pas tranquille. Et enfin, la troisième civilisation est
celle de la survie. Ces tiers et quart-mondistes n’ont qu’un seul besoin : manger et
se soigner. Aujourd’hui, la grande population dans nos pays n’a besoin que de cela.
Comment voulez-vous que ces gens là qui sont la grande population sénégalaise
d’aujourd’hui, mais aussi ces Hindous, chinois, pakistanais aient des préoccupations
de gestion durables des ressources, de confort et de lendemains meilleurs si leur
quotidien même est une source de préoccupation ? C’est cela qui me permet de dire
que c’est le mode de fonctionnement de la planète qu’il faudrait remettre en
question et revoir. Nous avons développé un système de développement (j’utilise
d’ailleurs très difficilement ce mot) n’est pas adapté à la planète. Il n’est ni
participatif, ni juste, ni équilibré avec le monde. Nous pouvons vivre pourtant dans
un monde plus juste et plus équilibré, mais, nous n’avons pas encore cette vision
qui elle est écologique.
« D’ailleurs qui dit aujourd’hui « Bayilène pabi mou liguey » (laisser le vieux
travailler). Moi, je n’entends plus ça. Je crois que tous ceux disaient ces mots
avant sont aujourd’hui préoccupés par le prix du riz, du pain, du lait et le du gaz
qui connaît de fréquentes pénuries. »
SQ : Alors vous me donnez raison en avouant que les gens ne pensent aujourd’hui
qu’au ventre avant toute chose ?
HEA : Non, les gens ne pensent pas au ventre. On fait subir à ces mêmes gens, un
mode de fonctionnement qui n’est pas adapté avec le libéralisme. C’est-à-dire que
les multinationales qui dirigent aujourd’hui les politiques et le monde. Et, elles
ne le font que pour la simple croissance de leur entreprise et leur bénéfice. Est-ce
que vous savez ce que gagne un dirigeant des grandes sociétés ? Et à que représente
pour eux, la vie d’un monde qui n’est pas fonctionnel ? Et c’est ce mode qui fait
que nous sommes obligés de penser à notre quotidien. À côté de cela je ne peux pas
comprendre face à autant de richesses qu’il y ait encore des gens obligés de faire
quinze kilomètres pour avoir de l’eau à boire. Un Américain va produire 20 tonnes de
CO2 en plein désert de l’Arizona, devant les machines à sous, les tours de casinos
super climatisés pour un coût énergétique extrêmement important seulement pour le
confort d’une élite soi-disant. Pour seulement des gens qui ont tué la planète pour
générer des revenus. Ce qui fait que les jeunes n’ont plus d’avenir dans ce pays. Il
n’y a rien devant eux et voilà pourquoi ils prennent les pirogues. Pourquoi
d’ailleurs ne pas penser à un développement plus global en direction des masses au
lieu de penser à un développement localisé autour du bien être d’une certaine élite.
SQ : En dépit de ces remarques fort intéressantes, certaines personnes continuent à
demander qu’on laisse le « vieux » travailler ? Que vous inspire cette sorte de
méprise qui ne dit pas son nom ?
HEA : Mon premier sentiment est que le groupuscule de gens qui pensent comme ça fait
partie de ceux qui mangent. L’autre sentiment est que très souvent, ils sont
manipulés et n’ont de ce fait, aucune vision sur le long terme. Parce que quand on
gère un pays, c’est au quotidien qu’il faut le faire pour que ce que ces gens
puissent le trouver tous les jours à manger et que cela soit à la portée de leur
bourse. Que leurs enfants puissent également aller tranquillement à l’école. Ça
maintenant, c’est avec une certaine vision que ça se devrait se faire. Ce qui fait
que quand les enfants sortiront de leurs études, qu’ils trouvent un pays organisé
avec de réelles perspectives d’avenir. C’est de cette manière qu’il faut gérer un
pays pour rendre toutes ces choses plus accessibles à tous. Mais, en réalité, on ne
peut pas gérer un pays au quotidien avec comme un bâton magique qui ne devrait nous
mener que vers des catastrophes. Et d’ailleurs qui dit aujourd’hui « Bayilène pabi
mou liguey » (laisser le vieux travailler). Moi, je n’entends plus ça. Je crois que
tous ceux disaient ces mots avant sont aujourd’hui préoccupés par le prix du riz, du
pain, du lait et du gaz qui connaît de fréquentes pénuries. Et au Sénégal, quand le
gaz manque, on se tourne vers le charbon ; mais là aussi le prix du sac de charbon
est passé de 1500 à 3000 francs. Ces mêmes personnes sont aujourd’hui préoccupées
par le foin qui manque pour le bétail, par l’eau aussi qui connaît de problèmes de
distribution. Aujourd’hui, au Sénégal, les gens sont plutôt préoccupés par toutes
ces choses concrètes et non par l’autoroute, et par d’autres projets du genre. Ceux
qui disent cela sont des partisans qui sont manipulés et qui se gavent comme les
autres.
SQ : Revenons encore sur les travaux entrepris par le président Wade et l’Anoci.
Aujourd’hui, entre les zones d’alimentation en sable et latérite, et celles qui sont
traversées par les projets, on ne peut pas dire qu’on ne crée pas de véritables
écologiques. Mais, personne ne dit rien. Pourquoi ?
HEA : La plupart du sable prélevé à Dakar vient de Cambérène. Il y a aujourd’hui
quelque 400 camions qui prélèvent 7000 mètres cube de sable par jour sur le littoral
de Cambèrène. Bien sûr que tout le monde sait que toutes les presqu’îles tendent à
devenir des îles avec le temps. On parle de centaine d’années, mais nous, au lieu de
freiner le mécanisme, nous le favorisons. Nous avons vu récemment ce qui s’est passé
à Rufisque dans le quartier de Thiawlène avec les vagues et la houle qui ont envahi
le cimetière. Nous voyons régulièrement sur la Petite côte beaucoup de maisons
disparaître le long du littoral. Tout cela n’est que le fait de ce prélèvement du
sable marin pour l’Anoci, les constructions et autres buildings. Il faut dire qu’il
y a des tonnes et des tonnes de sable qu’on pourrait prélever sans dégrader
l’environnement. Ce sont aussi les sables qui envahissent les périmètres de Kayar et
de Lompoul. Il faut à ce point dire aussi que le sable du désert de Mauritanie
arrive sur nos côtes. Et c’est d’ailleurs pour cela que dans les années 50, les
colons qui avaient une vision du long terme mieux équilibrée que nous hélas, ont eu
l’idée de planter cette rangée de filaos aux abords des dunes qui protégeaient le
littoral. Aujourd’hui, ceux-ci sont entrain d’être dégradés et déracinés par tous
ces gens qui prélèvent le sable. Première conséquence écologique.
L’autre chose est qu’ils prélèvent le sable de manière anarchique moyennant une taxe
payée à l’Etat. Et quand vous faîtes payer une taxe à des gens, on ne peut faire
croire que leurs actes sont interdits. Conséquence, il y a 400 camions qui passent
tous les jours devant les gendarmes et devant toutes les autorités de ce pays. Alors
qu’on ne nous parle pas d’interdiction. Il y a enfin le problèmes des dunes de
Lompoul et Kayar qui envahissent les périmètres maraîchers. Là, on pourrait bien
prélever pour sauver ces paysans à qui ça rendrait service.
Mais, ils n’y vont pas parce que ça coûte cher en gasoil. Donc, il faut aller plus
près. Et cela aussi bien pour l’Anoci que pour le reste. Mais, savez-vous que pour
faire les travaux d’agrandissement en cours au port, la société marocaine a prélevé
des tonnes de cailloux ici sur le Cap Manuel dans un périmètre qui est classé. Mais,
tout le monde s’en fout parce que l’autorité est là. Et derrière le pays, vous savez
qui il y a.
SQ : Vous parlez des lobbies et des nouveaux maîtres de l’argent ?
HEA : Oui, il y a les maîtres de l’argent mais aussi de la carabine. Vous vous
souvenez à Kolda que dans les jeunes ont manifesté c’est à coup de kalachnikov qu’on
les a descendus.
SQ : On ne peut pas finir cet entretien sans aborder la question foncière au centre
de tous les enjeux à Dakar. On remblaie des terres non aedificandi du côté de Ngor,
on spécule sur des sites naguère protégés. N’est-on pas face à une sorte de
gangstérisme qui ne dit pas son nom ? Et jusqu’où iront les gens qui semblent avoir
comme seul credo de s’accaparer de toutes les surfaces disponibles avant que
d’autres n’arrivent ?
HEA : Depuis l’avènement de l’Alternance, le Sénégal vit une civilisation du « Jiro
». C’est le jiro* et du ngayo*. Pour dire que le pire est devant nous. Et quand ces
gens partiront, on se rendra compte des niveaux d’endettement qu’ils auront amené
dans le pays. Des niveaux de dégradation du système de l’administration, de
l’économie de ce pays. Maintenant, pour l’occupation du littoral et du foncier, tout
le monde le vit tous les jours. On a vu pousser comme des champignons toutes ces
parcelles du littoral attribuées on ne sait pas trop comment. Et tout cela sans
aucun respect de la loi. Parce que la loi dit que pour faire des travaux, il faut
une étude d’impact sur l’environnement. Ce n’est pas le cas ici. L’exemple que vous
citez sur le virage de Ngor, ça va être comme pour le cas de Médina Gounass. On va
permettre à des gens d’occuper des parcelles sur des zones inondables par exemple le
lit d’une rivière. Et quand on va avoir de grandes périodes pluies, les maisons vont
s’effondrer parce que la rivière va retrouver son lit et les gens vont encore courir
vers l’Etat pour lui demander de les aider. C’est un peu n’importe quoi d’occuper
ces espaces alors que Dakar n’a même plus d’espaces verts ; et ce qui reste des
forêts classées est entrain d’être grignoté. Même la Corniche qui était épargnée en
étant le seul espace vert du centre est complètement envahie. Vous avez vu que même
le Terrou-bi, on lui a attribué le domaine du Parc des îles de la Madeleine. Et
c’est ainsi que des périmètres, des hectares de plages qui étaient là pour les
enfants, les jeunes disparaissent progressivement. Et les jeunes n’ont plus
d’espaces de jeux dans la ville. Alors qu’on me démontre que ce n’est pas cela la
civilisation du « jiroo ». Parce que d’abord, ils savent qu’ils finissants. Ensuite,
vieillissants et enfin (excusez moi de l’expression), terminants. Il faut donc
qu’ils fassent tout avant.
SQ : Face à tout cela que dites-vous aux Sénégalais qui ne connaît pas grand-chose
des questions que vous évoquez et des conséquences de leur acte quotidien sur la vie
de la cité ?
HEA : D’abord, qu’ils doivent comprendre que l’environnement est une chose à
respecter. Parce que quand on a atteint un seuil de non retour par exemple dans la
gestion du Thiof, du littoral, des forêts, la pollution d’une nappe phréatique, nos
moyens d’aujourd’hui (économie, potentiel humain réunis) ne nous permettraient pas
de faire revenir la nature à la situation d’avant. C’est pour cela qu’il nous faut
faire attention avant d’atteindre ce seuil critique. Nous devons faire attention
pour le respect de nos nappes phréatiques, de l’eau douce, le ramassage des ordures
etc. Maintenant, les populations ne peuvent être dirigées et orientées que par des
hommes et des femmes de valeur. Comment Mandela a fait pour sortir l’Afrique du Sud
de la haine raciale et de l’Apartheid ? Comment Gandhi a fait également sortir
l’Inde du joug britannique ? Ce sont des questions dont nous avons les réponses. Et
comment se fait-il que nous, nous ne puissions pas avoir notre Kwamé Nkrumah, notre
Sankara…
SQ : N’êtes-vous pas entrain d’entrer comme une subite phase de folie à rêver de
tout et de rien devant la déception, M. Haidar ?
HEA : Je ne rêve pas. Je suis réaliste. Demain, émergera un Guillaume Soro de la
banlieue qui dira non et qui se battra pour relever la tête de tous ces jeunes. Il
ne peut en être autrement. Il faut ce déclic-là.
SQ : Vous continuez vraiment à rêver je crois. Vous pensez réellement que ce n’est
que par cette forme de réaction qu’on s’en tirera ? Avons-nous des jeunes aussi
éveillés et courageux pour faire ce déclic ?
HEA : Mais, comment elle arrivée en Côte d’Ivoire. Vous souvenez-vous de ce qui
s’est passé récemment en République de Guinée. Avez-vous vu comment Eli Mohamed Vall
a pris le pouvoir en Mauritanie et à rétablir la démocratie dans son pays. Pourquoi
à côté de chez nous, il y a des exemples d’hommes vrais et que chez nous, ça ne soit
pas le cas. Nous les aurons. Il faut croire, il faut avoir l’espoir. Et c’est de
cela que naîtra la possibilité de ce changement.
SQ : Revenons un peu sur terre. Pensez-vous aujourd’hui, être suffisamment écouté ou
entendu par les autorités quand vous abordez les questions de défense du cadre de
vie en général ?
HEA : Ma conviction est que les autorités actuelles n’ont pas le souci de m’écouter.
Vous savez quand je rencontre Djibo Ka, à l’époque ministre de la Pêche,
aujourd’hui, ministre de l’Environnement, à l’époque ministre de l’Intérieur du
Parti socialiste, je ne crois qu’il ait le souci de ce que je dis. Comme ministre de
la Pêche, il a visité l’aire marine protégée du Bamboung ; il a semblé ému et
émerveillé comme les autres, par cette réalisation mondialement reconnue. On pensait
que les arrêtés et les décrets des autres réserves et parcs seraient sortis… Mais
non !
Pareil pour la Présidence, la Primature. Nous avons parlé à tous les niveaux. Je
crois que l’administration aujourd’hui n’a pas le souci de nous écouter. Ce qui les
intéresse est de gérer leurs propres intérêts. Comme dans le cadre de l’attribution
des terrains qu’on a évoquée plus haut, dans la mise en place de chantiers à gros
sous. C’est cela leur intérêt et je crois que l’avenir du Sénégal n’intéresse pas
ceux qui sont là.
L’exigence de transparence au sein des institutions de la République
Par | | vendredi 7 septembre 2007 |
Avec la publication par l’Agence de régulation des télécommunications et des postes
de l’attribution d’une nouvelle licence globale pour les télécommunications, le
peuple soupçonne un acte de bradage comme ce fut avec la SONATEL qui selon plusieurs
spécialistes a été « donnée » à France télécoms par l’ancien régime, en témoigne
tous ces milliards que les français rapatrient grâce à la SONATEL chaque année. En
effet quatorze jours (du 17au 31Août 2007) paraissent insuffisants pour que tous les
candidats potentiels puissent être informés et préparer sérieusement leur
soumission, à moins qu’un candidat potentiel soit déjà ciblé et qu’ils ne fassent de
l’appel à concurrence une simple formalité légale.
A mon sens, une institution de régulation doit avoir pour credo la transparence et
l’équité comme notées dans la loi 2001-15 du 27 décembre 2001 portant code des
télécommunications et cela même si elle est sous le contrôle des pouvoirs publics.
D’autant plus que depuis 2001 la transparence et la bonne gouvernance sont devenues
des exigences constitutionnelles. Le peuple a le droit d’avoir a priori la bonne
information sur l’attribution des marchés publics et l’assurance de la transparence
et l’équité dans l’attribution de ceux-ci. Ne serait-ce que pour l’Amour du Sénégal,
les appels d’offres doivent respecter les lois et règlements en vigueur pour donner
le meilleur parti à notre pays.
Il faudrait éviter dans l’attribution des marchés publics d’attendre que la clameur
publique ne fasse état de magouilles pour contester et essayer de se justifier a
posteriori dans la presse qui en a fait sa Une .Ce fut le cas avec l’attribution aux
arabes du terminal à conteneurs au port autonome de Dakar. L’information doit être
en amont comme cela se fait dans les grandes démocraties et pas en aval.
La transparence doit être la matrice de toutes les nombreuses agences et non le
black-out sur leurs activités (qui se recoupent parfois) et la conclusion à tort ou
à raison de marchés de gré à gré devenus de plus en plus fréquents et qui comme on
le sait est la porte ouverte à toutes sortes d’abus. Parmi les vertus de la
transparence, figure la renonciation à la tortuosité qui peut tenter certains
fonctionnaires et autres commis de l’Etat. De plus en plus les populations sont en
train de perdre foi en leurs institutions dans la mesure où c’est devenu monnaie
courante dans la presse les révélations de scandales financiers perpétrés par des
mandataires du peuple sénégalais de haut ou de bas niveau ou d’attribution de
marchés de gré à gré avec un parfum de deal au détriment des intérêts du pays. Les
populations ont par exemple envie de savoir ce que sont devenus les milliards
précédemment alloués à l’APIX avant qu’elle ne soit mutée en une société anonyme !
L’absence de transparence et le mépris du peuple mandant mènent à l’arrogance, et
c’est cette arrogance qui a perdu le régime du parti socialiste en 2000.
Abdou Salam DEME
Cité Fadia Dakar
E-mail : asalaamdem@yahoo.fr
CONTRIBUTION
Conférence, assises ou concertations nationales ?
Par | | mercredi 5 septembre 2007
Ainsi donc, certaines composantes du Front Siggil Sénégal (FSS) ont enfin compris la
nécessité de définir clairement le contenu et les objectifs des assises nationales
dont il propose la convocation depuis plusieurs mois. En effet, jusqu’ici, la
démarche de FSS n’avait réussi qu’à dérouter la plupart des observateurs tant les
justifications de cette proposition étaient floues et les objectifs poursuivis
aériens. Le sentiment était réel que les leaders de FSS ne prenaient pas tellement
au sérieux leur proposition et qu’ils étaient juste en train de brandir un slogan
comme pour éviter de tirer le bilan de leur « tactique » suicidaire de boycott des
législatives du 3 juin dernier ou différer des décisions à prendre à propos des
élections locales prévues dans moins d’un an.
Après quelques rencontres avec des organisations de la société civile et autres
ambassades étrangères, il était évident que FSS ne pouvait plus poursuivre son
initiative sans définir le contenu de ces assises nationales. En ont-ils parlé à
l’interne ? Y a-t-il eu des divergences ? Le secret est bien gardé jusqu’ici.
Cependant, des divergences publiques se sont manifestées. Passons sur le communiqué
de la coalition Alternative 2007 définissant les assises nationales comme « une
révolution intelligente pour faire partir Wade ». Il le faut bien puisque le leader
de cette coalition n’a pas cru devoir assumer un élan révolutionnaire aussi tardif.
Le leader du Rta/S, auquel on peut tout reprocher sauf de manquer de suite dans les
idées, ne rate, lui, aucune occasion de décliner l’objectif de « faire partir Wade »
comme finalité de ces assises. Les autres gardent un silence têtu sur cette question
décisive, s’ils n’abreuvent pas les journaux de dénégations récusant toute intention
« subversive » de FSS. Si des assises nationales proposées dans un contexte aussi
apocalyptique que celui décrit par FSS n’ont aucune visée « subversive », mieux vaut
« sawi te tëri », pour ne pas dire aller se coucher tranquillement.
A réfléchir sur les considérations qui précèdent, il apparaît nettement que
l’incohérence de la proposition de FSS vient de ce qu’elle pose un (faux) problème
sans toutefois oser le trancher. Sa démarche ne peut donc que rester suspendue. FSS
conteste aussi bien la présidentielle que les législatives. Il dénie toute
légitimité aux institutions qui en sont issues. Il estime que l’économie du pays est
dans un gouffre insondable. Dans ces conditions, les assises nationales qu’il
propose comme panacée ne devraient sérieusement pas viser autre chose que la mise
sur pied de nouvelles institutions pour appliquer de nouvelles politiques. C’est ce
qu’ont fait toutes les conférences nationales tenues en Afrique dans les années 90 :
prendre le pouvoir et imposer des décisions, dans une démarche certes « subversive »
mais profondément démocratique. Evitant cette démarche que nul ne saurait envisager
dans le contexte actuel du Sénégal, FSS ne présente aucune alternative. Car si des
assises nationales s’interdisent de créer un pouvoir de fait, leur vocation ne peut
être que de proposer des recommandations à appliquer par le pouvoir démocratiquement
élu. Soit seul soit à travers un gouvernement d’union nationale. C’est cette
démarche qu’avait explicitement choisie Bokk Sopi Sénégal (BSS) en initiant une
Concertation nationale en 1994. Le premier secrétaire du Ps semble être tenté de
s’en inspirer mais, là aussi, il s’arrête à mi chemin et préfère noyer le poisson en
déclarant que les résultats des assises « seront toujours utiles au pouvoir ou à
l’opposition », ce qui est la preuve par quatre que FSS ne sait pas encore quoi en
faire.
Quand Tanor noie le poisson
Cette question de l’applicabilité des décisions d’éventuelles assises nationales
serait cependant la dernière à examiner selon un critère chronologique. La première
étant celle de la convocation de ces assises. Qui doit convoquer qui ? A cette
question aussi FSS n’apporte aucune réponse claire. Va-t-il prendre la
responsabilité de convoquer ? Au nom de quelle légitimité ? Va-t-il le faire en
association avec des organisations syndicales et civiles qui partageraient sa
démarche ? Compte-t-il demander au chef de l’Etat de prendre l’initiative de cette
convocation ? On ne sait. Pourtant, ces questions ne sont pas neutres. La nature des
assises proposées en dépend fortement. Si, comme certains leaders de FSS ont pu le
dire, aussi bien l’Etat que les partis de la majorité sont exclus a priori des
discussions (1), les assises ne pourraient faire autre chose que constituer un FSS
élargi autour d’un programme concerté en prévision des consultations électorales de
2012. Mais avec quel candidat ? Dans cette optique, ces assises ne seraient plus
nationales. Et les organisations officiellement non partisanes qui y participeraient
seraient confrontées à une gêne certaine. C’est peut-être pour leur éviter ce piège
que le Président Mamadou Dia, qui est incontestablement le théoricien et le
précurseur de la méthode des conférences nationales, a conseillé aux leaders de FSS
d’initier au préalable des actions populaires d’envergure aptes à convaincre le
pouvoir de souscrire à leur projet. Sage précaution, qui ne rencontre cependant
jusqu’ici d’autre écho que le silence embarrassé mais « intelligent » des leaders de
FSS qui connaissent bien les limites de leur capacité de mobilisation et de leur
crédibilité aux yeux des Sénégalais.
En vérité, les leaders de FSS ne comptent nullement sur l’appui du peuple sénégalais
pour arriver à leurs fins. Sinon, à défaut d’une grève générale, ils auraient au
moins tenté d’organiser un meeting national à l’appui de leur démarche. Le ton
jubilatoire de M. Ousmane Tanor Dieng, annonçant au sortir d’une rencontre avec la
délégation de l’Ue, l’éventualité de « sanctions européennes sévères contre le
Sénégal » montre bien qu’ils regardent ailleurs et espèrent d’ailleurs la courte
échelle dont ils rêvent. M. Dieng était si heureux qu’il s’est autorisé une
référence inappropriée à une certaine situation togolaise, … comme si quelqu’un
était mort au Sénégal. On comprend donc le dépit qui s’est emparé de certains après
la conférence de presse des experts de la Banque mondiale qui ont diagnostiqué une
relative bonne santé de l’économie sénégalaise, réduisant ainsi à néant l’effet des
campagnes acharnées de dénigrement dont les leaders de FSS se font les champions
depuis quelques années. Acharnement dans le dénigrement de son propre pays : voilà
l’activité favorite de ceux qui prétendent détenir le monopole du patriotisme. Mais
il y a loin de la coupe aux lèvres.
La concertation, une exigence de la bonne gouvernance
Je crois avoir soulevé dans les lignes qui précèdent quelques questions de fond dont
l’examen devrait convaincre que les assises nationales proposées par FSS sont,
proprement, sans objet : un slogan creux, une tentative de diversion, une manœuvre
électoraliste à peine voilée et pas plus. Mais je ne crois pas que le débat doive en
rester là. En effet, il me semble que la ligne de radicalisation outrancière adoptée
par FSS depuis ses déroutes de février et juin dernier tend à éloigner de nos
esprits deux exigences majeures. La première est relative au dialogue politique qui
est et doit rester une évidence dans une démocratie majeure comme celle du Sénégal.
La dramatisation mise en scène par FSS autour d’une banale demande d’audience
adressée au chef de l’Etat n’a pas d’autre fonction que de créer un contexte
favorable à une entreprise de discrédit de la pratique de la démocratie au Sénégal.
Le président Wade a toujours reçu l’opposition et on ne voit pourquoi il devrait
s’en priver à l’avenir.
L’autre exigence, plus fondamentale, est liée à l’utilité d’une concertation
permanente et institutionnalisée avec les forces vives de la nation. Le gouvernement
ne peut que gagner à partager ses décisions, de la phase d’élaboration à celles de
la mise en œuvre et de l’évaluation, avec tous les partenaires sociaux impliqués
dans les divers secteurs de son activité. La meilleure des décisions peut produire
le pire des résultats quand elle est parachutée et non partagée. De gros efforts
restent à faire dans ce domaine crucial. Il est évident par exemple que les
initiatives prises par le gouvernement pour juguler la hausse des prix des denrées
de consommation populaire produiraient davantage de résultats concrets et visibles
si, en plus des associations de commerçants et de consommateurs, les syndicats ainsi
que les organisations de femmes et de jeunes étaient associés à leur élaboration et
à leur mise en œuvre. Bien informées, ces derniers pourraient jouer leur partition
sur le terrain et contribuer, par divers moyens, au respect effectif par tous des
décisions prises ensemble. La même démarche s’impose devant la crise de
l’enseignement supérieur, le marasme du secteur de l’énergie ou le drame du chômage
des jeunes, entre autres défis qui nous interpellent gravement en ce moment.
L’ère de la toute-puissance de l’administration est révolue et les citoyens ne
veulent plus être des consommateurs passifs de décisions prises entre quatre murs en
leur nom et pour leur compte mais sans leur avis. Un recours systématique à de
larges concertations nationales sectorielles ne pourrait que réduire les déficits de
communication déplorés, favoriser l’adhésion des populations aux décisions prises et
accroître l’efficacité de l’action gouvernementale. Elle ferait également droit à
une demande sociale pressante d’information, de concertation, de transparence et de
contrôle efficient de l’action publique. C’est cela l’esprit de la bonne
gouvernance. Mais cela n’enthousiasmera certainement pas les leaders de FSS qui
réclament des assises nationales pour palabrer sur tout… c’est-à-dire sur rien.
(1) Le Premier secrétaire du PS vient d’y mettre un bémol en souhaitant publiquement
la participation du gouvernement aux assises. Dans ces conditions, qu’attend FSS
pour demander une rencontre avec la Cap 21 et la Coalition Sopi ?
Mamadou Bamba NDIAYE
Député à l’assemblée nationale
Secrétaire général du Mps/Selal
BP 12387, Dakar Colobane
DAKAR
Le système sanitaire sénégalais aux confins de l’absurdité : de l’idéal de santé
publique à un système de « vampirisme » privé
Par | | vendredi 7 septembre 2007
La corruption est un mal aussi bien du point de vue moral que de celui économique,
mais elle est davantage nocive quand elle gangrène le secteur de la santé. Or, au vu
et au su de tout le monde, le système sanitaire sénégalais actuel est en train de se
transformer en un véritable fertilisant du sol de la corruption en ceci qu’il est
dangereusement hybride : le public y côtoie le privé ou pire, le privé se pratique
dans le public. Ce qui se passe aujourd’hui dans les hôpitaux du pays est à la fois
déontologiquement répugnant et médicalement catastrophique : des médecins officiant
dans le public, rémunérés donc par l’État, s’arrogent le privilège d’officier en
même temps dans le privé avec des histoires de cliniques privées dont les contours
sont totalement nébuleux. Les principales victimes de cette absurdité sont l’État
sénégalais et les populations dont les lésions causées par le secteur de la santé
sont les plus profondes et les plus graves que tous les autres dommages causés par
les autres secteurs de la vie sociale et politique de notre pays.
L’État sénégalais se voit dépossédé chaque jour davantage de son droit légitime de
tirer profit de l’expertise des fils du pays dont la formation a pourtant beaucoup
coûté aux contribuables sénégalais. Je ne suis pas d’accord avec l’argument selon
lequel cette liberté accordée aux médecins d’avoir leur clinique propre est la seule
façon de lutter contre le « brain drain » dans le secteur de la santé. Si quelques
sénégalais éduqués, instruits, formés et façonnés par les soins des maigres
ressources de leur pays ne sont capables de faire preuve d’aucune résolution de
patriotisme et décident souverainement de s’exiler pour aller troquer leur savoir
faire ailleurs, je ne crois pas qu’il vaille la peine de chercher si laborieusement
à les retenir par cette curieuse trouvaille qu’est l’autorisation des cabinets
privés à des gens qui ont choisi d’officier dans le public. Il faut dire que l’un
des grands obstacles à l’essor économique et à l’unité politique de l’Afrique est
que nous avons tendance à confondre libéralisme, égoïsme et anarchisme ; aussi, le
sacrifice pour le bien public est-il considéré comme un symptôme de déraison.
Ainsi, l’égoïsme outrancier qui régit la conduite actuelle de beaucoup d’agent de
santé publique condamne à l’échec tous les efforts de l’État pour redresser le
secteur déjà moribond de la santé publique. Si j’étais parlementaire j’emploierai
toutes les forces de mon âme à d’abord légiférer de manière plus pointilleuse sur le
statut des agents de la santé en vue de mieux assainir le secteur et ensuite, je
proposerai l’érection d’une commission d’enquête sur non seulement la prolifération
des cliniques privées tenues par des médecins officiant dans le public, mais aussi
sur l’état de délabrement moral très avancé que connaît ce secteur. Les populations
sont déjà épuisées par la lutte qu’elles mènent quotidiennement pour assurer les
différents repas ; aussi devons-nous nous atteler à les préserver d’un système
sanitaire qui laisse la porte ouverte à des méthodes de concupiscence très néfastes
pour la prise en change sanitaire des citoyens.
Certaines lenteurs dans les consultations et dans la prise en charge des patients
dans les hôpitaux du pays ne sont pas gratuites : tout ceci entre dans une stratégie
de décourager les clients du secteur public pour les orienter indirectement vers le
secteur privé, principalement celui géré par les mêmes médecins. L’appétit du gain
est, sans nul doute, la plus grande source de malheur pour une société. Le grand
Sophocle faisait remarquer dans ce sens que : « jamais n’a grandi chez les hommes
pire institution que l’argent. C’est l’argent, poursuit Sophocle, qui détruit les
États ; c’est lui qui chasse les citoyens de leur maison ; c’est lui dont les leçons
vont séduisant les cœurs honnêtes, leur font embrasser l’infamie. Il leur enseigne
tous les crimes, il leur apprend l’impiété qui ose tout. » Si les média pouvaient
aller dans les couloirs des hôpitaux et dans les cabinets de consultation pour voir
et montrer ce qui s’y passe réellement, les Sénégalais se rendraient compte que même
s’il y a quelques individualités dévouées et honnêtes dans le secteur de la santé,
il y en a une grande quantité d’agents de santé qui sont en réalité de vils «
quarens quem devoret », c’est-à-dire des « cherche quoi dévorer ».
Mais lorsque dans une société humaine la vertu et la déontologie sont
universellement bafouées et violées sans scrupule, personne ne doit s’étonner à ce
qu’une telle société soit quotidiennement et perpétuellement rongée par la misère et
le malaise généralisés. Le manque de vertu est la racine du mal sénégalais, d’où
l’impérieuse nécessité d’un retour à l’orthodoxie et ce, dans tous les domaines de
la vie sociale si nous voulons quitter cet état de fausse germination économique
dans lequel nous sommes plongés depuis belle lurette. Ce retour à l’orthodoxie dans
le système sanitaire doit, à notre avis, consister en une dichotomie nette, sans
ambiguïté, entre le public et le privé. Le statut hybride de l’hôpital Aristide le
Dantec est une absurdité, le laisser aller qui se constate dans les hôpitaux
régionaux ne peut plus perdurer : il faut plus de rigueur dans l’administration des
hôpitaux ainsi que dans le contrôle de la prestation des agents de santé. Il faut,
peut-être, instituer des primes exceptionnelles de rendement et de performance
strictement allouées aux agents dont l’abnégation et la conscience professionnelle
peuvent servir de référence.
Cette stratégie d’émulation de la qualité nous semble moins périlleuse et, sans
doute, plus efficiente que le fait de tolérer des cabinets privés dans les hôpitaux
publics. On ne peut, en aucune façon, garantir une absence de dérives dans un tel
système. Les risques sont donc importants au regard du caractère sacré de la vie
humaine qui est ici en jeu. Á ce titre il n’est pas insensé de penser à une
unification des départements de la santé, de l’éducation et de la recherche
scientifique en un seul grand ministère pour plus de rationalité budgétaire et
davantage d’efficience dans la recherche des solutions aux problèmes de santé
publique. La passerelle entre éducation, formation et marché de l’emploi n’a jamais
été un problème incurable dans un pays qui sait faire dans la standardisation en
matière d’option lucide de politique économique et de choix budgétaire. Il nous faut
donc davantage de clarté dans la vision politique et plus de courage pour l’établir
: les secteurs de la santé et de l’éducation réunis dans un seul département ; cela
fait l’essentiel du budget national et une unité d’action qui pourraient régler
beaucoup de problèmes qui sont à cheval entre les deux actuels ministères.
C’est absurde qu’il y ait quelque part, au Sénégal, de jeunes médecins qui chôment
ou même qu’il y ait des problèmes de « pratique » pour des étudiants suffisamment
abreuvés aux sources de la théorie pure. L’atomisation des départements ministériels
n’est, à notre avis, gage d’aucune efficacité dans le travail gouvernemental. Dans
tous les cas de figure il urge de faire quelque chose pour éviter que le service
public dans le domaine de la santé se travestisse par des méthodes d’arnaqueindignes
d’un secteur aussi important dans la vie sociale. Le contribuable sénégalais mérite
plus que le service qui lui réservé actuellement dans les hôpitaux du pays : en plus
de la cherté des médicaments, il est astreint à supporter les contrecoups des
manœuvres ignominieuses de certains agents de la santé publique. Nous osons espérer
qu’en dépit de la qualité probablement médiocre de cet article, nos remarques ne
manqueront pas de soulever au moins un débat sur la qualité des prestations de
service dans le domaine de la santé publique. Il faut juste rappeler que la santé et
l’éducation sont d’une importance telle, que leur libéralisation n’empêche pas
qu’elles soient des domaines où l’autorité de l’État doit toujours être effective et
sans la moindre ambiguïté.
Alassane K KITANE
allou67@yahoo.fr
INFORMATION SUR LE GENRE
Une question d’avarice dans certains secteurs
Par APS | | vendredi 7 septembre 2007
(Aps) - Des secteurs d’activité, « assez avares » en matière d’informations sur la
disparité dans le domaine du genre, ne mettent pas en place des mécanismes pour
accéder aux informations de cette nature, encore moins les utiliser, a indiqué
Rokhaya Gassama, chercheur associé au Laboratoire genre de l’Institut Fondamental
d’Afrique Noire (Ifan).
« Dans un certain nombre de domaines, les femmes occupent une place infime. Nous
avons des secteurs qui sont assez avares au niveau de l’information, je veux dire
par là que les données ne sont pas accessibles ou ils n’ont pas mis en place des
mécanismes adéquats pour pouvoir travailler elles, afin de voir que dans ce
secteur-là, il y a des disparités », a dit Mme Gassama dans un entretien.
L’université Cheikh Anta Diop de Dakar figure parmi ces secteurs dont les données en
matière de disparités ne sont pas suffisantes, a souligné Rokhaya Gassama,
consultante et membre fondatrice du Conseil Sénégalais des Femmes (Cosef), dont elle
est coordonnatrice de la commission scientifique. « Au niveau de l’université, c’est
encore difficile, parce que nous n’avons pas beaucoup de données », a-t-elle précisé
en citant le cas des étudiants « qui ont eu le baccalauréat ou qui ont redoublé
depuis la seconde jusqu’à la terminale ».
« Ces données, qui permettent d’avoir une lecture très fine et un outil
d’orientation pour les décideurs, ça, l’université en manque », a-t-elle déploré. Le
secteur de la pêche est aussi, selon elle, l’un des domaines qui ne sont pas encore
prolifiques en informations sur les disparités de genre. Il en est de même
concernant les violences faites aux femmes dont les médias font souvent état. « Tous
les jours que Dieu fait les médias nous donnent des informations par rapport aux
violences faites aux femmes », a-t-elle fait remarquer. « Le Crvf (Centre Muriel
McQueen Fergusson pour la recherche sur la violence familiale) n’a pas encore les
moyens de faire des études (...) pour nous fournir des éléments qui peuvent nous
montrer le nombre de femmes violentées, la nature de la violence, quelles sont les
suites qui ont été données » à leur agression, a-t-elle encore dit. « L’éducation
nationale (...) est le secteur où l’on récolte énormément d’informations, depuis le
préscolaire jusqu’à l’enseignement supérieur », a-t-elle cependant indiqué, ajoutant
que le secteur de la santé regorge aussi d’informations sur les disparités de genre.
C’est pour « combler (ce) vide » que constitue le « manque d’informations sur les
disparités de genre » que le laboratoire genre de l’Ifan a été créé, a expliqué Mme
Gassama. Selon elle, cette structure « permet de disposer, de donner des agrégés par
sexe dans les différents domaines ». Autant d’informations, qui, a-t-elle dit,
offrent une « cartographie des inégalités de genre au niveau du Sénégal » et que le
laboratoire publie sur son site. « Mais le laboratoire continue à chercher », appuyé
en cela par les institutions des Nations unies, notamment le Programme des nations
unies pour le développement (Pnud) et l’Unifem, note le chercheur. La structure de
l’IFAN travaille aussi en partenariat avec le Centre de recherches pour le
développement international (Crdi), ainsi qu’avec d’autres partenaires
internationaux et des universités étrangères, a encore renseigné Mme Gassama.
Ouvert à tous les chercheurs et aux différents Ong qui travaillent sur les questions
concernant les disparités de genre, le laboratoire compte cinq étudiants en
sociologie de l’UCAD et de l’Université Gaston Berger (UGB) qui travaillent sur des
sujets de mémoire en rapport avec le genre. Ils sont formés à la recherche, et
suivent des cours dispensés par des professeurs qui les encadrent également dans le
travail académique. « Le Laboratoire répond à un besoin qui est là », a estimé Mme
Gassama pour qui son objectif est de « développer une expertise en partant des
étudiants ». La structure, dirigée par le docteur Fatou Sarr, met à la disposition
des chercheurs et des étudiants une salle de conférence ainsi qu’une salle
informatique, pour leurs activités. Elle organise également des conférences et
accompagne depuis 2005-2006, les différents ministères sur les questions de genre et
de leur budgétisation. « Par rapport aux autres pays, nous sommes un peu en retard
sur les questions de genre, même si les textes nous disent qu’il y a la prise en
compte du genre », a souligné Mme Gassama.
Les chantiers dits de Me Wade : Des gouffres à milliards‘La réalisation de cette
grande Université, qui fait partie des grands projets du président Wade, est
aujourd’hui dans l’impasse. (…) Le chantier est en état de dégradation continue…
Avec des poteaux de plus en plus rouillés, les hautes herbes qui ont fini d’envahir
les lieux. Et pour finir, des cultivateurs qui ont transformé une bonne partie des
lieux en champs de gombo et de niébé.’ Telle est la description sans appel que, dans
son édition du 4 septembre 2007, L’Observateur a faite du chantier de l’Université
du Futur africain (Ufa). Ce quotidien me conforte dans l’attitude de méfiance que
j’ai toujours eue vis-à-vis des grands chantiers dits de Me Wade. Je profite souvent
de mes contributions pour attirer l’attention de mes compatriotes sur les gros
risques que ces chantiers nous coûtent beaucoup d’argent pour presque rien. Je mets
toujours en doute leur pertinence et leur priorité. Déjà, dans une contribution
parue dans les quotidiens de la place, notamment dans Wal Fadjri du 7 septembre 2
006 (‘La valse des milliards de l’alternance’), je tirais la sonnette d’alarme. J’y
faisais remarquer notamment ce qui suit : ‘(…) La société civile (debout) et
l’opposition doivent s’intéresser de plus près aux milliards des libéraux. Pour ne
donner qu’un exemple, on ne parle presque plus de l’Université du Futur africain
(Ufa) dont le coût initial déclaré était de 15 milliards de francs Cfa. C’est
l’architecte fétiche de Me Wade qui avait lui-même annoncé ce coût, quand il
présentait ce ‘grand projet’ de son champion à la télévision nationale [1].
Pourtant, lors de la dernière visite officielle au Sénégal du chef de l’Etat
mauritanien Mohamed Ould Taya (aujourd’hui déchu), Me Wade lui a fait visiter le
chantier de l’Ufa, près de Sébikotane. Selon Papa Mohamed Camara, le (déjà)
directeur de cette université qui présentait le projet à l’hôte de Me Wade, la
première phase avait démarré avec deux facultés et six pavillons, pour un coût de 14
milliards (déjà ?). De l’avis du même directeur, il était prévu la construction de
25 autres pavillons coûtant 600 millions de francs Cfa l’unité. Combien donc l’Ufa
devra-t-elle finalement nous coûter, clé en main ? Quarante, cinquante, soixante
milliards ou plus ?’
A cette question, Me Wade répond sans sourcilier, avec l’assurance qu’on lui connaît
: ‘L’Ufa va coûter beaucoup d’argent, mais elle va générer beaucoup d’argent grâce
aux activités agricoles qui seront menées dans le site et tout autour.’ Je
poursuivais ma réflexion du 7 septembre 2 006 en ces termes : ‘Grâce aux activités
agricoles ! Quelles activités agricoles qui vont générer tant d’argent ? Cette
fameuse université est donc partie pour nous coûter trois à quatre fois le coût
initial annoncé, comme nombre des projets du chef de l’Etat. Pour quels résultats ?
Me Wade est certainement un éminent professeur, doublé d’un grand visionnaire, un
homme multidimensionnel, comme se plaît à rappeler son armée de courtisans. Nous
n’aurons donc jamais le toupet de lui contester la pertinence de son ‘Ufa’. Nous
n’avons certainement aucune compétence pour cela. Cependant, sa réalisation est, de
notre humble avis, loin d’être prioritaire par rapport à bien d’autres attentes des
populations et principalement des plus jeunes d’entre elles. Les précieuses dizaines
de milliards qui vont être englouties dans cette université, et sans résultats
significatifs garantis, pourraient servir, en attendant des jours meilleurs, à
construire plus de centres de santé, plus de centres universitaires régionaux, plus
de pavillons et de laboratoires dans les universités de Dakar et de Saint-Louis. De
même, leurs bibliothèques centrales et celles de leurs différentes facultés
pourraient être notablement renforcées en manuels et en équipements divers. Même nos
lycées et collèges, qui manquent presque de tout, malgré les 40 % du budget national
consacrés à l’Education, pourraient en profiter largement (…).’
Voilà ce que j’écrivais au lendemain de la visite des chantiers de l’Ufa par Me Wade
et son hôte mauritanien, après surtout l’aveu du directeur Camara qui reconnaissait
que ‘son’ université, dont le quart des travaux n’était pas encore entamé, coûtait
déjà 14 milliards, pour un coût initial total de 15.
L’Ecole sénégalaise est en train de traverser, du fait des initiatives politiciennes
et inconsidérées de Me Wade, la crise qui pourrait être la plus grave de son
histoire. L’Université de Dakar étouffe, avec ses 60 000 étudiants environ, pour 6
000 lits. Elle est incapable aujourd’hui de faire face à ses engagements, notamment
vis-à-vis de ses nombreux vacataires.
Comment, dans ces conditions-là, Me Wade peut-il se permettre d’engloutir des
dizaines de milliards de francs Cfa dans sa fameuse Université du Futur africain ?
L’Ufa, comme tous les ‘grands chantiers’ dits du chef de l’Etat, devraient davantage
retenir notre attention. Combien de milliards vont-ils nous coûter pour presque rien
? Jusqu’à preuve du contraire, ils ont essentiellement trois fonctions : frapper
l’imagination des Sénégalais les moins avertis, enrichir des entrepreneurs (les
mêmes depuis le 1er avril 2000) et les plus en vue du régime libéral [2]. Il n’y a
aucun doute que demain, quand l’Apix, l’Anoci, le Pcrpe, le ‘Cœur de ville’ de
Kaolack, les pluies provoquées, les fameux motopompes et moteurs importés d’Inde par
ce même Amar d’une certaine entreprise Tse, les Entrepôts du Sénégal au Mali
(Ensema) [3], le Plan Jaxaay, le Plan Reva, etc, auront livré tous leurs secrets,
nos compatriotes qui ont contribué à réélire Me Wade, regretteront sûrement et
amèrement leur vote. Ce vote qui nous vaut la situation de malaise et d’incertitude
que nous vivons depuis ce dimanche noir du 25 février 2007.
Mody NIANG e-mail : modyniang@arc.sn
[1] - C’est à un Journal télévisé de 20 h 30 qu’il nous a présenté la maquette. Il a
alors terminé sa propagande par les mots suivants : ‘Le coût est de 15 milliards.
L’entrepreneur entrera en contact avec le Pcrpe pour le début des travaux.’ Il
était, à l’époque, dans toutes les sauces de la gouvernance libérale.
[2] - Après une longue absence inexpliquée d’un mois, Me Wade rentre et nous promet
d’ouvrir un nouveau chantier, un chantier colossal : la construction de sept trains
à grande vitesse (Tgv) d’ici à 2011. C’est extraordinaire ! C’est incroyable ! Les
Sénégalaises et les Sénégalais ne s’inquiètent vraiment de rien. Ils ne se
rappellent même pas que le président tunisien Habib Bourguiba a été destitué en
octobre 1987, à l’âge de 84 ans. Pour incapacité physique, intellectuelle et
psychique. Deux ans auparavant, les signes de sa sénilité se manifestaient déjà au
grand jour.
[3] - Ces entrepôts risquent d’être l’un des plus gros scandales de la gouvernance
libérale. Construits, semble-t-il, par le Cde, ils ont pour directeur général un
certain Ibra Guissé, qui est né en 1935 (sic). Un ministre et deux directeurs
généraux souhaitent sûrement que la lumière ne soit jamais faite sur ces nébuleux
entrepôts. Ils en sortiraient difficilement indemnes.
Prémices d’une société sans vie…
La confusion politique dans notre pays est telle que de nombreux citoyens se demandent peut-être si celles et ceux, de l’opposition et du pouvoir, qui fomentent le désordre ou l’amplifient, ont jamais été formés à manier une langue, à lire pour comprendre et à écrire pour partager un savoir ou un sentiment. Jamais, au Sénégal, l’offre politique n’a été aussi abominable qu’au cours des sept dernières années. Les raisons sont multiples. Trois d’entre elles attirent pour le moment notre attention. La première est celle qui a trait à la sous-formation, voire l’analphabétisme politique des politiciens sénégalais. La deuxième aurait une origine plutôt sociale. La troisième enfin est liée au confort et à la sécurité que les tenants du pouvoir politique actuel trouvent dans la façon dont la société sénégalaise tourne insidieusement le dos à la vie pour célébrer la mort. Pas celle qui soulage de la vieillesse à la fin d’une longue vie bien remplie, mais celle qui fauche.
Nous ne sommes pas sûr que les acteurs de la vie politique sénégalaise savent encore ce que recouvre le terme ‘politique’ et la vraie signification du ‘pouvoir politique’ dans les sociétés humaines organisées. Les spécialistes anglo-saxons de la science politique ont, eux, très tôt, planché sur le concept. C’est ainsi qu’ils font la distinction entre ‘Le politique’ (‘Polity’), ‘Une politique’ (‘Policy’ ou ‘Policies’) et ‘La politique’ (‘Politics’). ‘Le politique, écrit le politologue Loubet Del Bayle, est le mécanisme du processus décisionnel qui permet de prendre des décisions engageant la collectivité’. ‘Une politique désigne, [elle], les décisions prises par le pouvoir décisionnel’. Quand à la politique, ‘elle désigne la compétition et les conflits entre les individus et les groupes qui se développent pour contrôler le pouvoir décisionnel et orienter les décisions prises’. En cherchant à écarter, par tous les moyens, le citoyen du processus décisionnel, des décisions prises et de la compétition politique, le politicien sénégalais, singulièrement au cours des sept dernières années, a inventé un machin dont personne ne cerne encore tous les contours. Dans la quête ardue d’un compromis intellectuel pour trouver un objet à la science politique, Lapierre (Jean William) dit du pouvoir politique qu’il est ‘la combinaison variable d'autorité légitime (recours au consensus) et de puissance publique (recours à la coercition) qui rend certaines personnes ou certains groupes capables de décider pour (et au nom de) la société globale et de commander à celle-ci afin de faire exécuter les décisions prises’. En tournant le dos au consensus, le politicien sénégalais a définitivement travesti le pouvoir politique.
Si l’indigence sémantique n’était pas l’une des causes essentielles de son incurie politique, personne au Sénégal ne comprendrait que le politicien sénégalais soit incapable de trouver les accommodements sans lesquels aucune société politique n’est viable. Nous ne sommes pas sûr que les activistes des deux camps (opposition et majorité) s’accommoderaient vraiment d’une surenchère sur une ‘révolution’ si rien de ce qui est écrit là ne leur échappait pas ou n’échappait pas à ceux, des deux camps, qui ne voient en chaque activiste qu’un préposé au sale boulot. ‘Dans une démocratie d’opinion, il y a place pour des opinions qui changent et peuvent entrer en délibération. Avec les opinions, on discute, on s’oppose, on ne prépare pas la guerre civile’, écrit Dominique Wolton. C’est de la délibération pluraliste, ou assises, que naît le consensus politique. Pourquoi les assises ne déboucheraient-elles pas, si elles avaient lieu, sur un ‘pacte social’? Il suffit peut-être d’en discuter.
La ‘révolution’ aura-t-elle vraiment lieu? Rien n’est moins sûr dans une société qui, pour cause d’agitation hypocrite de sa classe politique, assiste, impuissante, à sa propre dépolitisation. Le téléspectateur sénégalais, par exemple, trouve du talent dans la façon dont les animatrices et les animateurs des chaînes de télévision privées comme 2STV et RDV s’acquittent de leurs tâches. Mais tout est fait pour éviter le sujet politique. Sur Canal Info où il est agité, le sujet politique n’oppose jamais les chefs de partis. Le duel entre journalistes et politiciens - chacun le sait - n’enjambe que rarement les limites objectives édictées par le personnel des médias. La démocratie sénégalaise est la seule au monde qui ne débat pas. C’est ainsi que naissent les rébellions. Mais les Sénégalais, indisponibles, ne sont prêts ni pour la révolte, ni pour la révolution. Depuis peu, ils ne sont d’accord sur rien. Il y a autant de projets personnels que le pays compte d’habitants. Persuadé d’y avoir largement contribué, le président Abdoulaye Wade peut s’absenter très longtemps du territoire national sans que personne ne sache où il est et à quoi il consacre le temps de notre pays.
La démobilisation politique sans précédent ne serait que la séquelle urbaine d’une hypocrisie sociale maladroitement dissimulée. Une amplification, à l’intérieur comme à l’extérieur des partis politiques, des formes de domination et de sujétion en cours dans la société sénégalaise. Depuis peu, quelques rares personnes seulement accordent plus de cinq minutes de leur temps aux visiteurs teigneux qui ne comprennent toujours pas que le monde a changé. Les divisions, nées de cet état de fait, font que les nouvelles qui nous viennent des foyers, sont ‘mauvaises’ pour la plupart. En n’informant les indésirables que des cas de décès qui rythment la vie, les claustrés de notre société contribuent, bien malgré eux, à la célébration de la mort. En extirpant, par égoïsme, leurs vies de celles des autres (proches ou lointains), ces claustrés-là annihilent toute vie sociale après avoir banni le tutorat auquel ils doivent leur ‘réussite’. La ‘révolution’ n’est évidemment pas leur tasse de thé. Mais là n’est pas le problème. Souvent moins bien formés que la plupart de leurs cadets, ces claquemurés ne se rendent même pas compte que leur surplus monétaire correspond exactement à ce qui est volé aux cohortes techniquement plus aguerries.
En d’autres temps, sous d’autres cieux, le sociologue français Emile Durkheim expliqua le ‘suicide égoïste’ par la faible cohésion sociale. La société sénégalaise y échappe-t-elle vraiment? Une enquête nous édifierait plus qu’une simple vue de l’esprit. D’aucuns voient dans l’émigration clandestine, à bord d’embarcations de fortune, une forme de ‘suicide altruiste’ qui éviterait aux candidats au voyage sans issue de mourir de honte. Mais dans une société qui n’a de considération que pour celles et ceux qui collectionnent des terrains, élèvent des châteaux et alignent, comme à la télé, des voitures ‘venant’, les tenants de la thèse du ‘suicide altruiste’ auront fort à faire. Durkheim associait ce type de suicide à la forte cohésion sociale qui poussait un sujet à mettre fin à sa vie plutôt que de constituer indéfiniment une charge pour les autres. La lassitude, née de la flambée des prix et du loyer cher, elle, est réelle. Elle serait la cause d’un probable ‘suicide anomique’.
Ajoutez à cela tout ce qui est déjà dit et vous avez toutes les prémices d’une société sénégalaise sans vie politique, économique, sociale et culturelle.
C’est peut-être cela qui arrange le vacancier Abdoulaye Wade et un grand nombre de fonctionnaires indûment adossés au système, qui refuse au pays tout projet crédible d’aménagement de son territoire, charcuté pour leur être vendu ou cédé en contrepartie de leur silence coupable.
Abdoul Aziz DIOP Politologue
RAPPORT ALARMANT DE CARITAS SUR LA SITUATION ALIMENTAIRE AU SENEGAL
La famine aux portes de 22 communautés rurales de Fatick et Mbour
lundi 3 septembre 2007, par Nettali /
Nettali - La famine menace de s’installer à Fatick et Mbour, précisément dans certaines zones rurales de ces départements. C’est l’Organisation non gouvernementale Caritas qui en a fait la révélation dans un document exploité en exclusivité par la Première Fm. L’Abbé Jean Marie Ndour, commentant le document sur les ondes de la dernière radio à être née, confirme la situation alimentaire alarmante et parle de mesures d’urgence à prendre. « La situation présente est devenue critique du fait du retard des pluies et cela risque d’être une vraie crise dans les mois à venir si on ne fait rien », avertit-il.
Mesures d’urgence à prendre selon le directeur de Caritas Sénégal, « il s’agit de fournir des denrées alimentaires particulièrement du maïs ou du riz pour prévenir certaines difficultés qui pourraient frapper les populations rurales », dans les départements de Fatick et Mbour. Pour l’Abbé Jean-Marie Ndour, « le constat a été fait, que d’abord les pluies ont tardé et deuxièmement le niveau actuel des cultures ne peut pas rendre serein ceux qui travaillent dans le monde ». Ce qui se traduit par des difficultés des populations à assurer deux ou même un repas par jour. Le directeur de Caritas au Sénégal explique que « le signal nous a été donné par quelques présidents de communautés rurales qui ont contacté nos agents au niveau local pour nous demander de venir voir ». Caritas a alors dépêché des équipes dans les zones ciblées. Et c’est pour constater que la crise alimentaire est réelle.
Abbé Jean-Marie Ndour évalue aussi l’aide d’urgence pour éviter la catastrophe. « Si l’on prend l’ensemble des départements concernés dans les départements de Mbour (Thiès) et de Fatick, soit 22 communautés rurales, il faudrait en ce qui concerne le riz 1000 tonnes par département pour les populations rurales de ces zones. La région de Dakar ayant une zone rurale, il faudrait penser au moins à 5000 tonnes pour l’ensemble ». L’Abbé Jean-Marie Ndour intègre aussi le bétail. « Pour le bétail, nous savons que les choses ont été déjà faites. Mais si on compte le nombre total de bovins qui est à 90.000 têtes environ, à raison de 10 kilos par unité, il faut estimer la demande à 1000 tonnes (aliments de bétails) pour les trois mois à venir. ».
Interpellant les autorités, Caritas va en même temps soumettre un projet d’aide alimentaire d’urgence à ses partenaires occidentaux pour faire face à cette situation.
Mansour Cama, président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal
« Nous vivons dans une situation de précarité »
dimanche 2 septembre 2007, par Nettali /
Nettali - Le président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), M. Mansour Cama est formel. Dans une interview accordée au magazine spécialisé sur les questions économiques ‘’Réussir’’ de ce mois (numéro qui sera dans vos kiosques dès lundi), le patron de la Cnes tire la sonnette d’alarme. Selon M. Cama, le Sénégal se trouve dans une situation de précarité.
Pour Mansour Cama, « le gouvernement doit voir comment baisser la fiscalité, quitte à réduire son train de vie en attendant des lendemains meilleurs ». Mansour Cama se veut clair : « il appartient à l’Etat de faire sa cure et permettre ainsi de répartir la charge de la demande sur tout le corps social ». Non seulement, indique le patron de la Cnes, le déficit public a augmenté, mais il y a qu’au plan macro-économique, les chiffres indiquent « que l’inflation est sortie du cadre dans lequel nous avions réussi ces dernières années. Toutes choses qui font dire à Mansour Cama que le Sénégal est dans une situation de précarité. Pour faire face à la situation, il appelle l’Etat, le patronat et les syndicats à discuter et voir comment gérer cette situation. « Chaque décision peut avoir un impact important. Pendant que l’Etat subventionne ou renonce à des recettes douanières, les prix augmentent. La démarche est-elle payante ? C’est pourquoi, je dis qu’il faut une conjonction d’attitudes de toutes les parties prenantes ».
Pourtant, soutient le président de la Cnes : « Le Sénégal n’a jamais eu autant de recettes fiscales que ces dernières années. D’abord par l’élargissement, mais aussi le poids de la Tva. Pas moins de 30% des recettes avec un taux qui pose problème dans certains secteurs comme le tourisme. Donc sur ce plan, l’Etat est très performant et les chiffres le montrent. Même si aussi, comme toujours, il y a un pendant, car si la Douane enregistre autant, c’est parce que le Sénégal est un importateur net du fait que nous ne produisons pas assez. C’est le revers de la médaille. Par contre, là où il y a des inquiétudes avérées d’ailleurs, c’est l’inflation qui augmente de même que le déficit budgétaire ». Mansour Cama ajoute que lors de l’assemblée générale annuelle de la Cnes, en décembre 2006, et devant Macky Sall, le Premier ministre d’alors, il avait mis l’accent sur un certain nombre de clignotants inquiétants. A savoir, « un gonflement anormal de la dette intérieure et un taux de croissance en baisse ». Pour lui, nos autorités ont manqué de visibilité sur un certain nombre de choix. C’est ainsi que soutient-il, « en lieu et place de certaines infrastructures et leurs impacts sur les finances publiques, j’aurais donné une priorité absolue à l’énergie électrique ». Mansour Cama est persuadé que « la perspective économique annoncée montre que nous allons encore souffrir pendant longtemps d’un déficit de compétitivité qui plombe l’activité économique ».
Le patron de la Cnes milite pour un débat fondateur entre le pouvoir, l’opposition et la société civile, et interpelle ceux qui sont à la tête du pays. Dans son entendement, « nous avons l’obligation de rechercher le consensus national en matière économique ».
CLIN D’ŒIL D’ATEPA A KARIM ?
Nettali, le quotidien sur le Net, a-t-il, dans son édition du mardi 28 août 2007, mal rapporté les paroles de Pierre Goudiaby ? On y lit que l’homme d’affaires a déclaré dans une interview accordée à Weekend magazine : « Karim Wade a toutes les qualités pour être chef d’un Etat comme le Sénégal. » Est-ce un message codé ?
Que veut-il dire par « un Etat comme le Sénégal » ? Existe-t-il ailleurs un Etat comme le Sénégal ? Fait-il allusion à la superficie, la population, la culture, l’histoire ou la politique ? Pourquoi n’a-t-il pas dit : « Karim Wade a toutes les qualités pour être chef (roi) du Sénégal » ? Pas besoin d’y aller avec le dos de la cuillère. Seulement, chaque pays a ses particularités qui le rendent unique, ses réalités dont il faut bien s’imprégner avant de songer à y régner.
D’aucuns se plaignent que l’on parle trop de Karim, mais tant qu’il y aura des gens pour sortir de telles énormités, il ne nous sera pas permis de les écouter sans répondre, de subir sans réagir, de voir le danger sans crier gare.
Quelles sont les qualités de Karim ? Selon monsieur Goudiaby, « il est extrêmement intelligent et a beaucoup de compétence. » Il y a certes des demeurés au Sénégal, mais ce ne sont pas des gens extrêmement intelligents qui y manquent. Par ailleurs, on peut dire de n’importe qui qu’il est intelligent et compétent sans avoir à le démontrer. C’est bien trop facile comme flatterie. Sur quoi se base l’homme qui se dit « de la génération de l’excellence » pour louer la compétence du garçon de la « génération du concret » ? Le fils de tata Viviane et ses courtisans montrent les chantiers de l’ONACI en criant : « Voici du concret », comme s’il n’y avait jamais rien eu de concret dans ce pays. Et ces chantiers ne seront sûrement pas prêts dans les délais prévus, malgré tous les moyens mis à la disposition du prince. De plus, après tout le tapage médiatique et les désagréments causés au Dakarois, on en est arrivé à prendre la décision d’organiser l’OCI au Méridien Président, comme l’avait fait Abdou Diouf en 1992. Il n’y a pas à dire, Karim a beaucoup de compétence. La meilleure est quand Goudiaby, l’architecte, reconnait qu’il y a des problèmes, des dangers dans ces chantiers. Ha ! Ha ! Je me demande ce qu’on aurait eu si Karim n’était pas compétent. Et puis, on est homme politique ou on ne l’est pas. Il faut certes de l’intelligence et de la compétence, mais cela ne suffit pas.
Atépa précise néanmoins que Karim doit d’abord faire ses preuves. Bon dieu ! Que lui faut-il encore comme preuves ? Que le prince fasse tomber le ciel sur nos têtes ? En tout cas son discours manque de clarté. Et il va plus loin en déclarant que ce qu’il ne souhaiterait pas qu’on colle à la peau de Karim, c’est qu’il profite d’une situation pour faire ses preuves. Eh bien, voyons ! Si le « banquier de Londres » n’était pas le fils du président de la République, aurait-on laissé le ministère de l’Equipement de côté pour lui confier de si importants travaux qui ne relèvent pas de sa « compétence » ? Lui aurait-on donné les moyens de distribuer des millions de francs ?
Pour terminer, monsieur Goudiaby nous apprend que Wade-père est un travailleur qui a des projets à finir, mais est mal entouré, ce qui veut dire incapable de choisir ses collaborateurs. Et il invite toutes les compétences à se réunir autour de Góór gi pendant trois ans. Pendant ce temps, lui qui est excellent, démissionne de ses fonctions de conseiller spécial du chef de l’Etat. Allez donc y comprendre quelque chose.
En tout cas, les projets des Wade feront le bonheur de certains architectes. « Lafañ, boroomi mbaam lay faral », dit l’adage wolof. Mais espérons que c’est Nattali.net qui a mal rapporté les propos de notre cher Atépa.
Bathie Ngoye Thiam
Du bien fondé des Assises nationales : Réponse à Dame Penda Mbow«Heureux ceux qui vivent en harmonie avec leur société.» Sous le prétexte du bien fondé de la tenue des Assises nationales, Dame Penda MBow mène un féroce combat contre les valeurs traditionnelles, culturelles et religieuses de la société sénégalaise. Tout d’abord, j’aimerai te rappeler que les fondamentaux de la société sénégalaise, à travers ses composantes ethniques soudano-sahéliennes, soit plus de 90% de la population (wolof, sérère, peul, mandingue et soninké), reposent sur le principe de l’inégalité sociale des individus. Sur les rives des fleuves Sénégal, Gambie et Niger les hommes naissent libres, mais appartiennent à des familles, à des classes d’ages, à des clans, à des castes, à des ordres et sont affiliés à des confréries religieuses. L’homme individu en dehors de toute communauté n’existe pas Quand tu te réfères à la Grande Charte d’Angleterre de 1215 de Jean Sans Terre, pour promouvoir dans notre pays l’émergence d’une citoyenneté débarrassée des pesanteurs «religieuses et féodales», nous nous inspirons de la Charte du Mandé qui a été conçue par la confrérie des chasseurs du Mandé et solennellement proclamée le jour de l’intronisation de Sundjata Keïta comme empereur du Mali à la fin de l’année 1222. Cette charte a permis une division du travail entre les clans et a codifié le système de caste qui prévaut jusqu’à présent dans tout l’ouest africain. On trouve donc dans cette charte les thèmes qui seront traités plus tard dans les déclarations des droits de l’Homme occidentales : le respect de la vie humaine, la justice et l’équité, et la solidarité. Quand tu te réfères à la période de la Renaissance pour magnifier la «révolte» luthérienne ou la Réforme, ou l’individu a pu redéfinir sa relation avec l’Eglise, et reconquérir sa conscience par une remise en question de l’obscurantisme. Nous te rappelons que l’Islam au Sénégal a eu à jouer un rôle d’émancipation et de réhabilitation de l’individu. A la fin du XIXe siècle, après la liquidation des dernières résistances armées, le colonialisme français entreprit de «libérer l’individu», de créer de nouveaux citoyens sénégalais comme tu en rêves. Face à ce diabolique projet colonial de transformer les Sénégalais en des individus sans logiques communautaires, en rupture avec les valeurs fondamentales de leurs sociétés, se dressèrent des hommes de Dieu, comme Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, El Hadj Malick Sy, Seydina Limamou Laye. Ils animèrent une résistance pacifique face à cette campagne coloniale de conquête des cœurs et des esprits, par la formation dans leurs daaras - écoles de talibés-citoyens, patriote et en harmonie avec leurs valeurs sociétales et religieuses. Ces figures historiques religieuses avec leurs descendants mériteront la reconnaissance éternelle de notre Nation pour leurs œuvres de sauvegarde et de rédemption de notre société. Quand tu te réfères aux Etats-Unis dans ta quête d’une nouvelle citoyenneté, tu cites un «autre exemple non dénué d’intérêt pour le Sénégal». Nous nous demandons est-ce que tu as oublié, en tant historienne, que la Nation américaine a été fondée sur la rapine, le génocide des Amérindiens et la déportation et l’esclavage des nègres. Et que les «citoyens» amérindiens et afro-américains sont toujours parqués dans des ghettos et autres réserves. En 1776, pendant que les propriétaires d’esclaves américains rédigeaient, leur constitution (déniant aux indiens et aux noirs leur humanité), la Révolution toorodo dirigée par Thierno Souleymane Baal et l’imam Abdou Khadre Kane proclamait à la face du monde l’interdiction de la Traite négrière sur l’étendue du Fouta. Quand tu te réfères à la Révolution française pour déclarer que la «citoyenneté reste à construire au Sénégal. 1789 a laissé émerger un citoyen jaloux de ses prérogatives, prêt à se battre pour conserver son autonomie et ses droits». Que de crimes et d’horreurs ont été commis au nom des idéaux de cette révolution. L’assujettissement, l’asservissement, la non-reconnaissance des droits citoyens des peuples caractérisaient la politique coloniale française (Bien que nés dans la région de Louga, les Présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade furent déclarés par leurs parents à Saint-Louis pour ne pas vivre dans le régime de l’indigénat). A quand, dans cette République française si «démocratique», la pleine citoyenneté des gitans, des beurs, des afro-français ? Nous n’acceptons que la place de l’homme sénégalais soit analysée à travers ton spectre eurocentriste. Toutes les nations asiatiques qui ont réussi à effectuer leur décollage économique ont su éviter les pièges «droit de l’hommiste» de l’occident et de leurs suppôts. Dame Penda Mbow laisse-nous avec nos pesanteurs féodales et maraboutiques, nos ordres et castes. Nous n’avons pas besoin d’universalisme jusqu’à renier ce qui fait notre sénégalité. L’Inde a pu se développer, devenir une nation émergente, le leader mondial de l’informatique sans avoir à déstructurer sa société, ni renoncer à sa cosmogonie hindouiste et son ordre social fait de brahmanes et d’intouchables. Les succès économiques de la Chine sont, en grande partie, expliqués par leur retour à la pensée confucéenne. Ta convocation d’Assises nationales ? A quel but ? Notre pays n’a, comme tu l’affirmes, ni crise d’identité et de perspectives ; sa situation politique n’est comparable ni à celle de la Guinée, ni à celle de la Côte d’Ivoire, ni à celle du Niger. Les institutions sénégalaises fonctionnent normalement, il y a continuité du service public. En conclusion, nous citerons, comme toi, Barres : «Notre raison, cette reine enchaînée, nous oblige à placer nos pas sur les pas de nos prédécesseurs.» Nous aussi au Sénégal, nous avons besoin de suivre les traces de nos pères pas ceux d’autres pays. Pour ce faire, il faudra un puissant mouvement d’intellectuels pareil à ceux de l’Opus Dei qui pourra faire face aux tenants idéologiques marxistes du siècle dernier qui, malheureusement, contrôle encore totalement l’espace médiatique et universitaire sénégalais. Seule la mise en place de cette organisation pourra défendre notre modèle islamo-wolof, islamo-soudano-sahélien des assauts des cosmopolites de gauche. Le Dya Ogo - Amadou Bakhaw DIAW / amdiaba@yahoo.fr -
IMPÔTS ET DOMAINES
Les inspecteurs réclament les 123 milliards des 46 agences
Par Mamadou Lamine DIEYE | SUD QUOTIDIEN | lundi 3 septembre 2007
La tribune du premier congrès du syndicat des agents des impôts et domaines (Said) a servi de cadre pour ce corps d’élite de réfléchir sur la gouvernance fiscale, financière et foncière du Sénégal. Revendiquant un « syndicalisme citoyen » et leur place centrale dans la détermination de la politique fiscale nationale, ils n’ont pas raté le gouvernement en dénonçant vigoureusement « les 123 milliards incontrôlés des 46 agences créées tous azimuts » depuis l’avènement des libéraux au pouvoir.
Deux années après la création de leur syndicat, les agents des impôts et domaines ont convoqué leur premier congrès samedi dernier. Autour du thème central « Quel syndicalisme à la direction générale des impôts et domaines ? », la famille fiscale et leurs invités des autres centrales syndicales du secteur formel comme informel, de la société civile et du Syndicat national unifié des impôts (SNI) de France, représenté par son secrétaire général Vincent Drôlement ont réfléchi sur l’action syndicale de la maison. La conception classique du syndicat le limitant à une simple association de défense des droits et intérêts, sociaux, économiques et professionnels de ses adhérents ne suffit pas. Même si, malgré les acquis capitalisés depuis la naissance du syndicat, la misère des agents comparés au traitement réservé à d’autres corps d’élites et les conditions sociales et de travail difficiles restent difficiles.
À les suivre dans leur réquisitoire durant la plénière, l’action syndicale ne doit pas seulement être circonscrite autour de la satisfaction des revendications. Et en tant qu’élément clef dans le dispositif institutionnel de l’Etat et compte tenu de sa contribution dans ses ressources budgétaires, les agents des impôts et domaines prônent un « syndicalisme citoyen ». Celui-ci consiste à poser des actes pour préserver l’outil de travail et à jouer un rôle d’acteur de la société civile pour contribuer à l’essor de ce pays en ce sens que les questions d’ordre fiscal et domanial revêtent une certaine technicité. En sus, parce qu’ils estiment traiter de questions de souveraineté, ils prétendent avoir des droits qu’ils comptent revendiquer tout en faisant des propositions à la hiérarchie. « Personne n’est mieux placé que nous pour déterminer et définir la conduite des politiques fiscales du pays », raison pour laquelle « notre implication dans la marche du pays est un devoir », dira l’inspecteur principal et vérificateur à la direction des vérifications et des enquêtes fiscales, Cheikh Gueye.
Aussi, le thème développé est, de l’avis de M. Sonko, « une façon pour la famille fiscale de réfléchir sur quelle direction générale des impôts et domaines dans un Etat qui se cherche et qui doit emprunter les sentiers de l’émergence avec un service stratégique qui doit contribuer et concourir à ses efforts ». Autrement dit, une façon de participer à la bonne gouvernance socio - économique et politique pour refonder l’Etat de droit. Et comme « pour asseoir un Etat, il faut les deux D à savoir les Douanes et les Domaines », un environnement de travail décent avec des salaires et des conditions sociales décents sont requis car « nous sommes une administration suspecte et exposée à la corruption et il revient à l’Etat de nous mettre dans de bonnes conditions sociales et de travail, notamment la promotion et le renforcement des capacités ». À en croire Ousmane Sonko, secrétaire général sortant du Said, « la réflexion a dépassé aujourd’hui le cadre stricto sensu de la politique fiscale pour aborder la fonction publique en général et les questions liées au service public ».
Par ailleurs, suite au constat des développements extraordinaires ces dernières années en matière de politique fiscale, avec « un Etat qui veut accélérer la croissance et qui a initié un certain nombre de politiques parmi lesquelles le volet fiscal revêt une importance capitale, nous avons abouti à la catastrophe parce que la politique fiscale a été à des agences et des lois qui sont loin d’être dans l’intérêt du pays mais peut être dans l’intérêt de certains », a soutenu M. Sonko. La technicité de la fiscalité faisant qu’elle n’est pas à la portée de tout le monde, M. Sonko poursuivra que « des agences surgissent subitement de toutes parts pour conduire des politiques fiscales parce que tout simplement elles conduisent des politiques d’incitations à l’investissement ». Cela pose problème dans la mesure où « aucune expertise avérée ne sous-tend pas les actes posés et les textes votés », a-il poursuivi. Aussi, pour le bien du pays, il a invité à ce que « l’administration fiscale reprenne ses prérogatives et soit associée, consultée même si nous ne revendiquons pas de définir la politique fiscale qui est du ressort du gouvernement ».
Il trouve aberrant que ces agences, pour travailler, viennent puiser les ressources humaines de la Dgid et la rationalité administrative qui est même posée avec cette superposition inutile et budgétivore de ces 46 agences qui couvent sur un pactole incontrôlé de plus de 123 milliards. Et « c’est un débat citoyen et non-corporatiste qui ainsi posé », a-il conclu.
49 ANS DES PORTEURS DE PANCARTES A SAINT LOUIS
L’histoire syndicale et politique nationale revisitée
Par Mamadou Lamine DIEYE SUD QUOTIDIEN
Pour la première édition décentralisée de la célébration du 49ème anniversaire de leur association, les porteurs de pancartes ont porté leur choix sur Saint Louis, ancienne capitale de l’AOF et du Sénégal. Pendant les deux journées (25 et 26 août 2007) qu’ont duré les festivités, les jeunes du 26 août 1958 qui tous octogénaires aujourd’hui, n’ont pas failli à leur devoir de mémoire pour revivifier l’histoire politique et syndicale du Sénégal.
En choisissant feu Latyr Camara (1919-2000), syndicaliste et homme politique de grande renommée comme parrain et comme thème central « Syndicalisme et engagement patriotique », l’association des porteurs de pancartes du 26 août 1958 ont retracé le long processus de décolonisation du Sénégal amorcé après la seconde guerre mondiale. Acte historique de commémoration appartenant à tout le Sénégal, la cérémonie a été délocalisée cette année à Saint Louis, ville symbole dont l’histoire se confond avec celle du Sénégal. Le choix de Saint Louis se justifie ainsi et « c’est une reconnaissance du rôle qu’il a joué à travers ses élites mais surtout en tant que mémoire vivante de l’histoire du Sénégal de la pénétration française à l’indépendance », dira Amadou Ndéné Ndao, le président de l’association. Et la chambre de commerce de Saint Louis, qui a abrité les festivités, était trop peite pour accueillir tous ces hôtes venus d’horizons divers pour célébrer le parrain et pour honorer un devoir de mémoire.
Les parents et amis du parrain, les illustres personnalités politiques et syndicales, les notabilités civiles et religieuses et les saint-louisiens dans leur diversité, ont répondu massivement et dans un bel élan de solidarité à cet appel de ceux sans qui le Sénégal ne serait pas libéré du joug colonial. L’exposé du professeur Oumar Gueye sur « le syndicalisme et l’ engagement patriotique » et les contributions des uns et des autres renseignent sur sa pertinence et son actualité. L’action syndicale qui s’évertue à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qui produisent les richesses sans profiter de façon équitable des retombées, joue un rôle capital dans l’éveil de la conscience politique et de l’engagement patriotique. A en croire Me Mbaye Jacques Diop, Président d’honneur de l’Association, « la ligne de démarcation est tenue lorsque le syndicaliste, imbu d’un patriotisme ardent, s’engage dans l’action publique ». Et Latyr Kamara, « syndicaliste engagé politiquement pour s’engager résolument dans la lutte pour la souveraineté nationale » en est la plus parfaite illustration. En effet, il a été d’abord un pur produit du mouvement syndical pour devenir par la suite un homme politique d’envergure, un diplomate de carrière, un homme d’Etat émérite, tout en restant un homme entier selon les témoignages de ses collègues présents.
Cheikh Dembo Kamara, au nom de la famille du parrain, n’en dira pas moins que les contemporains de son oncle qui a consacré ses 81 ans au service exclusif de son pays, des siens, des opprimés et des causes justes. Aussi, deux jours durant, les porteurs de pancartes ont revisité l’histoire politique et syndicale du pays. Un devoir de mémoire qu’ils se devaient d’accomplir pour porter à l’attention des jeunes générations l’action des 65.000 jeunes « sujets citoyens » et des organisations politiques significatives d’alors, qui ont osé défier le Général Charles de Gaulle de Yoff à la place Protet pour « lui réclamer de manière sonore et visible l’indépendance ou le Jott Sa Reew, mot banni du vocabulaire officiel mais non du vocabulaire politique et mitant ». C’est ainsi que de l’instauration du régime de la Loi cadre instauré en 1957, conférant aux territoires d’Outre Mer l’autonomie interne, aux événements du 26 août 1958 en passant par le rôle des partis politiques, des syndicats et des mouvements de masses mais aussi la naissance du nationalisme africain, la place centrale des événements du 26 août 1958 pour l’indépendance du Sénégal a été davantage prise d’assaut.
Dans le souci de perpétuer l’œuvre historique entreprise par les porteurs, par les jeunes, le comité saint louisien d’organisation de la commémoration du 49ème anniversaire est devenu le premier Comité régional de l’association nationale des porteurs de pancartes avec Massamba Niang comme Président d’honneur et Abdoulaye Ngom comme secrétaire exécutif. La mise en place des comités des autres régions du Sénégal va se faire progressivement car « comme la France qui a sa révolution Française qui est célébrée depuis 1789, la flamme ne doit pas s’éteindre, elle doit être entretenue par chaque sénégalais », a estimé M. Diop. Il informera que le cinquantenaire de la commémoration, qui aura lieu l’année prochaine à Dakar, sera célébrée avec toute la portée et la symbolique requise car ce sont « les noces d’or de l’Association ». Elle sera internationalisée et verra la participation des pairs Africains.
Mansour Cama, président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal
« Nous vivons dans une situation de précarité »
dimanche 2 septembre 2007, par Nettali /
Nettali - Le président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), M. Mansour Cama est formel. Dans une interview accordée au magazine spécialisé sur les questions économiques ‘’Réussir’’ de ce mois (numéro qui sera dans vos kiosques dès lundi), le patron de la Cnes tire la sonnette d’alarme. Selon M. Cama, le Sénégal se trouve dans une situation de précarité.
Pour Mansour Cama, « le gouvernement doit voir comment baisser la fiscalité, quitte à réduire son train de vie en attendant des lendemains meilleurs ». Mansour Cama se veut clair : « il appartient à l’Etat de faire sa cure et permettre ainsi de répartir la charge de la demande sur tout le corps social ». Non seulement, indique le patron de la Cnes, le déficit public a augmenté, mais il y a qu’au plan macro-économique, les chiffres indiquent « que l’inflation est sortie du cadre dans lequel nous avions réussi ces dernières années. Toutes choses qui font dire à Mansour Cama que le Sénégal est dans une situation de précarité. Pour faire face à la situation, il appelle l’Etat, le patronat et les syndicats à discuter et voir comment gérer cette situation. « Chaque décision peut avoir un impact important. Pendant que l’Etat subventionne ou renonce à des recettes douanières, les prix augmentent. La démarche est-elle payante ? C’est pourquoi, je dis qu’il faut une conjonction d’attitudes de toutes les parties prenantes ».
Pourtant, soutient le président de la Cnes : « Le Sénégal n’a jamais eu autant de recettes fiscales que ces dernières années. D’abord par l’élargissement, mais aussi le poids de la Tva. Pas moins de 30% des recettes avec un taux qui pose problème dans certains secteurs comme le tourisme. Donc sur ce plan, l’Etat est très performant et les chiffres le montrent. Même si aussi, comme toujours, il y a un pendant, car si la Douane enregistre autant, c’est parce que le Sénégal est un importateur net du fait que nous ne produisons pas assez. C’est le revers de la médaille. Par contre, là où il y a des inquiétudes avérées d’ailleurs, c’est l’inflation qui augmente de même que le déficit budgétaire ». Mansour Cama ajoute que lors de l’assemblée générale annuelle de la Cnes, en décembre 2006, et devant Macky Sall, le Premier ministre d’alors, il avait mis l’accent sur un certain nombre de clignotants inquiétants. A savoir, « un gonflement anormal de la dette intérieure et un taux de croissance en baisse ». Pour lui, nos autorités ont manqué de visibilité sur un certain nombre de choix. C’est ainsi que soutient-il, « en lieu et place de certaines infrastructures et leurs impacts sur les finances publiques, j’aurais donné une priorité absolue à l’énergie électrique ». Mansour Cama est persuadé que « la perspective économique annoncée montre que nous allons encore souffrir pendant longtemps d’un déficit de compétitivité qui plombe l’activité économique ».
Le patron de la Cnes milite pour un débat fondateur entre le pouvoir, l’opposition et la société civile, et interpelle ceux qui sont à la tête du pays. Dans son entendement, « nous avons l’obligation de rechercher le consensus national en matière économique ».
Les politiques sur le chemin des Etats-Unis d’Afrique
Les Etats-Unis d’Afrique, appelés dans tous leurs vœux par les peuples africains, exigent des mutations nécessaires pour l’avènement d’un monde nouveau. Celles-ci sont en passe de ne laisser aucun secteur en rade aussi bien dans leurs ruptures de fond que de forme. C’est en cela que l’espace de vie des hommes politiques ou autres politiciens de même que ceux qui l’animent doit connaître des évolutions notoires. Car l’Afrique de demain ne saurait s’accommoder de démocratie sans acteurs, autrement dit d’hommes qui ne seraient pas à la hauteur des attentes d’un continent résolument engagé vers la résolution urgente de ses problèmes de développement. Des secteurs vitaux de la société africaine ayant déjà réfléchi sur leurs modalités de contribution à l’émergence d’une Afrique bâtie sur une pensée harmonisée et intégrative de l’ensemble de nos différences.
Dans la même foulée, il apparaît nécessaire de réfléchir à une charte africaine d’éthique politique. Celle-ci, adoptée à la suite de rencontres et de forums intenses, serait à coup sûr un début de réponse à la dégradation des mœurs politiques et, partant, une voie de réhabilitation de l’image des acteurs. C’est dire que toutes les voies de solution doivent être empruntées pour arriver au résultat escompté. Il s’agira sans doute de faire un diagnostic sans complaisance du mal politique sous ses symptômes aussi divers que variés, à savoir la démagogie, la gabegie, le clientélisme, le parjure idéologique, pour ne citer que ceux-là. La propension à la violence et les conflits engendrés, voire alimentés par les politiciens seront des obstacles à la réalisation de cette Afrique que nous voulons ‘un des cœurs du monde’. Les hommes politiques auront la lourde mission de renaître sous forme de personnages dignes de respect et doués d’un sens élevé de l’honneur. Le manque de vraies icônes politiques, au sens noble du terme, a contribué à faire sombrer maintes jeunesses d’Afrique avides de politique.
L’ère du politique ou du politicien ‘marchand d’illusions’ doit être révolue à la faveur de l’avènement d’une pratique politique réconciliée d’avec les valeurs africaines pures, socle d’une approche hautement différenciée. Aucun Etat ne devrait songer, dans ce renouveau africain, à un apport en deçà des valeurs. Ce dont il sera question, c’est justement d’un faisceau de valeurs dont les uns et les autres pourront s’inspirer pour s’améliorer. Pour cela, il urge chez ceux-là qui vivent de politique ou se réclament de ce monde de se débarrasser de certaines pratiques jurant d’avec la morale et le sens élevé du civisme. Lorsque, finalement, des représentants africains devront parler, non pas pour leurs pays propres, mais d’une seule et même voix pour la défense d’une cause dite africaine, il faudrait qu’eux, tous, soient animés d’un même idéal. C’est en cela qu’il s’avère nécessaire de tendre vers la promotion de valeurs en partage. Le ‘Diom’, la ‘Kersa’, le ‘Njumb’, le ‘Doylu’, entre autres, pourraient bien en faire les objets.
Dans cette entreprise, ne seraient pas en reste les peuples d’Afrique le plus clair du temps assujettis au trafic d’influence et victimes de détournement de conscience et d’abus de confiance de la part d’hommes qui n’ont de soucis que pour leur carrière et leurs comptes bancaires. En effet, l’exigence des électeurs ou mandants, en termes de qualité de prise en charge de leurs préoccupations, doit davantage être une réalité se formalisant d’une feuille de missions dont les résultats seraient quantifiables. L’élu sera alors jugé à l’acte. De même, les militants ou sympathisants de partis politiques devraient cesser d’apparaître comme moutons de panurge, exigeant de leurs dirigeants plus de démocratie, moins de paternalisme et un sens plus élevé de moralité pour prétendre accéder aux commandes.
En définitive, il serait prétentieux de vouloir cerner les contours d’un sujet aussi vaste que la mutation nécessaire des politiques de tous bords sur le chemin de l’érection des Etats-Unis d’Afrique. Avons-nous tout juste voulu entrevoir les espérances de l’Afrique de demain en attirant ‘nos attentions’.
Toutefois, l’Afrique de demain naîtra de politiques porteuses d’idées et de pensées neuves capables d’émergence. Ensemble changeons en mieux pour que l’Afrique - Une - ne soit pas une perpétuelle utopie d’intellectuels !
Elhadji Babacar MBENGUE Chargé des Examens à l’Iden de Dakar-Médina
elhadjibabacarm@hotmail.com
Immigration clandestine : Un véritable aveu d’échec
Ngor, se confiant à moi, me dit : “Tukki taxna tekki”. J’y crois autant que ces impénitents clandestins destinés à mourir en haute mer loin du regard tendre de la mère, dont le cœur battrait la chamade devant leur dernier cri agonissant qui se mêle tristement au grondement assourdissant des vagues. J’y tiens mordicus comme à la prunelle de mes yeux et rien ne pourra me détourner de la décision que j’ai irrévocablement prise d’aller vers d’autres cieux, car c’est l’unique solution qui me reste pour donner sens à ma vie et à toutes celles qui s’y attachent. Par les océans ou par le ciel ou bien par la forêt, j’irai. Je veux être affranchi de ma situation de pauvreté, celle que j’ai héritée de mes parents, lesquels l’ont héritée des leurs. Halte à la souffrance, à la pauvreté chronique qui semble suivre l’ordre chronologique, à travers le temps, de la lignée à laquelle j’appartiens. Vivoter, j’en ai marre, mourir, je préfère. Certes, j’ai bien vu montrer à la télé des hommes ayant péri, qui sont rejetés par la mer et accueillis dans un concert d’essaim de mouches en plein air, tandis que d’autres ont été croqués à belles dents par les requins affamés de viande humaine, mais ça me laisse de marbre. Il faut que je parte autant de fois que je serai objet de rapatriement.
Voilà des propos d’une sincérité naturelle dictés par une conviction profonde et sournoise pour autant qu’ils semblent bizarres sous le regard de celui qui se situe à cent mille lieues de ce que son auteur éprouve. Pensez-vous qu’un postulat selon lequel ’tukki taxul tekki’ aussi pauvre d’arguments qu’il n’a de sens, peut parvenir à retenir les jeunes et les fixer dans leurs terroirs respectifs ? En tout cas, des jeunes comme ceux du village de Toby Diop, à 2 km de Kébémer sur la route de Darhou Mousty ou du village de Marandan dans la communauté rurale de Sakar (département de Sédhiou) sur l’axe Djindé - Kolda, ne seront pas, avec ce langage simpliste, disposés à croire à un tel échafaudage d’hypothèses fondées autour d’un vain mot. Ce sont des villages qui empestent le confort et le luxe moderne sous le charme mirobolant desquels tombe irrésistiblement tout visiteur venant d’autres horizons.
L’immigration, telle une religion, les jeunes continueront à y croire jusqu’à ce que l’Afrique n’en contienne plus. La seule thèse que les jeunes cautionnent est celle selon laquelle ‘Tukki taxna tekki’, car seule cette dernière a pu recueillir l’assentiment de témoignages concordants en sa faveur. Ce sont des jeunes dans la ferveur du voyage dont l’intention a déjà dessiné un but à atteindre et mobilisé des raisons d’agir. Face à cette situation précise, criante de vérité et inquiétante, les autorités chargées de la question de l’immigration clandestine ont apporté une réponse inopérante parce que faisant abstraction de paramètres physologiques incontournables.
Pour faire tomber ce phénomène en déliquescence, il est important de saisir l’importance de l’illusion collective d’abord et individuelle ensuite, qui hante ces jeunes à l’image d’un adepte qui prend son marabout pour un Prophète. C’est là qu’il faut commencer si l’on veut renverser la vapeur. Si l’on désire sans tricherie aucune retourner les jeunes comme une crêpe, les dissuader de leur objectif, nettoyer de leurs cerveaux les espoirs corrompus, il faut une politique de jeunesse solide au-delà des frontières du Pac (Parents, amis, connaissance). Montrer à ces jeunes que la réalité n’est pas cette apparence qu’ils ont vue ensemble et vers laquelle ils convergent, certes ce n’est pas chose aisée, mais il est de l’ordre du possible. Nier la réalité reluisante se trouvant ailleurs en leur faisant croire autre chose n’est pas la clé de la solution.
Souleymane LO Elève inspecteur en Intervention communautaire
Consultant-Mobilisation sociale, Enea/ Département Eda
Mail : julessouleymanelo@yahoo.fr
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