La leçon de l’agression de Walf
La leçon de l’agression de Walf : La nécessité d’un sursaut citoyen
L’agression perpétrée le vendredi 29 mars 2009 sur le groupe Wal Fadjri sera, sans nul doute, un événement à inscrire dans les annales de l’histoire de notre pays. Au-delà des préjudices subis (dégâts matériels, sévices corporels, etc.), il y a eu surtout l’atteinte à un principe sacro-saint : l’Etat de droit ! Des citoyens sénégalais ont été victimes d’une injustice flagrante. Des citoyens ont osé faire violence à d’autres sous le prétexte de se faire justice ! C’est cela qui est inacceptable. Surtout c’est cela qui doit faire peur. Si cela reste impuni et peut se répéter demain, alors c’est la confirmation que notre pays est vraiment en danger. Dans quelle mesure l’Etat est-il responsable ?
La plupart des Sénégalais ont suivi sur les antennes de… Walf en direct les événements douloureux. Des autorités de toutes sortes, de simples citoyens, ont tenu à exprimer leur soutien, leur indignation.
L’événement appartient déjà au passé même si, c’est sûr, espérons-le, il va connaître des développements… Pour sa gravité, pour sa conséquence sur l’avenir proche et lointain de notre pays, de notre République, ce fait interpelle toutes les personnes responsables. Ainsi, au-delà du simple citoyen que je suis, mon statut (enseignant retraité), mon âge me poussent à dire à d’autres compatriotes ce que je crois. J’insisterai surtout sur les leçons qu’il faut impérativement et obligatoirement tirer de cette tragédie. Il faut certes soutenir, panser les blessures. Mais il faut surtout faire en sorte que cela ne se répète plus. Si les différents responsables religieux ont tous (musulmans comme chrétiens) appelé à l’apaisement, du côté des autorités politiques, on a apprécié différemment. On peut comprendre la condamnation unanime de l’Etat par les différents responsables de l’opposition. On peut comprendre surtout celle du Pdg du groupe Wal Fadjri pour qui, ce vendredi sera inoubliable. Il a été atteint dans sa chair, dans son âme. ‘Ndap lu fees tuuru !’ Pour ma part, j’ai surtout apprécié le discours du ministre chargé de la Communication. Au nom du gouvernement, il a condamné et surtout il a promis que les auteurs seront identifiés, jugés et punis conformément à la loi. Maintenant, attendons.
Lorsqu’il y a eu l’événement du bateau le Joola. Pendant des jours, on a assisté dans le pays, à la même ambiance d’indignation. A l’époque, tout le monde (autorités comme simples citoyens) avait condamné aussi bien l’Etat que les comportements des citoyens. L’Etat, cette entité oh combien importante, mais qui hélas n’est pas toujours visible, est, dans tous ces cas, condamnable car en tant que pouvoir public, investi de tous les moyens dont dispose la Nation, il est chargé non seulement de la protection des citoyens, mais même de leur éducation. Dans cette tragédie du vendredi 25 mars, on peut ne pas admettre, comme semble le faire croire Sidy Lamine Niasse, que l’Etat est directement responsable. Mais il est aussi indéniable qu’il est fautif, dans la mesure où s’il s’était assumé sur le plan de l’éducation des citoyens, donc de la prévention, cette agression et aussi d’autres n’auraient pas pu avoir lieu. Il y a toujours dans ce pays des drames (accidents, crimes abominables, viols, etc.) dus au laisser-aller et au laisser-faire auxquels on assiste. C’est cette absence de l’Etat dans ce qui concerne le bien-être quotidien des populations, qui doit cesser. C’est d’autant plus grave que dans certains cas où ça l’arrange (inutile de développer…), l’Etat est plus que visible.…
Etat de droit et bonne gouvernance
Plus jamais ça, c’est aussi et surtout la nécessité d’un sursaut citoyen de la part des populations, dans toutes ses composantes, jeunes, femmes, vieux, autorités religieuses et politiques. Il est temps que nous comprenions que l’Etat de droit est la condition incontournable pour que, dans un groupe humain, une société, quelle que soit sa taille, la vie soit possible. C’est cet Etat de droit qui garantit les droits essentiels que sont la démocratie, les libertés individuelles et collectives, la justice, etc. Toutes ces libertés que nous envions aux pays qui ont émergé et qui permettent de créer des richesses, de se soigner, d’éduquer, de se divertir sainement, de pratiquer sa religion dans la sérénité. Et la seule voie pour créer cet Etat de droit, c’est l’instauration de la bonne gouvernance ; laquelle n’est rien d’autre que l’exercice le plus correct possible par les pouvoirs publics des rôles pour lesquels ils ont été élus par les populations. Mais cette bonne gouvernance n’est pas seulement l’affaire des élus. C’est aussi et surtout celle des populations, des citoyens. Sans ces derniers, la république n’existe que formellement.
Mais quels citoyens ? Ceux qui, comme il y en a eu dans les locaux de Walf, dans ses abords immédiats et ceux aussi qui, de loin, dans leur maison, ou même sur leur lit d’hôpital, ont été choqués dans leur conscience et auraient dit aux agresseurs : ‘Ce que vous avez fait, est odieux ! Qui que vous soyez, vous n’en avez pas le droit !’ La citoyenneté, aujourd’hui, plus que jamais, est dans nos Etats, cette haute conscience d’appartenir à une république, qui est la nôtre. Ses dirigeants ne sont pas alors des ‘buurs’, mais de simples ‘nawlé’ qui ont la lourde responsabilité de ne devoir la place qu’ils occupent qu’à la confiance des autres. Donc ‘noom noo ameel Askan wi njukal !’ Mais le pouvoir, hélas, grise, aveugle comme une belle femme dont on est follement amoureuse… Alors, pour peu qu’on n’ait pas le sens de la mesure ou qu’on ne sache pas raison garder, on en abuse pour son propre malheur et celui des autres.
Notre responsabilité de citoyens passifs
Un pouvoir, il faut savoir l’élire, il faut savoir aussi l’accompagner, non en le subissant sans réagir, mais en s’opposant à lui quand on a l’intime conviction qu’il ne fait pas son devoir. Comment résister ? Avec intelligence, avec tous les moyens légaux, en privilégiant certes le dialogue, mais sans jamais abdiquer, d’une façon ou d’une autre (en se faisant acheter, ou même simplement en se décourageant). C’est parce beaucoup ont boudé le champ de la politique, cette activité qui doit sainement organiser la république, que des individus qui n’y ont pas leur place, y pavoisent pour nos plus grands malheurs. A ceux qui s’investissent pleinement dans des secteurs de développement et pensent que cela suffit pour leur ‘part’ de politique, je dis non, ce que vous faites, c’est bien, mais dans le contexte, c’est insuffisant.
La patrie est vraiment en danger ! Ce qui s’est passé ce vendredi 25 mars en est une parfaite illustration. Levons-nous tous pour mettre de l’ordre dans la maison, alors après, ceux qui le veulent pourront aller s’adonner à leur activité de développement préférée. Quand la République n’existe plus que de nom, comme cela semble être le cas pour notre cher Sénégal, sa remise en état devient une sur priorité. Par ailleurs, l’Etat de droit, qui n’est qu’un compromis négocié, n’est jamais définitivement acquis, il faut donc, pour le préserver, une vigilance et une mobilisation de tous les instants.
Si nous comprenons, qu’en partie, nous sommes responsables de ce qui est arrivé à Walf, par notre passivité sur le plan politique et si nous savons que la mobilisation qu’il y a eu autour des victimes, n’a pas laissé les pouvoirs publics indifférents, alors l’espoir est permis. Al hamdou lilah !
Babacar BARRY Enseignant retraité à Meckhé babacar_barry@yahoo.fr