ENTRE SOCIETE CIVILE ET CLASSE POLITIQUE
LES FRONTIERES ENTRE SOCIETE CIVILE ET CLASSE POLITIQUE
Jamais dans l’histoire du Sénégal contemporain, le compagnonnage entre la société civile et la classe politique de l’opposition n’a été d’une si forte intensité qu’ au cours de la période des années 2000 à partir desquelles s’est exercée la gouvernance libérale .
Notre pays,en effet,a connu et continue de subir une crise profonde multiforme et multidimensionnelle consécutivement à une gestion libérale ou liberticide qui ne s’est reposée et ne repose sur aucun principe fondateur ,si ce n’est, sur la volonté d’un homme « fort », non accommodante de nos valeurs républicaines et démocratiques traditionnelles. Si bien qu’une levée générale de boucliers de l’opposition démocratique et de la société civile s’est faite jour, subséquemment aux multiples dérivations afin de parer à la déliquescence de l’Etat de droit, de l’Etat républicain et démocratique et à la paupérisation grandissante.
A partir de ce moment, des convergences et synergies entre le monde civil et la classe politique oppositionnelle sont apparues, au point de provoquer l’organisation des assises nationales qui ont été l’aboutissement d’un processus de formation d’une nouvelle prise de conscience populaire contre les dégradations de tout genre affectant le cours de l’évolution récente du Sénégal .La défense de la république, de la démocratie,de l’Etat de droit ainsi que le combat pour la transparence et l’allocation optimale des ressources rares prennent le pas sur la vie partisane et interpellent les Sénégalais de tout bord contre les dérives monarchiques tendancielles, le recul de la croissance économique et la perte des valeurs .Les conditions objectives et subjectives d’une volonté commune de transformation sociale qualitative sont réunies au vu de la jonction de toutes les forces vives de la nation pour la restauration de la société sénégalaise démocratique et pluraliste à travers la formulation d’une charte fondamentale de bonne gouvernance.
L’organisation des élections présidentielles contestées de 2007 ainsi que le boycott des législatives de la même année ont sonné le déclic qui a permis à l’opposition de déclencher des initiatives hardies d’implication de la société civile contre les dérives et prévarications et pour la défense de la démocratie, des droits de l’homme et des droits économiques et sociaux .C’est ainsi alors que des termes de références ont été soigneusement élaborés par l’opposition réunie à l’époque dans le cadre du FSS qui a su nouer les contacts nécessaire et proposer à la société civile le canevas référentiel et les objectifs d’une convocation de conclaves nationales .De sorte qu’à la suite de l’instauration d’un espace de dialogue et d’échanges, le principe de l’organisation de consultations citoyennes a été retenu afin d’impliquer les populations à la base et de recueillir la vox populi sur le fonctionnement actuel du Sénégal et sur les perspectives .
Les consultations citoyennes furent des temps forts du dialogue national inclusif , d’implication de tous les segments de la société pour qu’ils se prononcent sur l’état de la nation , la détermination et la consignation de la vision des populations dans un document stratégique fondamental. Il y’a lieu de faire apercevoir que si l’opposition républicaine a eu le mérite d’avoir été à la base de la convocation des assises nationales en bousculant la société civile à la suite d’élections contestées , provoquant ainsi son réveil,il faut relever également tout le mérite de la société civile, qui, grâce à son implication autonome, responsable et volontariste dans la défense et sauvegarde des intérêts des populations, conformément à leur rôle de vielle et de garde pour une bonne gouvernance dans le strict respect de son statut, a eu,aussi,à piloter brillamment ces dites conclaves .La crise profonde, multidimensionnelle que traverse le Sénégal ,de nos jours ,est porteuse de revendications populaires qui s’appuient sur une réelle légitimité faisant coïncider les actions des politiques et de la société civile vers des convergences , lorsque, précisément ,les dégradations atteignent des niveaux critiques .La crise illustre un réveil historique au Sénégal , civil et politique, au point que les frontières semblent se briser sous l’autel des interférences et interdépendances justifiées par le contexte actuel. Cette entente circonstanciée entre les deux entités a amené le candidat déclaré de la coalition Sopi aux élections présidentielles de 2012, bien qu’on se trouve tout juste à mis parcours du mandat actuel ,à lancer des diatribes au Président des assises nationales du haut de la tribune de l’UNESCO, non pas pour s’attaquer tardivement à une quelconque gestion d’une institution prestigieuse du système des nations unies ,mais, plutôt, pour le reprocher de faire corps aujourd’hui avec l’opposition dans la défense de la république et la restauration des valeurs démocratiques et sociales historiques au Sénégal.
Toutefois,l’émergence actuelle de la convergence entre société civile et classe politique ne doit pas occulter l’autonomie et l’indépendance de la société civile conformément à son statut de corps social organisé en associations pour la démocratie participative et comme acteur primordial du développement économique et du développement humain intégral .Car en fait , la société civile est le domaine par excellence de la vie sociale organisée qui est volontaire,largement autosuffisant et autonome vis à vis des politiques et de l’Etat ;C’est le corps social par opposition à la classe politique qui a vocation de se mobiliser pendant les principaux événements de crise et pendant les moments électoraux, non pas pour se présenter au risque de perdre son statut pour se verser dans la pure politique, mais ,pour être les garants de la bonne gouvernance, du développement économique et de la bonne répartition des richesses nationales L’UNESCO entend par société civile l’auto organisation de la société , en dehors du cadre étatique et du cadre partisan, devrant agir dans le cadre associatif et des organisations syndicales, patronales,caritatives et autres organisations de base. Les acteurs de la société civile doivent refuser la politisation des organisations, sous peine de perdre la légitimité sociale et de porter atteinte aux principes d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité de ce corps social. C’est pourquoi, les candidatures à des élections de leaders de la société civile, même sous le parrainage de partis politiques (ce qui me parait difficile à obtenir dans le cas du Sénégal actuel où la vie partisane cheville la société) n’est pas souhaitable afin d’éviter les mélanges de genre.
partir du moment où les leaders de la société civile sont intéressés par la dévolution du pouvoir en devenant compétiteurs, les frontières entre société civile et classe politique disparaissent en donnant naissance tout simplement à une société politisée dans son ensemble ; il ne s’agira plus ,dès lors ,d’évoquer ou de se réclamer d’une quelconque société civile dans son essence, mais plutôt d’organisations éminemment politiques qui se cachent derrière le manteau de la société civile .Les acteurs de la société civile qui ont l’ambition de se muter en compétiteurs pour la conquête du pouvoir et son exercice, doivent faire le saut et se débarrasser de leur manteau de société civile pour se verser carrément dans le landerneau politique.
De la même manière, les partis politiques ne doivent pas s’adonner ou contribuer à la politisation de la société civile, même si, par ailleurs, les intérêts conjoncturels du moment convergent au risque d’enlever au monde civil sa mission première d’exercer le contrôle citoyen de l’action publique et de contribuer à son aliénation .C’est la raison pour la quelle, la théorisation par des partis politiques d’une période intérimaire au Sénégal où la société civile assurerait une transition me parait superfétatoire et participe à une complexification et brouillage des repères, si ce n’est, une stratégie d’empêcher la candidature potentielle de compétiteurs ayant de redoutables appareils politiques électoraux(ce qui me parait impossible).En tout état de cause,toute candidature de personnalités dites civiles, sans le concours des appareils politiques, restera illusoire pour la victoire. La lucidité devrait prévaloir en pareille circonstance afin de permettre à chaque segment de la société de jouer pleinement son rôle ,dans une atmosphère non confuse et délimitée, en dépit des interférences et interdépendances et de pouvoir maintenir intactes les frontières pour le respect des autonomies et la préservation des équilibres nécessaires à la vie sociale organisée .La souveraineté appartient au peuple, l’essentiel c’est de permettre à celui-ci de se déterminer librement, mais clairement ,à l’heure du choix, sans confusion possible ou esprit confusionniste,dans une bonne lisibilité et visibilité, pour que ce choix ne soit pas biaisé pour être le choix réel du peuple .
Il est évident également que les confréries religieuses, l’église catholique, les organisations sociales à l’intérieur desquelles s’exercent des diversités culturelles et politiques devraient être équidistantes de la vie politique organisée pour pouvoir servir grâce à cette posture, de garant dans la prise en charge correct des aspirations des populations et de rempart contre les dérives de toute obédience.
KADIALY GASSAMA , Economiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque