L’abscons malaise des inspecteurs et contrôle
L’abscons malaise des inspecteurs et contrôleurs du travail et de la sécurité sociale.
Quel paradoxe que ceux là dont la raison d’être est d’apaiser le climat social, climat social sans lequel, point de perspectives durables de productivité et de croissance, en soient réduits à devoir créer un syndicat et à observer un préavis de grève.
Il ne devrait point en être ainsi car les conventions 81 et 150 de l’Organisation Internationale du Travail leur garantissent un statut et un cadre d’exercice en adéquation avec leurs missions et tâches. Au demeurant, avant les indépendances, ayant à sa disposition des moyens conséquents, l’Inspecteur du Travail et des Lois Sociales assumait pleinement ses missions.
Près de cinquante ans après les indépendances, nous en sommes encore à la recherche d’une Fonction Publique motivée cohéremment articulée en termes d’interconnections fonctionnelles pouvant permettre à l’Administration de réaliser les ambitions étatiques réaffirmées d’émergence économique et sociale de notre pays.
En effet, l’inefficience optimale du service public est encore de rigueur au niveau de l’Administration du Travail qui a pourtant la particularité de pouvoir impacter directement sur le pouvoir d’achat et le bien être des populations.
La mission de contrôle de l’effectivité de l’application de la législation du travail dans toute sa vigueur est plombée par l’inadéquation entre la répartition spatiale des entreprises et les moyens juridiques, humains, logistiques et financiers alloués aux direction, divisions et inspections régionales du travail et de la sécurité sociale. A titre d’exemple, le contrôle de l’ensemble des entreprises de la région de Dakar est présentement assuré par un seul service qui ne dispose que d’un seul véhicule. Pourtant, dotés de moyens conséquents, les services chargés du contrôle auraient pu concourir à la promotion du travail décent au grand bénéfice des masses laborieuses. La notion de travail décent recouvrant l’obligation pour l’employeur d’instaurer des conditions de travail adéquates et le dialogue social dans son entreprise et de garantir un salaire conforme aux annexes de barême de salaires et une couverture des risques d’accidents de travail et de maladies à ses travailleurs.
La mission de conseil à l’endroit des employeurs, des travailleurs mais aussi de l’Etat est insuffisamment exploitée. Alors que la Puissance Publique aurait pu grandement tirer profit de l’expertise de ses inspecteurs et contrôleurs du travail et de la sécurité sociale pour remédier aux récurrents problèmes de gestion du personnel au niveau des démembrements de l’Etat (ministères, établissements publics, sociétés nationales, agences, offices, etc…). Dans le même ordre d’idée, la conclusion de conventions bilatérales de travail et de sécurité sociale aurait également permis une meilleure résolution durable des problèmes des sénégalais de l’extérieur.
Participant grandement à la célérité de la justice sociale, la mission de règlement des conflits individuels aurait pu mieux être prise en charge avec un renforcement des capacités des mandataires syndicaux qui peuvent assister les travailleurs en conflit avec les employeurs. Ce à quoi s’emploient de plus en plus certaines centrales syndicales. En revanche, la mission substantielle de règlement des conflits collectifs est tout aussi handicapée par le déficit de mobilité des agents. Ce qui se traduit par la recrudescence des arrêts de travail ou des mouvements d’humeur des travailleurs qui ont des répercutions néfastes sur la productivité et la création de richesses au niveau des entreprises.
Par ailleurs, eu égard à leur profil et à leur présence permanente au niveau du monde du travail, les contrôleurs et inspecteurs du travail et de la sécurité sociale sont les agents de l’Etat les mieux outillés pour appréhender les besoins en main d’œuvre des entreprises. Par conséquent, Ils peuvent contribuer à parfaire la perpétuelle entreprise d’adéquation de la formation et de l’emploi. Laquelle adéquation nécessite une forte Direction de l’Emploi qui puisse par le biais d’une cohérente politique nationale d’emploi, insufler une synergie des orientations des politiques en matière d’éducation, de formation professionnelle et des financements des différents fonds de promotion de l’Emploi. La mise à profit des compétences de ces agents est tout aussi judicieuse dans la bonne tenue des activités de l’APIX (participation à l’amélioration de l’environnement des affaires) et de la Stratégie de Croissance Accélérée (participation à l’élaboration et à la révision de la législation sociale dans le sens d’une meilleure compétitivité des grappes de croissance). L’Administration du Travail peut également contribuer à l’élargissement de la protection sociale aux travailleurs exclus du système actuel, notamment ceux du secteur informel.
Il urge donc de s’atteler à faire un usage efficient de ces ressources humaines qui ne demandent qu’à servir le peuple.
Pour ce faire, l’Administration du Travail doit se départir de cette révolue option attentiste d’apaiser le climat social en s’appuyant notamment sur un adossement abusif sur des syndicats. Dans ce contexte de pluralité syndicale, il devrait s’agir plutôt de s’employer à la mise en place d’une Administration du Travail interactive et proactive capable de jouer pleinement son rôle dans le développement économique et social de notre pays.
Le relèvement appréciable de l’ordre protocolaire du Ministère chargé du Travail et l’élevation de celui qui en a la charge au rang de Ministre d’Etat sont des signes de considération des autorités étatiques. Mais, il en faut absolument plus pour que la Nation puisse bénéficier substantiellement de la valeur ajoutée de ces garants d’un climat social apaisé. C’est la lecture qu’il faut avoir de la démarche et des motivations du Syndicat des Inspecteurs et Contrôleurs du Travail et de la Sécurité sociale.
Oumar FALL
Inspecteur du Travail et de la Sécurité Sociale
oumarfall8@yahoo.fr